François Mitterrand et la fabrique du « consensus » nucléaire français
Par Yannick Pincé
Il est de coutume de considérer que depuis la fin des années 1970, la question d’une défense nationale basée sur la dissuasion stratégique n’est plus discutée lors des campagnes présidentielles et ferait l’objet d’un « consensus ». Les raisons n’ont cependant pas manqué pour en débattre : le contexte stratégique tendu de crise des euromissiles dans les années 1980, les interrogations sur le futur des armes nucléaires françaises dans l’après guerre froide et la perspective de lourds investissements nécessaires pour renouveler les forces de dissuasion depuis 2017. La notion de « consensus » semble donc bien installée aujourd’hui, que ce soit parmi les historiens, les spécialistes de sciences politiques, les juristes ainsi que dans la classe politique[1]. Le diplomate Nicolas Roche, auteur d’une synthèse récente sur la dissuasion nucléaire, relève ainsi « la singularité de la France » par rapport aux Américains, Britanniques et Allemands. En effet, « le débat moral y est à chaque fois moins fort, moins profond, moins large, moins prégnant. Il n’est pas absent, mais il ne prend jamais politiquement[2] ».
Pourtant, aujourd’hui, on semble oublier que l’origine de la volonté de « consensus » en France est à attribuer à Charles Hernu d’abord puis à François Mitterrand. Pour le comprendre il faut remonter au début des années 1970 lorsque le nucléaire militaire était encore très contesté et que la force de frappe n’était opérationnelle que depuis 1964. En juillet 1973, un groupe constitué des députés socialistes Louis Besson et Charles Josselin, l’homme de presse centriste Jean-Jacques Servan-Schreiber, l’abbé Jean Toulat, le philosophe Jean-Marie Muller et le général Jacques Pâris de la Bollardière, mène en Polynésie une protestation contre une campagne d’essais nucléaires aériens[3]. Charles Hernu, président de la commission de la défense du PS déclare alors qu’il faut sortir de ces oppositions et qu’« il n’y a pas de défense efficace quelle qu’elle soit, sans consensus populaire[4] ». Le contexte ne se prête pourtant guère à une telle affirmation puisque la gauche, unie depuis un an, affiche comme objectif « la renonciation à la force de frappe nucléaire stratégique sous quelque forme que ce soit[5] » alors que le pouvoir poursuit l’équipement nucléaire des Armées. Celles-ci se sentent délaissées après la guerre d’Algérie en raison des préférences budgétaires en faveur de l’atome. L’antimilitarisme dans le contexte de l’après 1968 gagne la jeunesse, des comités de soldats se forment, des appelés rejettent le service militaire. A peine 10 ans plus tard, la mobilisation pacifiste qui traverse l’Europe contre le déploiement des euromissiles américains échoue en France. François Mitterrand joue même un rôle décisif, notamment lors de son discours au Bundestag, dans l’acceptation par ce dernier des Pershing II et des missiles de croisière ouvrant la voie à un retour à l’équilibre en Europe.
Peut-on pour autant parler d’un « consensus » établi ? Si l’on limite la question à l’acceptation de l’arme nucléaire, la France en est sans doute proche. Pourtant, dès les années 1980, qui marquent le moment où le « consensus » est réputé s’installer définitivement, ce constat n’est pas unanimement partagé. En effet, le débat continue de se poursuivre sur le terrain de la doctrine stratégique, autrement dit de l’utilité que l’on donne à la détention de l’arme nucléaire. Alors que le président de la République et le PS la conçoivent comme une arme de « non guerre », mal nécessaire pour garantir la paix, dans l’opposition de droite, des velléités de rapprochement avec la doctrine de l’OTAN, dite de « riposte graduée » existent. Il s’agit d’envisager de participer, en cas de guerre, à une bataille européenne contre les forces du pacte de Varsovie, éventuellement avec usage d’armes nucléaires tactiques, c’est-à-dire de courte portée. Cette divergence stratégique conduit à plusieurs malentendus, voire conflits, entre le président, le premier ministre Jacques Chirac et sa majorité lors de la cohabitation de 1986-1988. Il est donc difficile de parler d’un « consensus » installé avant 1988.
