À l’heure où les primaires font plus que jamais débat au sein du Parti socialiste et révèlent la place croissante occupée par l’opinion, la présidentialisation, et la mobilisation électorale (les trois facteurs essentiels des primaires) au sein de la structure interne du Parti socialiste, il est nécessaire de revenir sur l’origine de ce mouvement amorcé dans les années 1970.
Notre but est de tenter de comprendre comment la « démocratie du public »1.
Il faut toutefois se garder d’une vision décadentiste de la relation entre partis et opinion publique. Celle-ci a toujours eu un poids, resté toutefois contenu jusqu’à l’apparition de la triple et même « troisième révolution française » des années 19602. Avec l’émergence conjointe des sondages, de la télévision et de la présidentialisation du régime, la vie politique française s’est largement transformée.
Ces trois facteurs ont peu à peu, contre le modèle républicain prédominant jusque-là, imposé une personnalisation croissante des scrutins et un recours de plus en plus courant aux méthodes du marketing politique3, ayant un capital électoral et une assise partisane faibles mais profitant d’une côte favorable dans les sondages.
La perspective présidentielle étant depuis 1965 déterminante, cette influence de l’opinion publique (mesurée au travers des sondages4) représente certainement l’un des premiers exemples et certainement le plus saillant soulignant l’emprise croissante de l’opinion publique – ou plutôt de l’opinion publique mesurée par les sondages – dans le jeu politique interne au cours des années 1970 (I).
Pour autant peut-on résumer ce congrès à une lutte des chefs pour l’élection présidentielle ?
Il s’agit en effet, avant tout d’un congrès – et non d’une primaire – avec ses luttes de courants, ses batailles idéologiques et ses oppositions personnelles traditionnelles, mais aussi d’un « rituel » périodique faisant de la nébuleuse socialiste, un tout5. Le rôle de l’opinion publique et de la présidentialisation restent donc relatifs, comme le soulignent d’ailleurs les résultats du congrès. (II)
Mais plus généralement, le Congrès de Metz est à notre avis un congrès entre deux rives : son caractère fondamental dans la mémoire collective, à une place d’ailleurs très différente du congrès de Rennes, n’est-il pas la preuve que les évolutions sont certainement plus profondes et que les enjeux posés sont certainement plus riches ?
Le Congrès de Metz présente ainsi la particularité de se trouver au confluent de deux époques. Entre tradition et modernité, le Congrès voit donc les premières semonces de l’opinion éroder la structure partisane, les premières évolutions du point de vue de la doctrine apparaître, le tout sur fonds de bilan de l’évolution considérable du parti au cours des années 1970. Entre deux périodes, il pose nombre des fondements du Parti que nous connaissons encore aujourd’hui (III).
Le congrès de Metz : une primaire avant l’heure ?
S’il y a effectivement un enjeu saillant dans ce congrès, mais dont personne ou presque n’ose parler en interne6, et avec une lutte de personnes trop vive pour que personne ne soit dupe.
Sur ce point, le passage par Wappy7
Mais le poids de l’opinion n’est pas perceptible que dans le camp rocardien. L’ensemble des interventions se veulent à l’écoute de l’opinion8. Il est devenu une des données incontournables des débats internes.
Cette forte personnalisation des enjeux, y compris au sein d’une instance où l’on ne l’attend pas, entraîne une forte médiatisation du Congrès. Avant comme après le congrès, nombre de quotidiens, d’hebdomadaires, et surtout de journaux télévisés et radiodiffusés font leur titre sur le congrès de Metz, interrompant pour quelques temps leur narration des luttes intestines entre Jacques Chirac et le président de la République. Déjà les jours précédents, TF1 consacre chaque soir un petit reportage à chacune des motions, se focalisant plus sur les luttes de personnes que sur les thèmes abordés. Ils contribuent ainsi à dramatiser l’enjeu, voir à le mythifier en transformant la lutte principale – celle entre François Mitterrand et Michel Rocard – en un combat de générations, voire en un « parricide ». Image qui n’est d’ailleurs pas que le produit des médias, puisque Michel Rocard l’a entretenu, notamment par le fameux « archaïsme »9. Cet intérêt est suscité par l’apprêté des débats, mais aussi par la lutte personnalisée entre deux hommes Michel Rocard et François Mitterrand. Pierre Mauroy s’il joue un rôle essentiel dans le Congrès est relativement marginalisé par les médias, qui voient déjà dans ce congrès la confrontation pour l’élection présidentielle de 1981.
