«La communication audiovisuelle est libre. » Telle est la rédaction de l’Art. 1er de la loi promulguée le 29 juillet 1982, un siècle et un an, jour pour jour après la grande loi Jules Ferry sur la liberté de la presse.
22 ans et une demi-douzaine de lois plus tard, ce principe fondateur demeure inscrit dans notre droit, exactement dans les mêmes termes. Cette « fenêtre sur la liberté » voulue par François Mitterrand est restée ouverte.
Au milieu des années 70 deux conditions nécessaires, mais à elles seules insuffisantes, pouvaient permettre une révolution de notre système audiovisuel : d’une part les nouveaux moyens techniques d’émission et de transmission, d’autre part l’aspiration de plus en plus vive de l’opinion à la diversité et au pluralisme de l’information, à la liberté. A ces conditions il en manquait une troisième : la volonté politique. Ce fut celle de François Mitterrand.
En ce temps là, il n’existait en France que les trois télés d’état, et cinq radios sous contrôle du gouvernement.
Les radios FM commençaient à balbutier. On les appelait« pirates ». Elles étaient pourchassées, démantelées, lourdement condamnées. Le premier secrétaire du PS avait clairement pris parti en faveur de leur libération. Il avait même personnellement patronné la radio pirate socialiste « Riposte ».
Cette liberté nouvelle figura parmi les 101 propositions de la campagne électorale présidentielle, avec cette précision : « Il sera créé un Conseil supérieur de l’audiovisuel dans lequel les représentants de l’état seront minoritaires ».
C’était l’acte de naissance de la Haute Autorité de l’audiovisuel, instance indépendante responsable de la délivrance des autorisations d’émettre, de la répartition des fréquences, de la nomination des présidents des organismes publics.
Cet organe de régulation a, par la suite, changé de nom : CNCL, puis aujourd’hui CSA, mais il n’a pas été touché à ses attributions.
L’abandon du monopole, clé de voûte du nouvel édifice a suscité à l’époque bien des réticences au sein même de la majorité de gauche: « Était-il opportun, arrivant au pouvoir, de se dessaisir de l’autorité sur les radios et les télés, dont nos adversaires avaient tellement abusé ? »… « Comment faire comprendre qu’au moment où nous nationalisons les banques, les compagnies d’assurances, nous abandonnons le contrôle du gouvernement sur l’audiovisuel ? ». Les communistes, quant à eux, ne rêvaient que de rétablir l’ex ORTF. Et se sont abstenus lors du vote de la loi de 82. La rupture entre le pouvoir politique et le pouvoir audiovisuel n’en n’est pas moins consommée.
La création de Canal Plus, première chaîne privée en France provoquera également bien des polémiques. La droite aboie au prétexte du choix de l’Agence Havas, présidée par André Rousselet, comme concessionnaire. La caravane passe… À gauche aussi, on renâcle: « Une télé payante c’est une télé pour les riches ! ». Il se révèlera, au contraire, à l’été 84, que les dizaines de milliers de nouveaux abonnés sont des gens de condition modeste, qui, souvent, ne partant pas en vacances se sont offert en compensation le sport et le cinéma sur Canal.
Nouvel ouragan sur le Paf au lancement de la Cinq, avec un opérateur français, comme le prévoit la loi, Jérome Seydoux, mais avec Berlusconi, actionnaire à 25%. Il est plaisant de remarquer que, la droite de retour au pouvoir, ré-attribuera le réseau à Robert Hersant… associé à Berlusconi !
Puis ce fut la Six, chaîne musique-jeunesse à petit budget afin de ne pas assécher le marché publicitaire, et laisser son espace au secteur public. En effet, à chacune de ces étapes, François Mitterrand a eu la volonté constante de le soutenir et le renforcer, face aux nouvelles concurrences. C’est également dans ce souci qu’il a dégagé les crédits nécessaires pour lancer la première étude d’une chaîne culturelle européenne, qui allait devenir la Sept, puis Arte.
Si l’on ajoute à l’oeuvre audiovisuelle réalisée par François Mitterrand le plan câble, la poursuite du programme de diffusion directe par satellite, la privatisation d’Europe N°l, il est permis de dire qu’en 5 ans, le paysage a été entièrement redessiné, mettant la France à l’heure de son temps.