La thèse de doctorat que je termine met en doute la réalité d’un consensus nucléaire stratégique dans la France des années 1980 mais admet que c’est dans cette période que la perception d’un tel consensus s’est imposée et ceci en raison de circonstances politiques intérieures[6]. Car plus qu’une adhésion des Français à une doctrine stratégique réputée héritée du général de Gaulle, ce sont les choix des principaux partis politiques français et en particulier ceux de François Mitterrand qui aboutissent lors de la campagne électorale de 1988 à une interruption des affrontements sur les questions de défense. Pour le comprendre, nous rappellerons comment François Mitterrand contribue au ralliement du parti socialiste à la dissuasion nucléaire d’Épinay à 1978. Ensuite, nous évoquerons l’importance de son opposition au déploiement des SS-20 soviétiques dès 1979, moment où il est le premier à donner une définition de ce qui ferait « consensus » entre les grandes forces politiques françaises. Ce rejet des armes soviétiques doit se comprendre comme la recherche d’un équilibre stratégique en Europe, qu’élu président il soutient par ses contacts avec ses homologues et ses prises de parole publiques dans lesquelles il sait se montrer convaincant auprès des Français. Paradoxalement, le RPR et l’UDF contribuent à la mise en valeur des options stratégiques du président en raison d’un débat interne à la droite quant à la doctrine stratégique, mais aussi de l’échec de critiques politiciennes de la politique de défense qu’il conduit. Enfin, la cohabitation de 1986-1988 aboutit à la disparition des divergences stratégiques de la nouvelle majorité puisque ceux, à l’UDF surtout, qui veulent voir une réorientation de la défense en faveur de l’OTAN et critiquent le mouvement de désarmement qui s’amorce entre l’URSS et les Etats-Unis ne parviennent pas à les imposer au président qui s’affiche comme garant de la continuité de la politique de défense et parvient à convaincre les Français du bien-fondé de cette prétention. François Mitterrand par sa constance, le RPR donnant l’impression d’abandonner le socle gaullien de l’indépendance nationale, émerge de ces débats et impose ses conceptions stratégiques au seuil de son second mandat.
François Mitterrand et la bombe avant Épinay
Lorsqu’il est question du rapport de François Mitterrand à l’arme nucléaire, il revient souvent l’image d’un opposant à celle-ci dans les années 1960 et 1970, avant de s’y rallier à la veille de son accession au pouvoir. Les travaux publiés sur cette question mettent en avant l’importance des choix personnels du futur président sans cependant parvenir à trancher sur sa conviction profonde en matière de dissuasion avant l’acceptation socialiste de 1978. Les journalistes Pierre Favier et Michel Martin-Roland évoquent « la foi du converti ». Hubert Védrine, estime que sa « conversion intellectuelle à la dissuasion » est déjà faite au moment du Congrès d’Épinay, en juin 1971[7]. Quelle est donc la réflexion stratégique qui va conduire François Mitterrand à soutenir le ralliement des socialistes au nucléaire militaire ?
En fait, François Mitterrand a toujours été prudent sur les questions nucléaires, mais un faisceau d’éléments appuie l’idée que le converti l’était avant Épinay. Selon Pierre Joxe, son entourage a également contribué très tôt à cette évolution puisque son frère cadet, le général Jacques Mitterrand, est commandant adjoint des Forces Aériennes Stratégiques (FAS) de 1965 à 1967, puis commandant de 1970 à 1972. Louis Mermaz s’appuie quant à lui sur une discussion avec François Mitterrand en 1959 pour confirmer le caractère ancien de sa conviction nucléaire. Celle-ci s’affirme dès sa participation aux comités de défense en tant que ministre de l’Intérieur de Pierre Mendès France puis garde des sceaux de Guy Mollet, ce que ne manque pas de lui rappeler Michel Debré quand, en tant que ministre de la défense, il critique le programme commun en 1973[8]. Le futur président aurait ainsi choisi de « dissimuler ses intentions » pour des raisons politiques liées à son opposition au général de Gaulle, adoptant à cet égard la même stratégie que son positionnement face à la Vème République. Il n’a cependant pas encore tranché, dans les années 1960, sur la doctrine stratégique, car il évoque encore à cette époque l’idée d’une force de frappe « à la disposition de l’Europe naissante[9] », posture cohérente avec sa critique de l’arme atomique gaullienne qui, selon lui, met en péril la construction européenne et les alliances, forme de validation de la protection nucléaire américaine.