Le Congrès de Metz est donc fortement marqué par l’émergence croissante du poids de l’opinion dans la vie politique, de la présidentialisation et de son corollaire la personnalisation – autant de facteurs à la base du principe des primaires -, y compris au sein de l’instance partisane. Pour autant, si l’on reste sur ce postulat, on ne peut comprendre une large série de facteurs, et tout particulièrement les résultats du Congrès.
Mais un congrès avant tout
Le poids des facteurs qui forment une primaire, reste relatif dans le cas du Congrès de Metz. Les résultats de celui-ci sont en effet en demi-teinte. D’un côté la présidentialisation semble avoir joué effectivement, notamment dans le relatif échec de Pierre Mauroy. Mais d’un autre côté, il ne s’agit pas – c’est le moins que l’on puisse dire – d’une victoire rocardienne contre François Mitterrand, même si les commentaires journalistiques sont là encore partagés entre ceux qui y voient le début du déclin10 de ce dernier et ceux qui au contraire le considèrent comme le grand vainqueur de cette lutte acharnée. Une chose semble sûre, les sondages n’ont pas à l’époque permis de convaincre la plupart des fédérations que la meilleure candidature serait rocardienne et qu’il fallait l’exprimer dès ce congrès.
Néanmoins, ce qui ressort de ces résultats, c’est surtout un renforcement de la base mitterrandiste. Jusque-là relativement dépendant de Pierre Mauroy, l’homme de l’appareil et détenteur d’une des plus grosses fédérations, mais aussi d’alliances avec d’autres courants (le courant des Assises entre autres), François Mitterrand parvient tout de même à obtenir une base à lui seul, et une majorité avec l’aide du Cérès. Il peut donc les jours suivants mettre en place une équipe homogène autour de lui, confiant plusieurs postes-clé à ses « sabras » (Fabius, Jospin).
Dans cette victoire, la construction de réseaux internes a certainement joué, et l’enjeu principal a semble-t-il été le bilan du parti depuis Epinay, le débat Rocard-Mitterrand se juxtaposant sur ce débat interne. En effet, comme tout congrès, celui de Metz a aussi pour objectif de tirer un bilan sur la période précédente11
La victoire de François Mitterrand et de sa motion sont donc aussi l’expression d’une confiance renouvelée à l’homme qui a mené la rénovation du parti.
Le Congrès de Metz, témoin d’un PS en transition
Plus largement le Congrès de Metz nous semble incarner une phase transitoire du socialisme français. Il est sur divers aspects, outre celui de l’opinion et de la communication politique, le témoin de l’évolution du PS au cours des années 1970.
Sur le plan de la relation du PS au pouvoir, il symbolise toute la capacité et la compréhension de l’enjeu présidentiel. Le fait que celui-ci soit au cœur des débats (certes, sans que ce soit clairement dit) montre que les deux principaux acteurs qui nous ont intéressé ici, François Mitterrand et Michel Rocard ont bien compris toute l’importance de l’élection présidentielle dans les institutions de la Vème République. Mieux, cela souligne que le parti tend à se détacher de sa relation ambiguë avec le pouvoir – qu’Alain Bergounioux et Gérard Grunberg12.
