Pas plus qu’en religion, n’existe en politique de délit de blasphème. Aussi est-il légitime que l’action de F. Mitterrand fasse régulièrement l’objet de réflexions, de débats, de réévaluations ou de critiques sévères, nécessaires à la compréhension de son histoire. Et la comparaison avec le Général de Gaulle peut y aider, comme l’ont démontré avec talent Régis Debray ou Jean-Pierre Chevènement, ou, s’agissant de biographes, Jean Lacouture ou Éric Roussel.
Mais celle à laquelle se livre Michel Onfray dans ses « Vies Parallèles » publiées ces jours-ci n’est que prétexte – au service de quelle ambition ? – pour instruire un procès si violent et inattendu qu’il en est totalement caricatural.
Si le General est représenté (et pourquoi pas) en phare de la pensée, F. Mitterrand y est lui accusé sans nuances de tous les crimes : comploteur, jouisseur, suborneur, antisémite…il n’est pas jusqu’à ses goûts culinaires ou le choix de sa sépulture qui ne témoignent de sa perversité.
J’ai renoncé à compulser le Code pénal pour en extraire la liste des infractions qu’il réprime, mais l’énumération qu’en fait Onfray en les imputant à l’homme du 10 mai m’a semblé quasi exhaustive.
Pourquoi cet acharnement ridicule, et malheureusement haineux, à tout vouloir prouver, au mépris des faits, en convoquant par exemple à l’appui de ses dires et comme « témoin de moralité » le tortionnaire Aussaresses ou en prétendant démontrer l’antisémitisme de F. Mitterrand par l’exégèse de son discours à la Knesset ?
On hésite à chaque chapitre entre la stupéfaction, le rire et l’écœurement comme on pouvait sans doute le faire dans les années 50 à la lecture des libelles que les staliniens consacraient à ceux qu’ils qualifiaient de « vipères lubriques ».
L’on est, en refermant l’ouvrage, plus consterné qu’indigné de voir une belle intelligence dériver vers des marais si peu ragoûtants.
Si la réputation de F. Mitterrand n’a rien à redouter d’un tel livre, celle de l’intellectuel et philosophe qu’était Michel Onfray pourrait, elle, bien en souffrir.