Une question se pose ici. L’auteur du Coup d’État permanent met-il sur le même plan la dénonciation du pouvoir personnel du président de la Vème République et celle de l’arme nucléaire ? Le débat sur la loi de programme militaire de 1964 peut le laisser croire, puisqu’il reconnaît que l’opposition à celle-ci, laquelle comprend tout ce qui n’est pas gaulliste, recèle des divergences mais qu’elle s’accorde « pour penser que la sécurité de la France n’est pas fondée sur le prestige d’un homme providentiel et sur la capacité de destruction de sa bombe magique ». Pourtant, Le Coup d’État permanent dénonce surtout la pratique personnelle de la politique étrangère par de Gaulle et l’on ne trouve qu’une référence au nucléaire en conclusion de l’ouvrage : « Faut-il affermir l’indépendance nationale ? Il exalte le nationalisme. Faut-il utiliser l’énergie atomique ? Il invente la force de frappe[10] ». L’arme nucléaire, n’est dans ce cas, qu’un argument rhétorique dans la dénonciation du régime. Ainsi, il critique le caractère anticonstitutionnel du décret du 14 janvier 1964 qui confère au président de la République, par son article 5, le droit exclusif d’engager la force de dissuasion[11]. Il engage le débat à l’Assemblée nationale par deux questions orales au premier ministre le 24 avril 1964, soit deux jours avant le rassemblement du comité national contre la force de frappe au parc de Sceaux. Il faut y voir plus une opportunité de critiquer le pouvoir gaulliste sur sa pratique institutionnelle qu’une réelle condamnation de l’arme nucléaire en elle-même.
En réalité, les nombreux écrits de Mitterrand avant son accession au pouvoir traitent assez peu de la question de l’arme nucléaire. Cette prudence, assez classique chez lui, rend possible ses évolutions vers une acceptation publique de celle-ci. Au fil des années, les deux premières lois de programmes militaires étant achevées, les Mirage IV opérationnels, la première patrouille du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Redoutable programmée et la perspective de mise en service des missiles tactiques Pluton ainsi que des silos du Plateau d’Albion, l’armement nucléaire français devient un fait incontournable. François Mitterrand le reconnaît dès l’élection de Georges Pompidou, qui constitue une leçon politique pour une gauche très divisée et qui paye sa sidération face aux événements de mai 1968 en n’accédant pas au second tour de la présidentielle de 1969 :
J’ai dit pendant ma campagne présidentielle de 1965 que j’interdirai la force de frappe. Je ne pourrai plus le dire demain. La politique du général de Gaulle a été approuvée par les Français qui l’ont réélu, avant d’élire le successeur de sa lignée. Bientôt, notre armement atomique sera une réalité irréversible. On ne le noiera pas comme des petits chiens[12].
Le ralliement de la gauche au nucléaire militaire
Après le congrès d’Épinay, les années 1970 sont marquées par le ralliement progressif à la bombe de la quasi-totalité des forces politiques qui s’y sont opposées. La première étape est la conclusion de l’union de la gauche dont le programme commun prévoit « la renonciation à la force de frappe nucléaire stratégique[13] » mais comporte implicitement une acceptation des armes tactiques et la non destruction des stocks existants[14]. François Mitterrand, Charles Hernu, Jean-Pierre Chevènement et la commission de la défense du PS dont fait également partie Robert Pontillon préparent une conversion à la dissuasion nucléaire du parti. Ils agissent par le biais de réunions régulières, de journées d’études et d’interventions fréquentes dans la presse. Charles Hernu, attaché à la construction d’un consensus sur les questions de défense, propose que le PS défende une indépendance nationale basée sur la dissuasion nucléaire avec fidélité aux alliances[15].