Dans la relation complexe que le PS entretient avec le pouvoir, Alain Bergounioux et Gérard Grunberg montraient que l’attachement à la doctrine est un des facteurs essentiels qui explique que le PS ne soit pas devenu un parti social-démocrate. Si de rares lignes dans l’ouvrage sont accordées à ce congrès, celui-ci révèle pourtant, selon nous, avec acuité les évolutions profondes du PS sur le plan doctrinal. Faire du « tournant de la rigueur » la date clé de l’évolution du PS dans sa relation avec sa doctrine est certes fondamental, mais cela ne doit pas occulter le fait que le terrain a été largement préparé au cours des années 1970, notamment par le développement de l’expertise économique au sein du Parti socialiste à cette époque13. Les changements et les prises de position qui se font jour au début des années 1980 sont à notre avis influencées par l’évolution des acteurs, des assises, de l’électorat et des choix politiques et stratégiques du Parti socialiste dans les années 1970. Le Congrès de Metz accorde ainsi une large place à ces débats économiques omniprésents dans les interventions. Le questionnement de la doctrine économique (héritée du Programme commun de la gauche) est ainsi la pierre d’achoppement des divers courants. La remise en cause du Programme commun est surtout perceptible – et couplée à la remise en cause de la stratégie menée jusqu’alors à l’égard du PCF – chez les Rocardiens et en partie chez les Mauroyistes, en raison de leur positionnement. Mais il n’en est pas moins certain qu’elle était répandue chez des Mitterrandistes comme Jacques Delors par exemple, qui ne pouvaient dans l’affrontement sans merci entre courants, en faire part au risque d’être marginalisés eux aussi. Ces voix redeviennent plus audibles une fois le gouvernement mis en place et les premières mesures prises.
Cet exemple montre d’ailleurs que l’usage de la doctrine économique a aussi une fonction politique, elle sert d’étendard ou au contraire de repoussoir. Comme le dit Mathieu Fulla : « Cependant, sur un sujet en apparence aussi technique que les questions économiques, la dimension passionnelle et instrumentale du problème l’emporte dans le jeu politique. Le Programme commun et ses nationalisations sont d’abord un étendard dont on se réclame de la lettre ou de l’esprit, que l’on brandit ou que l’on brûle selon les stratégies partisanes. »14, et se répand dans l’ensemble du parti, sous le vocable – parfois confus – d’autogestion.
Conclusion
Bien sûr le Congrès de Metz n’est pas en lui-même la fin de l’histoire de cette lutte pour l’investiture socialiste à l’élection présidentielle. Michel Rocard avait refusé tout net, non pas le principe des primaires, mais de participer à des primaires face à François Mitterrand, de peur de diviser le parti socialiste15. Au jeu interne succède une période de tentative de débordement par les sondages, sans pour autant priver François Mitterrand d’une nouvelle candidature à l’élection présidentielle, victorieuse celle-ci.
Plus qu’aux primaires d’aujourd’hui (même si nous espérons montrer que des éléments de ce proche passé permettent d’expliquer les phénomènes que nous constatons), c’est plutôt à celles de 2006 ou de 1995 que l’on peut comparer le Congrès de Metz.
Mais là où Ségolène Royal ou Lionel Jospin ont pu être désignés en s’appuyant sur l’opinion, la situation de 1979 en est le contrepoint, avec des ingrédients communs, mais un rendu bien différent…
- Bernard Manin décrit trois phases successives d’évolution de la démocrate : d’abord la « démocratie des notables au XIXème siècle, apogée du parlementarisme, à laquelle succède la « démocratie des partis », elle-même remplacée par la « démocratie du public » dans laquelle l’opinion au travers des médias et des sondages occupe une place centrale (Bernard Manin, Principes du Gouvernement Représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995).]], selon l’expression de Bernard Manin investit également la forteresse partisane, au point que celle-ci en vient à se déposséder d’un des pouvoirs qui fondent son identité : le choix de ses candidats[[Joseph La Palombara et Myron Weiner, Political Parties and Political Development, Princeton, Princeton University Press, 1966.]]. Pour cela il faudra mettre en valeur les différents acteurs essentiels de cette évolution : « Dans cette démocratie du public qui voit se transformer, mais non disparaître, le rôle des grands partis dans la sélection des candidats et des leaders, c’est dans cette dialectique entre les dirigeants, les militants et les électeurs, qu’il faut voir la principale innovation »[[Gérard Grunberg, « La candidature Jospin ou la construction d’un nouveau Leadership » dans Pascal Perrineau, Colette Ysmal (dir.), Le vote de crise, Presses de Sciences-Po, 1995, p. 79.
