Adhérent en 1979 au Parti socialiste, à 15 ans à Evreux (27-Eure), la présidentielle de 1981 fut ma 1ère campagne électorale. Ce jour-là, dès la fermeture des bureaux de vote à 18h, les militants appelaient la Fédération, lieu de centralisation des résultats. Chacun donnait la première centaine de bulletins qu’on s’empressait d’analyser, particulièrement dans les bureaux de votes et les communes tests. Nous faisions des allers-retours entre le hall de l’Hôtel de ville d’Evreux et la Fédération de l’Eure du PS pour suivre, au plus près, l’avancée des résultats. Dans les bureaux de votes de Gauche c’était un franc succès et dans les bureaux acquis traditionnellement à la Droite, François Mitterrand faisait de bons scores. L’espoir montait au fur et à mesure de l’avancée de la soirée, sans vraiment imaginer que cela fut possible.
Puis 20h sonnèrent, l’apparition à la télévision du visage de François Mitterrand… ce fut une explosion de joie débordante, indescriptible. Comme les autres camarades, j’étais soulevé de bonheur dans une effervescence puissante. Nous nous embrassions mitterrandistes, rocardiens, chevènementistes… tout les combats et les mésententes disparurent. Pour les militants plus anciens, cela avait une résonnance encore plus forte. Ils avaient permis cela et je leur en étais reconnaissant. Idem à l’hôtel de ville, les militants, de toute la Gauche, dans la diversité, s’enlaçaient et étaient heureux d’y croire. C’était devenu possible !
Evreux étant à 100 km de Paris, nous sommes partis pour la Place de la Bastille où nous étions dans une communion fusionnelle. Puis, surgit une pluie battante avec de grêlons. Même pour les rationalistes les plus orthodoxes, impossible de ne pas penser à un clin d’œil des Cieux pour la libération du Peuple et de la France ! Nous scandions « Elkabbach à la météo ! », pied de nez à cette figure journalistique du pouvoir Giscardien. Ce fut une soirée inoubliable pour toute une génération ! Nous sommes rentrés très tard dans la nuit, portés par un espoir immense d’une société nouvelle, devenue le champ des possibles ; une société plus juste, plus solidaire et plus ouverte au monde où la politique avait le pouvoir de « changer la vie ».
Je me souviens de cette première déclaration de François Mitterrand, le soir du 10 Mai, dédiant sa victoire aux forces de la jeunesse et le : « Nous avons tant à faire ensemble et tant à dire aussi » et aussi « Des centaines de millions d’hommes sur la terre sauront ce soir que la France est prête à leur parler le langage qu’ils ont appris à aimer d’elle ».
Belle entrée en politique pour le jeune de 17 ans que j’étais.
Avec toutes les imperfections, que la vie d’un homme extraordinaire peut générer en soixante ans de vie politique…, cher François Mitterrand Merci et Respect !
Michel Champredon