Pour les deux principaux partis de la gauche française, la possibilité de gouverner en gagnant les élections législatives de 1978 accélère les échéances. Le PCF voit son bureau politique demander au comité central, sans discussion interne, le ralliement à la dissuasion nucléaire le 11 mai 1977[16]. Il convient de décider clairement ce que l’éventuel gouvernement de gauche compte faire de la force de frappe. En réalité, il s’agit d’acter le développement majeur du nucléaire militaire au détriment des forces conventionnelles qui a rendu l’armement nucléaire stratégique « irréversible[17] », tel que le souhaitait Pierre Messmer, ministre des Armées du général de Gaulle. C’est Jean Kanapa, proche conseiller du secrétaire général Georges Marchais, partisan d’un aggiornamento du parti qui est à la manœuvre. Il s’agit de manifester une certaine indépendance vis-à-vis de Moscou dans le contexte de l’eurocommunisme. Ceci est d’autant plus nécessaire que l’effet Soljenitsyne se développe avec la parution de L’Archipel du goulag en 1973 et l’expulsion d’URSS de son auteur en 1974. Les intellectuels et l’opinion française deviennent de plus en plus hostiles à l’URSS. Les communistes, à la veille de la renégociation du programme commun, attendent également une prise de distance équivalente des socialistes vis-à-vis de Washington. Le PCF entend aussi, en cas d’accession au pouvoir, se faire accepter des cadres de l’armée par crainte d’un « syndrome chilien[18] ». Il s’agit surtout de se poser en parti politique responsable ne pouvant plus nier la réalité de la force nucléaire française constituée de bombardiers, sous-marins et missiles sol-sol. Celle-ci a été édifiée par les ouvriers des arsenaux et usines d’armements dont beaucoup sont communistes et syndiqués à la CGT. Ils risquent de subir des restructurations en cas d’abandon du nucléaire militaire[19].
Ce choix provoque des frictions avec la direction socialiste lors de la renégociation du programme commun en 1977 car ces derniers refusent de l’inscrire dans le nouveau projet puisque les communistes affichent un ralliement teinté d’indépendance nationale. Pour les socialistes la dissuasion communiste est trop détachée de l’Alliance atlantique. Leur principale crainte est cependant que cela perturbe les équilibres internes au parti au moment où se prépare un vote interne de ralliement à la dissuasion nucléaire. Sur ce point, un accord des négociateurs socialistes avec les communistes prendrait de front les convictions pacifistes et anti autoritaires de nombreux militants du PS. La rupture de l’union de la gauche à l’automne 1977 est suivie du ralliement des socialistes lors de la convention nationale du 8 janvier 1978 dans un texte très subtil, voté par la majorité des adhérents, faisant le lien entre la défense populaire mise en avant par Jean Jaurès dans L’Armée Nouvelle en 1910 et une dissuasion nucléaire manifestation de cette volonté populaire, en somme, la Nation prête au sacrifice[20]. Surtout, le document accepté est un plaidoyer pour le désarmement nucléaire mondial pour lequel un gouvernement de gauche s’engage à prendre des initiatives, mais « en attendant que soient connues les positions des autres puissances, cet armement sera maintenu en état[21] ».
Il a été mis en avant que cette évolution est le résultat d’une mission confiée à Charles Hernu et à la commission de la défense du PS[22]. Celle-ci est en fait bien plus ambitieuse et ne se limite pas à la question du nucléaire. François Mitterrand attendait la construction d’une orientation stratégique qui soit crédible pour un parti de gouvernement mais aussi qui satisfasse les différentes tendances présentes au sein du PS notamment les atlantistes, les neutralistes et les antinucléaires. Preuve en est, en 1976 face aux divergences et parce que « le PS n’est pas encore mûr pour l’admettre[23] », François Mitterrand doit retarder la décision finale envisagée et attend de la commission une synthèse acceptable par l’ensemble du PS, plus qu’un texte qui imposerait une vision stratégique toute faite[24]. C’est l’état d’esprit de la décision de janvier 1978 qui laisse toute latitude au premier secrétaire pour en préciser les contours.