- « En France sont apparus en même temps la télévision, les sondages et les élections présidentielles (ce qui explique que) nous avons intellectuellement beaucoup de peine à trouver ce qui relève (dans les changements ultérieurs) de l’une, de l’autre ou de la combinaison des trois variables », Jean-Luc Parodi, « La politique, la vie et le citoyen », Bulletin d’informations générales du Centre d’information Civique, n°86, 1987, p. 40.
- Christian Delporte, La France dans les yeux : Une histoire de la communication politique de 1930 à aujourd’hui, Paris, Flammarion, 2007.]]. Les sondages, après une entrée difficile en politique[[Loic Blondiaux, La fabrique de l’opinion, Paris, Seuil, 1998.]], se sont peu à peu imposés comme un élément important, au point de mettre sur le devant de la scène, certains « chouchous » de l’opinion[[Nous renvoyons par exemple à notre mémoire de recherche sur la communication de Michel Rocard.
- Nous n’entrons pas ici dans les débats sur la qualité de ceux-ci, ou même sur leur capacité à mesurer réellement l’opinion publique.]]), s’impose de plus en plus aux partis politiques, comme c’est le cas au cours des années 1970 au sein du Parti socialiste. Mais, certains pourront s’étonner de voir figurer un article sur le congrès de Metz – qui est comme son nom l’indique avant tout un congrès, avec tout ce que cela implique, et non une primaire – dans un numéro consacré aux primaires. Pourtant le congrès de Metz (qui est d’ailleurs le premier congrès à décider de la nomination du candidat à la présidentielle par des primaires internes[[Principe qui n’a pas été appliqué jusqu’en 1995.
- Pour une histoire des congrès socialistes, voir en autres Alain Bergounioux, Frédéric Sawicki, Pierre Serne, « L’objet « congrès socialiste » en débat » », dans Recherche socialiste n°12, Septembre 2000.
- La lecture des contributions et des discours est à ce titre révélatrice.]], à l’exception de Michel Rocard[[« Permettez-moi de préciser un détail. Cher François Mitterrand, ce ne sera pas l’opposition du prétendant. (Applaudissements) J’ai dit et répété, je le répète ici, qu’en votre qualité de Premier secrétaire vous serez le premier d’entre nous qui aura à prendre sa décision personnelle sur le point de dire s’il est candidat aux prochaines élections présidentielles et, si vous l’êtes, je ne le serai pas contre vous ! (très vives acclamations) ». (Congrès de Metz, 8 avril 1979 : http://congres.jean-jaures.org/documents/pdf/cong-1979-04-08-1.pdf ou en vidéo: http://www.ina.fr/politique/partis-politiques/video/CAA7900665601/congres-ps-metz.fr.html. (Toutes les interventions citées sont accessibles en ligne sur le site de la Fondation Jean Jaurès).]], c’est bel et bien l’élection présidentielle. Ce n’est certes pas un enjeu nouveau au sein des congrès, mais le calendrier aidant, le congrès de Metz se trouve trop proche d’une élection présidentielle[[N’oublions pas que le congrès d’Epinay, qui voit pourtant une figure essentielle, au caractère largement présidentiable-François Mitterrand- prendre la tête du parti, est éloigné du prochain scrutin présidentiel, prévu en 1976. C’est le décès du Président Pompidou qui va par la suite accélérer le calendrier.
