Il ne se passe guère de semaines sans que l’on trouve dans la presse écrite ou audiovisuelle, ou encore dans des livres, des références à François Mitterrand 1; des rappels parfois sympathiques, parfois critiques ou tout simplement factuels mais qui soulignent la place que l’ancien Président de la République occupe toujours dans l’esprit des commentateurs comme dans celui de ses concitoyens.
Plusieurs de ces références touchent à la politique internationale. Par exemple, à propos des tensions au sein du «couple» franco-allemand, «Le Monde » rapportait le 12 décembre dernier des propos entendus à Bruxelles: «Les tiraillements incessants entre Paris et Berlin ne facilitent pas la tâche de la Commission» dit-on dans l’entourage de José Manuel Barroso, où l’on se souvient de la bonne entente entre François Mitterrand et Helmut Kohl, au temps de l’équipe Delors. Une complicité qui avait alors permis à la Commission de «jouer son double rôle d’initiative et de gardienne des traités. »
Sur les difficultés surgies entre la France et la Chine après la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Dalaï Lama, «Le Monde» rappelait le 9 décembre qu’une rupture s’était déjà produite il y a vingt ans pour de tout autres raisons. Il s’agissait d’une décision prise par Pékin après la vente par Paris de Mirage à Taïwan. Vente qui suivait celle de frégates françaises à l’île «rebelle» et qui s’inscrivait dans le contexte de la dénonciation par le président François Mitterrand du massacre de la place Tienanmen, en 1989 »,
Sur un autre plan, « l’Express» du 15 janvier 2009 faisait état, photo de J’époque à l’appui, de la célébration à Sofia du vingtième anniversaire de la venue de François Mitterrand dans la capitale bulgare:
« Une scène avait alors marqué les esprits: le petit déjeuner organisé, à la demande du président français, avec des dissidents bulgares dans un salon de la résidence de France, voisine de l’Ambassade. Cette rencontre a toujours été considérée comme une étape décisive dans le processus d’ouverture de la Bulgarie. Une rue de Sofia et une place de la ville de Plovdiv seront rebaptisées au nom de François Mitterrand ».
Un nouvel Epinay
Les références de politique intérieure ne manquent pas non plus. Analysant le « nouvel Epinay» de Martine Aubry devenue première secrétaire du Ps, Michel Noblecourt écrivait dans « Le Monde» du 15 décembre :
«L’objectif et le modèle de Mme Aubry, c’est un “nouvel Epinay”, du nom du congrès qui vit, en 1971, François Mitterrand conquérir le Ps Epinay, voilà qui résume à la fois la large alliance réunie autour de la maire de Lille, sa stratégie de rassemblement de la gauche et sa volonté de renouvellement du Ps…
Mme Aubry renvoie à Epinay où François Mitterrand, pour s’emparer du Ps, s’était allié avec Gaston Defferre, à droite,et Jean-Pierre Chevènement, à gauche.»
L’exemple est pertinent, sauf que l’attelage mitterrandiste s’était constitué au moment d’Epinay et qu’il s’était brisé deux ans après au congrès de Grenoble.
La même idée était reprise par Alain Duhamel dans sa chronique de « Libération» du 5 février: « Chez Martine Aubry 2009 il y a beaucoup de Mitterrand 1979, au moins par la vigueur, par la stratégie et par la colère théâtralisée ».
A la fin du téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe, « L’abolition », diffusé le 3 février sur France 2, on pouvait voir à l’écran l’image de François Mitterrand se déclarant, à la veille de l’élection présidentielle de 1981, hostile à la peine de mort tout en sachant que la majorité des Français y étaient alors favorables.
Il avait la stature…
Dans un livre publié fin 2008 2 Jérôme Seydoux, grand patron de «Pathé» évoque à plusieurs reprises sa relation avec François Mitterrand. Il explique ainsi le soutien qu’il lui avait apporté à l’élection présidentielle:
«Un président de la République peut avoir à surmonter des épreuves. Je pensais que Mitterrand était plus mûr, plus capable, dans des circonstances graves, de prendre les bonnes décisions pour le pays. Et j’avais la conviction que pour que la démocratie fonctionne, il fallait qu’il y ait une alternance. Si ce sont toujours les mêmes qui restent au pouvoir, la démocratie cesse d’être une démocratie ».
Et encore ceci : «Je pensais réellement que François Mitterrand avait plus la stature d’un chef d’Etat que Valéry Giscard d’Estaing. Je considérais qu’il était plus compétent pour diriger la France…
Il a commencé par faire pas mal de bêtises. Mais il a fait des progrès. Un grand nombre de réformes intelligentes ont été faites sous l’ère Mitterrand, notamment quand Pierre Bérégovoy était ministre des Finances. L’histoire lui rendra hommage. »
Les souvenirs de la cuisinière
Les références à François Mitterrand se situent aussi parfois dans un domaine plus léger.
Par exemple, «Le Monde» a consacré le 24 décembre 2008 une page entière aux souvenirs de la «cuisinière de Mitterrand » :
« Un jour de 1988, le président lança pour son second mandat une petite révolution à l’Elysée. «Je veux une femme de la campagne dans ma cuisine l » décréta François Mitterrand devant ses conseillers.
Chaque jour, le Président et son entourage disposaient pourtant des services d’un chef réputé, Joël Normand, de dix-sept des meilleurs ouvriers de France, d’un tailleur de glace, de pâtissiers et de petites mains sorties des plus prestigieuses écoles hôtelières. « Oui, justifia Mitterrand, mais je veux pouvoir échapper de temps à autre à la cuisine officielle »,
On finit par trouver une femme du Périgord, Danièle Delpeuch, Elle égrène ses souvenirs:
« Jamais, dit-elle, elle n’eut à cuisiner des ortolans. Mais il y eut ce dîner aux truffes préparé en l’honneur de Mikhaïl Gorbatchev. » La « chaudrée charentaise » -une soupe de poisson dont la recette fut retrouvée pour le déjeuner réunissant les frères et soeurs du chef de l’Etat, un 10 mai, jour anniversaire de son élection. Ce repas franco-hispanique donné en l’honneur de la reine Sophie d’Espagne. Et cette navigation si subtile entre goût, diplomatie et politique.
Le président ne mangeait pas de gibier par philosophie. Appréciait la cuisine bourgeoise par culture familiale. Et avait un sens de l’économie domestique par tradition.
Un jour que j’avais acheté de superbes et délicieuses fraises du Chili, en plein hiver, pour confectionner une tarte, Monsieur Mitterrand la fit renvoyer en cuisine avec un message: « Je ne veux que des fruits de saison! », raconte-t-elle encore meurtrie ». Souvenirs que l’on peut compléter par ceux de Pepita Cordoba qui fut la gouvernante espagnole de Françoise Sagan et qui relatait dans « Le Figaro» du 11 décembre: «Mme Sagan m’a emmenée à Cajarc et au manoir d’Equemauville.
Le président Mitterrand venait parfois déjeuner. Il arrivait toujours à treize heures précises ct passait me voir dans la cuisine où je lui préparais une escalope à ma façon et un gâteau au chocolat ».