L’importance de l’opposition aux SS-20
Avant même son élection à la présidence de la République, la crise des euromissiles permet à François Mitterrand d’affirmer sa propre doctrine stratégique. Il la proclame une première fois lors d’un débat parlementaire sur une motion de censure déposée par le PCF contre la double décision de l’OTAN. Cette dernière est la réplique des alliés contre l’installation des SS-20 soviétiques qui perturbent l’équilibre stratégique en Europe. Elle implique de négocier le retrait des missiles soviétiques et, en cas d’échec, déployer des armes américaines équivalentes en 1983. Or la motion de censure est déposée contre le gouvernement de Raymond Barre alors que la France, a bien pris soin de ne pas être officiellement associée à cette décision car elle n’est pas membre du commandement intégré de l’OTAN et ne veut pas voir ses propres armes nucléaires prises en compte dans des discussions avec les Soviétiques. En réalité, Georges Marchais cible particulièrement, sans les nommer, ses anciens partenaires du PS car il s’affirme fidèle au programme commun puisqu’il défend la lutte pour le désarmement et la « dissolution simultanée des blocs militaires[25] » ce que eux ne feraient plus en refusant de condamner les perspective du déploiement de missiles américains. Mitterrand réplique par la fermeté : « Ni glacis atlantique, ni glacis soviétique. Ni fusées de mort russes, ni fusées de mort américaines ». Cette position est reprise, après coup, dans la presse socialiste sous la forme du « ni Pershing, ni SS 20[26] ». Ce débat permet également au futur président d’être le premier à donner une définition de ce que serait le « consensus » sur la défense en France :
Mes chers collègues, la France fait partie de l’Alliance atlantique. Elle ne participe pas au commandement intégré de l’OTAN. Elle dispose d’un pouvoir de décision et d’une force atomique autonomes. Elle entretient des relations d’amitié avec l’URSS. Elle refuse le réarmement nucléaire allemand. [27]
Dans cette prise de position, le premier secrétaire du PS manifeste une certaine audace que ne peuvent se permettre les autres forces politiques. En effet, après la rupture de l’union de la gauche, il défend l’idée d’une « union à la base », c’est-à-dire un appel direct à l’électorat du PCF pour faire gagner la gauche[28]. Il estime que depuis qu’il s’est allié avec les communistes dans la Nièvre dans les années 1950, après deux candidatures à la présidentielle au nom de toute la gauche et un engagement permanent à intégrer le PCF dans sa majorité, il n’a plus de gage de bonne volonté à prouver en faveur de ses anciens partenaires. Ceci lui offre une grande liberté pour afficher sa fermeté face à l’URSS.
A l’inverse, Giscard, qui s’appuie sur une majorité dominée par le RPR ne peut se le permettre. En terme de doctrine stratégique, à des fins d’identification politique, ces derniers défendent une interprétation très rigoriste de la dissuasion nucléaire qui limiterait au territoire national les « intérêts vitaux » qu’elle doit protéger[29]. Pourtant, en juin 1976, le président évoque une évolution de la posture stratégique vers la participation de la France à une éventuelle « bataille qui sera générale[30] » s’éloignant d’une dissuasion pure avec menace de réplique massive. Ce même mois, le général Guy Méry, chef d’état-major des armées avance le concept de « sanctuarisation élargie[31] ». Il laisse entendre que les « intérêts vitaux » ne seraient pas strictement nationaux et pourraient inclure la défense des alliés. Les divergences se manifestent lors du vote de la loi de programmation militaire pour les années 1977 à 1982, en 1976, en raison de l’annonce de l’abandon du sixième sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). Pierre Messmer proteste avec nombre de parlementaires gaullistes mais aussi centristes. Le RPR menace de ne pas voter le budget de la défense 1979 et obtient ainsi la relance du chantier du sous-marin[32]. Mais l’inflexion giscardienne vers une conception de la bataille en Europe avec usage des armes nucléaires tactiques est bien là, comme le prouve l’intérêt du président pour le développement de la bombe à neutrons dont l’usage est envisagé contre les concentrations de blindés[33].
Ceci conduit Giscard et son gouvernement à devoir régulièrement faire leur profession de foi d’attachement à la doctrine dite gaulliste et, en politique étrangère, d’afficher une distance tant avec Moscou qu’avec Washington[34]. Le président doit ainsi se distancer de la double décision de 1979 mais aussi maintenir un lien avec les Soviétiques y compris après l’invasion de l’Afghanistan. Cette posture due à l’absence de marge de manœuvre lui vaut de la part de François Mitterrand, l’accusation de « complaisance » et de relais des demandes de Moscou comme « petit télégraphiste[35] ». Le chef du PS parvient ainsi à se construire, au contraire une image d’homme d’État capable de fermeté.