- Lieu exact du Congrès, dans la banlieue de Metz.]] est un détour obligé dans l’étude de la lutte entre Michel Rocard et François Mitterrand[[Nous ne rappellerons pas la multitude d’ouvrages journalistiques que cette opposition a stimulé : Robert Schneider, La haine tranquille, Seuil 1992 ; Jean-Paul Liégeois et Jean-Pierre Bédéï, Le feu et l’eau : Mitterrand-Rocard, histoire d’une longue rivalité, Grasset, 1990.]]. Depuis plusieurs mois déjà Michel Rocard ne se cache plus d’être un candidat possible. Les journalistes – qui se délectent de cette lutte, ou de cette « horse race » – l’ont en tout cas bien compris et consacrent plusieurs colonnes, quasiment chaque jour depuis 1978, à cette bataille de tranchées. En septembre 1978, Thierry Pfister annonce même en « une » du Monde : « Michel Rocard candidat à l’élection présidentielle de 1981 »[[Le Monde, 24-25 Septembre 1978.]]. Les sondages lui sont en effet très favorables depuis 1978 – alors que l’image de François Mitterrand est fragilisée – et il a autour de lui une équipe très structurée, dans laquelle le secteur communication, notamment, joue un rôle important[[Nous renvoyons là aussi à notre mémoire ou au texte suivant : http://l-historien-et-le-politique.over-blog.fr/article-rocard-et-les-medias-68466121.html]]. Dès Septembre 1978, Michel Rocard dépasse François Mitterrand dans le barème Figaro-Sofres, entre autres, et en 1979 les premiers sondages l’annoncent comme le meilleur candidat dans une élection présidentielle. La stratégie même de Michel Rocard vise ainsi à surplomber le parti en s’adressant directement à l’opinion publique. Il use notamment de son fameux « parler vrai » que l’on peut lire de différentes manières[[Notamment comme un excellent slogan, voir à ce propos : Maurice Tournier, « Le Parler vrai, ou qu’est-ce qu’un néologisme « dans Mots, vol.22, 1990.]], mais qui semble distinguer son expression de celle des autres socialistes, notamment dans la relation à la doctrine du programme commun. Les sondages lui étant favorables, il escompte pouvoir profiter de sa popularité pour apparaître comme le seul capable de battre Valéry Giscard d’Estaing : « Pas un seul instant je n’ai été de ceux qui se sont d’avance résignés à une défaite en 1981. Nous pouvons battre le Parti conservateur. Tout dépend, pour cela, du Parti Socialiste. »[[Congrès de Metz, intervention de Michel Rocard, 06/04/79, après-midi.
- Discours de Hervé Chaigne, animateur de la vie nouvelle : « Notre Parti dès lors ne devait plus seulement se battre pour la victoire, mais aussi se consacrer à un effort d’explication vers l’opinion publique (…)Mais surtout, mes camarades, et ceci nous pouvons le dire à nos partenaires, nous pouvons le dire face à nos adversaires, dans cette campagne des législatives qui a été perdue par la Gauche, le Parti Socialiste peut dire à tous, et l’opinion qui nous a regardés peut le confirmer, que nous avons mis tout en oeuvre, que nous avons tout fait pour avoir la victoire en mars dernier (…)Premier parti des collectivités locales, premier parti de France, le Parti Socialiste va maintenant convaincre les citoyens qu’il est aussi capable de gouverner le pays dans le cadre de l’union de la Gauche. II lui faut pour cela s’adresser à l’opinion, et entraîner ses partenaires dans une dynamique qui doit être irrésistible ! »
- Le club de la presse d’Europe 1, 17 Septembre 1978.
- Le Matin de Paris par exemple, le 10 Avril 1979. Mieux la presse allemande à l’exception de Die Welt considère qu’il s’agit même d’une défaite pour François Mitterrand.
