« En politique, on ne peut jamais être satisfait de ce que l’on fait. […] On sait que l’on n’ira pas jusqu’au point désiré quand on avait quinze ans et que l’on rêvait. »1
Après l’échec de la gauche aux élections législatives de 1993, François Mitterrand nomme Édouard Balladur à Matignon. Échaudée par la précédente expérience, la droite mène une action plus ou moins prudente. Chacun attend l’échéance de 1995.
Pour François Mitterrand, débute alors le temps des polémiques et des adieux.
Le suicide de son ami Pierre Bérégovoy, à Nevers, le 1er mai 1993, alors que toute la classe politique – et le Parti socialiste – est éclaboussée par les « affaires », l’amène à prononcer un terrible réquisitoire contre certains journalistes – ces « chiens » – dont il dénonce l’acharnement. Ce qui n’empêche pas, un an plus tard, les accusations sur son action pendant la Seconde Guerre mondiale – connues en réalité de tous – de rebondir avec la parution du livre pourtant équilibré de Pierre Péan, Une jeunesse française ; livre auquel le Président a d’ailleurs lui-même contribué. Vichy, francisque, collaboration, voire antisémitisme, les commentateurs se déchaînent. La mise au jour de ses relations avec René Bousquet, l’un des responsables de la sinistre Rafle du Vél’ d’Hiv’ ternit un peu plus son image. Finalement, on lui reproche sa conduite du pouvoir, son « monarchisme » et jusqu’à sa maladie dont le Tout-Paris scrute la moindre évolution. On attaque aussi sa politique extérieure : il n’aurait rien compris à la réunification allemande, aurait perdu la guerre froide, serait responsable du drame yougoslave et aurait organisé le génocide au Rwanda. La révélation par la presse de l’existence d’une seconde famille du Président – et la relation d’une jeune fille avec son père qui émeut les Français –, son courageux combat contre la maladie, n’atténuent en rien ces critiques dont il avoue qu’elles le blessent.
François Mitterrand quitte l’Élysée le 17 mai 1995. Il s’installe rue Frédéric- Le-Play. Dans les quelques mois qui lui restent à vivre – il sait la progression de la maladie –, il revoit ses amis, sa famille, certains de ses homologues étrangers, fait quelques voyages – notamment en Égypte –, et publie trois livres : Mémoire à deux voix, avec élie Wiesel, en 1995 ; Mémoires interrompus, en 1996 ; De l’Allemagne, de la France, la même année.
François Mitterrand décède à Paris le 8 janvier 1996. La nation entière lui rend hommage. Partout, en France, devant les mairies ou aux coins des rues, des inconnus déposent des roses.
Peu à peu, les polémiques s’estompent. L’histoire – à laquelle François Mitterrand faisait confiance – commence son travail de compréhension et non plus de jugement. L’action intérieure des différents gouvernements socialistes ne fait plus aucun doute. Elle a profondément transformé la société française dont toutes les structures ont été réformées. À l’extérieur, on retient l’engagement du Président en faveur de la construction européenne et la façon dont il a su, alors que le monde changeait, faire valoir les intérêts de son pays. Bref, l’œuvre politique est considérable.
François Mitterrand fut aussi le Président d’une gauche qu’il porta au pouvoir. À son contact, cette dernière comprit qu’il lui fallait réformer mais aussi assumer ses propres choix. Le bilan social des deux septennats reste cependant décevant au regard des ambitions affichées, malgré l’importance de l’action entreprise. Le chômage, en particulier, ne put être contenu. S’adressant aux Français à l’occasion de son dernier 14 juillet à l’Élysée, en 1994, François Mitterrand confiait ses « regrets de n’avoir pu réduire autant qu’[il] l’aurait voulu les inégalités sociales ».
Quoi qu’il en soit, François Mitterrand demeure une figure immense de l’histoire du socialisme français et, au-delà, de toute une nation. Il laisse en héritage plusieurs milliers de discours dont l’éloquence et la pertinence ne cessent de surprendre.