La double décision conduit à une importante mobilisation européenne à partir de 1981, particulièrement forte en RFA et dans les pays d’Europe du Nord contre le déploiement prévu de Pershing II et de missiles de croisière. Elle est faible en France, ce qui a souvent été expliqué par l’existence d’un « consensus ». En effet, celui-ci serait le résultat de l’adhésion à la politique dite gaulliste qui implique, en raison du retrait du commandement intégré de l’OTAN qu’il n’y ait pas de déploiement d’euromissiles sur le sol national protégé par une dissuasion nucléaire autonome[36]. Or, le mouvement est également un échec en Espagne, pays qui adhère à l’OTAN en 1982 mais aussi en Italie qui accueille des missiles de croisière[37]. L’explication par un « consensus » français spécifique ne convient donc pas. Ce qui rapproche la France et surtout l’Italie, est l’existence d’un puissant parti communiste qui entend fédérer le mouvement pacifiste combinée avec la présence au pouvoir des principales forces de gauche non communiste qui acceptent, contrairement aux partis socialiste et sociaux-démocrates d’Europe du Nord, la mise en œuvre de la double décision. Ce constat permet d’établir un rôle du PCF et de François Mitterrand lui-même.
En effet, le PCF qui choisit en 1981 de participer à la majorité et au gouvernement, adopte une attitude ambiguë car le bureau politique manifeste pour la paix dans le cadre de la mobilisation européenne contre la double décision avec des mots d’ordre œcuméniques très généreux et pas spécifiquement tournés contre les euromissiles, participation gouvernementale oblige[38]. Pendant ce temps, le ministre communiste des transports Charles Fiterman, affirme que « le gouvernement n’acceptera aucune mise en cause des moyens aujourd’hui nécessaires et dont nous disposons pour assurer la sécurité de la France et la défense de ses intérêts vitaux[39] ». Les mobilisations sont cependant réussies, puisque 250 000 à 300 000 personnes manifestent à Vincennes le 19 juin 1983, mais se limitent à la sphère communiste[40]. Or, l’effet est surtout de diviser le mouvement pacifiste et de l’associer à l’URSS, désormais assimilée par les Français à la menace totalitaire dans le profond climat anticommuniste du début des années 1980. En effet, les pacifistes non communistes refusent de s’associer à cette mobilisation, ce qui est réciproque. Ces groupes ne parviennent qu’à timidement mobiliser de leur côté sans soutien politique réel, hormis l’extrême-gauche et quelques groupes écologistes[41].
Le PCF laisse également François Mitterrand soutenir la coalition libérale conservatrice d’Helmut Kohl lors de son discours au Bundestag le 20 janvier 1983. Le président y fait un plaidoyer en faveur du déploiement des euromissiles américains alors que la RFA est touchée par la vague pacifiste et ceci à quelques semaines d’élections décisives, voyant le maintien de Kohl au pouvoir. Ceci nous permet de constater qu’il y a clairement un rôle personnel de François Mitterrand à la fois dans la réussite de la mise en œuvre de la double décision et dans l’échec du mouvement pacifiste français. En effet, la victoire de la coalition dirigée par Helmut Kohl est une condition nécessaire à la réussite du vote d’acceptation par le parlement allemand du déploiement des missiles américains en novembre.
