« MITTERRAND,DU BEAU TEMPS..!! »
Depuis 1958 la gauche perdait toutes les élections présidentielles et législatives. Ses
partisans en avaient pris l’habitude. Éliminée en 1969,battue de peu en 1974,il a fallu en 1981
attendre les dernières semaines et les ultimes jours pour croire la victoire possible. Même les
quelques secondes qui dévoilent à la télévision le front du vainqueur ne dissipent pas tous les
doutes. Dans le Finistère,j’ai senti la victoire dès le vendredi 8 mai. Un dernier meeting se tenait
à Quimper avec Pierre Mauroy. Il devait se rendre ensuite auprès de François Mitterrand à
Nantes,avant minuit dernier délai pour la campagne officielle. Ce soir-là,l’inspecteur des
Renseignements Généraux présent se montre très déférent à mon égard et me glisse : on a les
sondages,c’est gagné.! J’ai aimé le croire. Comme tous les Premiers secrétaires fédéraux du
PS,j’étais le délégué officiel du candidat. Je me suis donc rendu à la Préfecture. C’était un lieu
qui me paraissait lointain et réservé à d’autres. Je l’assimilais au pouvoir en place et non à la
maison de la République.. Je suis accueilli très chaleureusement par le chef de cabinet,un
jeune énarque (j’apprendrai plus tard qu’il faisait partie de la promotion Voltaire) en début de
carrière. Il me demande si la fonction de préfet allait vraiment disparaître. J’ai vu l’inquiétude
dans ses yeux. Il imaginait sans doute sa carrière d’effondrer. Je l’ai rassuré en lui disant que
l’Etat aurait toujours un représentant dans le département même si on le dénomme
Commissaire de la République.
Quimper ne fut pas ce jour-là une ville originale : la fête était partout et s’est prolongée tard
dans la nuit. J’avais le sentiment que la société respirait. Les électeurs de gauche,en une
soirée,ne se voyaient plus comme des exclus du pouvoir national. Mais,ce soir-là,il pleuvait des
cordes. Dans la rue un slogan a jailli,repris en coeur par tous : « Mitterrand,du beau temps.! »
Ce fut un soir la 111ème proposition du programme du désormais Président François
Mitterrand..!!
Bernard Poignant