- L’idée du bilan est au cœur de la plupart des interventions, ainsi que celle de maintenir la ligne qui a amené un certain succès.]] et c’est certainement le point le plus problématique pour les rocardiens. En effet, s’ils utilisent volontiers le terme de « rupture », il leur est difficile de vouloir faire table rase du passé. Depuis Epinay, le parti a largement évolué, a décuplé ses adhérents, ainsi que ses voix, au point de devenir le premier parti de France. Tous les discours ou presque se flattent du développement du parti, de sa bonne cote dans l’opinion[[Congrès de Metz, intervention de Pierre Mauroy, le 06/04/79.]], de l’expansion spectaculaire du PS dans le département accueillant et la commune de Metz[[Congrès de Metz, interventions Jean Laurain et de Serge Barcellini.]]. Dès le premier jour, François Mitterrand en fait l’un des axes clés de son argumentation : « Je me souviens d’une discussion qui a eu lieu au sein du Comité directeur, et dans laquelle il était dit d’une part : il s’agit en 1979, à Metz, de déterminer à nouveau, pour de nombreuses années la ligne politique du Parti, tandis que d’autres, comme moi, disaient : non, il s’agit pour deux ans, à Metz, de poursuivre plus loin la ligne politique définie, huit ans plus tôt, à Epinay-sur-Seine. Aussitôt, bien entendu, la caricature s’en mêle : quiconque désire déterminer à nouveau – déterminer à nouveau – pour dix ans nos choix politiques apparaît comme l’homme du futur. Quiconque entend maintenir pour deux ans, en la poussant plus loin, la ligne d’Epinay, apparaît comme accroché au sol, maintenu à un réflexe conservateur : comment conserver ce qui existe depuis huit ans ? (…) Cela veut dire tout simplement qu’il appartient au Congrès de Metz de valider, huit ans après, ce qui a été décidé à Epinay et mis en forme l’année suivante. »[[Congrès de Metz, intervention du 06/04/79, après-midi.
- Alain Bergounioux et Gérard Grunberg, L’ambition et le remords, Fayard, 2005.]] nomment « le remords du pouvoir »[[« Le remords du pouvoir, 1936-1971 » dans Alain Bergounioux et Gérard Grunberg, op.cit., pp. 125-229.]] – et exprime nettement son ambition de conquête amorcée dès Epinay[[« L’ambition du pouvoir, 1971-1994 », dans Alain Bergounioux et Gérard Grunberg, op. cit., pp. 241-403.]]. Comme le dit Pierre Simon : « Le Congrès de Metz, ce fut aussi le moment où les socialistes commencèrent à prendre conscience de la place qu’occupait désormais l’élection présidentielle dans le débat politique, et qu’elle devait donc prendre dans la vie de leur parti. Michel Rocard a alors introduit de nouvelles données : le choix du candidat ne dépend pas uniquement du parti et de la ligne qu’il a définie, mais peut également s’appuyer sur le soutien de l’opinion »[[Pierre Simon, « Metz : un congrès à méditer »
- Voir à ce sujet la thèse en cours de Mathieu Fulla.
- Mathieu Fulla, intervention dans colloque « L’union sans l’unité », à paraître.]] Cette réflexion économique est aussi liée à la problématique de l’Etat et de sa place au sein de la société. Là aussi, le Congrès de Metz est révélateur des évolutions que connaît le parti en ce domaine. L’idée de décentralisation, d’autonomisation de la société civile est au cœur des projets de la motion C[[« Michel Rocard avait réalisé une synthèse qui l’amenait à renverser la perspective traditionnelle, à penser que le changement social ne pouvait dépendre principalement de l’Etat et que, par conséquent, l’action politique devait avant tout donner les moyens aux mouvements et aux individus de devenir les acteurs mêmes de la transformation sociale » dans Alain Bergounioux, Gérard Grunberg, op. cit, p. 318.
- Michel Rocard, le 24 Novembre à l’émission Cartes sur Table, déclare qu’une primaire au sein du PS aurait équivalu à une « assurance-défaite ».