C’est lors de ces semaines décisives de l’automne 1983, que François Mitterrand parvient à gagner les Français à l’arme nucléaire. En effet, le Bundestag doit se prononcer le 22 novembre sur le déploiement, le lendemain, des premiers missiles[42]. Le président s’adresse aux Français dans le cadre de ce climat international difficile dans la principale émission politique, L’Heure de vérité, le 16 novembre. Ce programme inclut des questions téléphoniques directes de téléspectateurs, lesquelles témoignent d’une certaine anxiété. Celle-ci est relayée par le chef de l’État qui se veut malgré tout rassurant en adoptant la posture de « père de la Nation ». Il replace la crise des euromissiles dans l’histoire longue de la guerre froide et surtout indique sa conviction que personne, dans aucun camp, ne souhaite la guerre[43]. Quelques jours après, les craintes de l’opinion quant à une potentielle guerre nucléaire, même si elles demeurent, s’affaiblissent puisque dans un sondage réalisé par BVA pour Paris-Match le 19 novembre, 57 % des personnes interrogées ne voient pas de risque de guerre nucléaire contre 34 % d’un avis contraire. Cette enquête exprime même une certaine confiance dans l’installation des Pershing et des missiles de croisière : 45 % des sondés affirment que ceux-ci visent à « rétablir l’équilibre des forces » contre 35 % qui y voient un facteur d’aggravation[44]. Il n’y a plus de protestation significative en France contre le déploiement des missiles américains.
Cet échec du mouvement pacifiste marque un pas vers un assentiment sur les orientations stratégiques en France mais n’est pas le fruit d’un « consensus » préexistant. Il est paradoxal que ce soit l’acceptation du déploiement de missiles américains en Europe qui y contribue : la manifestation d’une solidarité atlantique. En fait, dans les esprits, dissuasion nationale, européenne et Alliance atlantique tendent à se mélanger en un ensemble d’éléments qui servent à contrer la menace soviétique. Il s’agit donc ici de l’acceptation de la protection qu’offre le nucléaire compris comme la « non guerre[45] », que les armes soient françaises ou américaines. Ceci ne comporte donc que peu d’aspects de la phraséologie gaulliste. D’ailleurs les sondages soulignent tout autant une adhésion à la détention de l’arme nucléaire qu’un refus de menacer de la mettre en œuvre en cas d’atteinte aux « intérêts vitaux » de la France[46].
L’échec de l’opposition de droite sur les questions de défense
La politique de défense conduite par François Mitterrand s’inscrit dans une certaine continuité depuis de Gaulle. Le changement s’identifie plutôt avec l’absence de référence à la « sanctuarisation élargie » giscardienne et, ainsi, un certain retour de la doctrine réputée gaulliste garantit par la présence de Charles Hernu au ministère de la défense jusqu’en 1985. Plusieurs députés de l’opposition de droite en prennent acte et votent les budgets militaires jusqu’à la loi de programmation militaire 1984-1988[47]. Mais ce qui domine dans l’opposition, c’est la volonté d’en découdre, souvent de mauvaise foi.
A cette occasion, l’opposition prépare une offensive. RPR et UDF évoquent dans la presse leur rejet de celle-ci avant même que ses contours ne soient connus, dénoncent des budgets inadaptés aux ambitions exagérées et le député UDF Jean-Marie Daillet prépare un contre-projet. Quand le projet de loi est rendu public, le document du député centriste, publié la veille, en est très proche[48]. La critique de droite en prend un coup. Le débat principal ne peut pas porter sur la doctrine puisque, seules quelques évolutions sont critiquées par l’opposition soit dans le sens d’un trop fort atlantisme soit dans celui de l’absence de solidarité avec les alliés. Les programmes d’armement proposés par la loi continuent ceux des précédentes années. Les divergences sont avant tout sur des questions budgétaires secondaires. L’opposition souhaite également mettre à l’épreuve la solidarité gouvernementale en montrant que le PCF ne voterait pas la loi par son caractère affirmé contre l’Est[49].
Pourtant persuadée de prendre la gauche à défaut sur des critiques politiciennes classiques d’incompétence budgétaire, de naïveté et de « crypto-pacifisme[50] », la droite n’hésite pas à multiplier les contradictions. A peine trois mois après le discours du Bundestag, elle reproche une réduction des forces françaises en RFA et donc un manque de solidarité avec les Allemands pouvant les pousser au neutralisme[51]. La création de la force d’action rapide (FAR) est même rejetée mais pour des raisons différentes par le RPR et l’UDF alors qu’elle vise à intervenir dès les débuts d’un éventuel conflit pour manifester le soutien aux alliés, et particulièrement aux Allemands[52]. Il s’agit de régler un hiatus stratégique entre la dissuasion nucléaire française qui vise à éviter la guerre et la riposte graduée de l’OTAN. François Mitterrand avait signalé cette réflexion dans ses déclarations de Canjuers le 15 octobre 1982 :
Mais dans mon esprit la dissuasion ne peut qu’être globale. Et je ne pense pas que l’on puisse séparer dans le raisonnement et dans l’action, la force nucléaire proprement dite d’un certain nombre d’éléments hors desquels elle se trouverait isolée : je pense en particulier au rôle que doit jouer l’armée de terre. Sa situation géographique, l’effort unique qui est le sien dans le cadre de la défense du continent occidental font que le maniement de la force nucléaire de l’armée de terre est intimement associé au maniement stratégique et dissuasif de l’ensemble de nos forces armées[53].
