Qu’il me soit permis un instant, au point où nous en sommes, de revenir sur le Rapport Duclert et sur les conclusions paradoxales qui en sont tirées : puisqu’il qui sert de base aux accusations portées contre la France, et en particulier son Président de l’époque, François Mitterrand, alors qu’il exonère précisément la France et les pouvoirs en place de toute complicité dans le génocide des Tutsi.
C’est donc que l’on cherche à lui faire dire plus qu’il ne peut prouver.
Que conclure de ce document de plus de 900 pages et compilant les résultats de dix huit mois de travail ?
- d’abord qu’il fait avancer la recherche puisqu’il constitue un travail impressionnant de collation de toutes les archives françaises disponibles sur la période, qui vient s’ajouter aux éléments rassemblés par la mission parlementaire conduite par Paul Quilès et Bernard Cazeneuve en 1998.
- ensuite qu’il est incomplet, de l’aveu même d’ailleurs de son auteur (cf p 967 du rapport) : en premier lieu parce qu’il n’a pu examiner les archives des autres protagonistes des événements ( Belgique Royaume Uni États Unis ONU Rwanda tribunal d’Arusha, ONG etc.); en second lieu ( et c’est ce que font remarquer les spécialistes de la recherche historique) parce qu’il ne se réfère ni au contexte, ni aux autres travaux historiques conduits sur ces événements ( dont le rapport parlementaire de 1998) ni aux témoignages recueillis ni aux nombreuses autres sources ouvertes.
- du coup les conclusions qu’en tire son auteur sont nécessairement partielles et partiales et donc faussées d’un point de vue scientifique. Elles expriment une opinion, celle de Vincent Duclert, qui n’a d’ailleurs pas pu être debattue au sein de la Commission qui a connu pour cette raison plusieurs démissions notamment dans sa phase de rédaction.
Nous rentrons alors dans un débat qui n’est plus historique mais politique: et c’est sur ce terrain que nous sommes contraints d’examiner les déclarations de Vincent Duclert, encore récemment depuis Kigali, et dont l’animosité personnelle a l’égard de François Mitterrand transparaît désormais clairement. L’on voit bien - il l’a d’ailleurs dit lui-même- qu’il travaille aujourd’hui à justifier de possibles excuses de la France au Rwanda sur le dos des dirigeants d’alors. Ce faisant, il se glisse dans le courant dominant de la « repentance » où faute de conduire de grands combats pour aujourd’hui l’on rejuge en permanence notre histoire en y cherchant avec une sinistre avidité tout ce qui serait susceptible d’alimenter un dégoût de nous-même.
Répétons le sans cesse les questionnements sur le rôle de la France au Rwanda sont légitimes mais nous récusons leur instrumentalisation qui ne sert pas la cause de la vérité.
Le débat ne peut se clore ainsi : l’Institut François Mitterrand demande, dans le prolongement de la proposition déjà faite par Paul Quilès, qu’une seconde commission, dont la composition devrait être internationale- notamment pour échapper aux rancœurs et aux rivalités franco-françaises- soit missionnée pour compléter les travaux de la Commission Duclert en y intégrant, au delà des seules archives françaises, toutes les données nécessaires à la compréhension de cette épouvantable tragédie.
Gaëtan Gorce
Secrétaire Général de l’Institut François Mitterrand