Louis Mexandeau, «François Mitterrand le militant, Trente ans de complicité», Le Cherche midi, 394 p., 19€.
En 2005, Louis Mexandeau avait proposé une très stimulante Histoire du Parti socialiste. Son dernier ouvrage vaut également le détour. Il est un complément fort utile du précédent et se consacre aux trente années de complicité qui ont marqué la relation entre Mexandeau et Mitterrand. Il s’en démarque sur le fond comme sur la forme. En 2005, Mexandeau voulait faire œuvre d’historien, avec une certaine distance par rapport à son sujet. Dans le présent volume, « Mex » se raconte, sa vie politique, les combats avec et pour Mitterrand, laissant souvent aller sa plume à des piques plus ou moins répétées à l’égard de certains camarades de Parti…
Réunissant quelques proches peu avant sa mort, François Mitterrand leur avait confié : « Mes amis, je vous le demande, écrivez, écrivez, ne laissez pas dévoyer nos idées et le sens de notre combat ». Pour Mexandeau, c’est mission accomplie. Et il souligne notamment combien il digère mal la volonté d’historiens socialistes de « réduire le rôle de Mitterrand en réécrivant l’histoire ». Il les accuse en particulier de vouloir instituer l’idée que la véritable refondation du PS ne s’est pas faite en 1971 mais en 1969 lors de ce que Mexandeau qualifie de « congrès tronqués et truqués d’Alfortville et d’Issy ». « Socialiste hédoniste », l’ancien député du Calvados met donc les points sur les « i » avec une certaine truculence, ne s’embarrassant pas de circonlocutions pour dire sa façon de voir.
Ses pages sur la lente conquête de sa circonscription de Caen, dans une région historiquement marquée à droite, font prendre la mesure de ce qu’on appelait autrefois des « terres de mission ». Des territoires que Mitterrand refusait de laisser à la droite et qui lançait les hommes de la CIR à l’assaut de ces circonscriptions difficiles. Les pages consacrées à la Convention des institutions républicaines, à la période qui va de 1965 à 1971, sont à la fois captivantes d’un point de vue historique et souvent poignantes tant Mexandeau réussit à faire partager au lecteur l’idée que cette période fut « la meilleure de sa vie politique », un jugement qu’il attribue également à François Mitterrand.
L’ancien ministre raconte la campagne présidentielle de 1965, la FGDS, mai 1968, le PSU, ce « fourre-tout prétentieux », Epinay, l’élection de 1974, les Assises du socialisme, le congrès de Metz, 1981 et la suite. Très réservé sur les Assises du socialisme, Mexandeau assure que Mitterrand lui aurait confié quelques années après : « Je ne crois pas avoir fait d’erreurs politiques graves depuis 10 ans. Sauf les Assises ». Mexandeau raconte aussi avoir été chargé par Mitterrand de concevoir le projet de grand service public laïque et unifié de l’Education nationale et surtout comment une campagne relayée par la presse l’a empêché d’accéder au ministère chargé de le mettre en œuvre après 1981.
Un récit lui aussi riche d’enseignements. S’agissant de l’après-81 et de l’exercice du pouvoir, le ton est souvent amer. Certes, Mexandeau raconte ses ministères –les PTT puis les Anciens combattants- mais domine chez lui la nostalgie des combats des années 60 avec les mitterrandistes de la première heure, ceux de la CIR, les Mermaz, Joxe, Hernu, Laignel, Estier, etc.
Après 1981, le charme est épuisé, Mitterrand est président, l’exercice du pouvoir a conduit chacun à faire des compromis et Mexandeau est moins à son aise dans ce rôle. Il est vrai qu’on le préfère moins mélancolique ou quand, comme il le dit lui-même, il « fait la guerre à la lugubre triade des culs serrés, des peine à jouir et des buveurs d’eau ».