Le débat réel est en fait à l’intérieur de la droite, caché dans les arguments si contradictoires que certains députés comme l’UDF Jean-Guy Béranger et le RPR François Fillon manifestent leur intérêt pour le contenu de la loi de programmation. Celle-ci fait habilement et clairement référence aux théories du général Lucien Poirier, l’un des concepteurs de la doctrine dite gaulliste, il soutient la FAR et le projet de loi[54].
La droite ne capitule pas pour autant et entend mener en juillet 1985 une offensive pour dénoncer la faiblesse socialiste en matière défense, encore une fois au niveau du budget. Or, le discours de la droite sur la défense doit se soumettre au tempo médiatique qu’impose l’affaire du Rainbow Warrior. Pire, le débat budgétaire de novembre, tourne, y compris de la part des ténors de l’opposition, à la célébration du ministre démissionnaire Charles Hernu[55]. D’ailleurs, François Mitterrand lui-même maintient le cap dans la tempête. Non seulement il poursuit la politique de modernisation de la dissuasion initiée par ses prédécesseurs mais en plus, par la présence de Charles Hernu à ses côtés à Mururoa quelques jours avant sa démission, il confirme sa confiance dans l’homme qui œuvre depuis 1973 au « consensus » dans le domaine de la défense. Après le départ du ministre, le président lui adresse personnellement une lettre de remerciement particulièrement chaleureuse[56].
La droite se retrouve donc confrontée à un véritable « mur du consensus » mis en place par les socialistes et François Mitterrand dans le cadre de la campagne électorale pour les élections de 1986. Ainsi, dans une conférence de presse organisée à l’Élysée le 21 novembre 1985 dans l’objectif de faire le point sur la politique engagée depuis 1981 et surtout pour faire le tour des questions qui pourraient être en jeu en cas de prochaine cohabitation, il se place sur le terrain du « consentement » que la presse interprète comme celui du « consensus[57] » en demandant à la droite de respecter les orientations prises. A un mois, du scrutin, Jacques Chirac, favori au poste de premier ministre en cas de victoire de l’opposition, doit reconnaître que la politique de défense socialiste n’a rien abîmé et fait acte d’adhésion au « consensus » affiché, même s’il annonce des changements stratégiques par rapport à la classique doctrine dite gaulliste et ceci en faveur d’un forte coopération avec les alliés de l’OTAN mais aussi pour sortir d’une dissuasion nucléaire trop stricte. Cette évolution est le résultat d’un tournant libéral, pro européen et atlantiste mené par le RPR depuis 1983-1984[58].
La cohabitation de 1986-1988 : François Mitterrand défend ses prérogatives
En 1986, la gauche perd sa majorité à l’Assemblée nationale. François Mitterrand doit entamer une cohabitation, situation inédite, avec Jacques Chirac comme premier ministre. Avant sa mise en œuvre, le président prépare son repli sur les questions internationales et de sécurité dans ses Réflexions sur la politique extérieure de la France[59]. Il marque ainsi le territoire de ses prérogatives constitutionnelles[60]. Il est ainsi le « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités » mais aussi « chef des armées[61] ». Son pré carré dans ces domaines est mis au service de ses conceptions stratégiques et de politique étrangère. Pourtant, Jacques Chirac souhaite user de ses propres attributions en matière de défense en vertu des articles 20 et 21 de la Constitution[62].
Les divergences de l’exécutif français se manifestent sur plusieurs points. Le RPR affiche une conversion au modèle reaganien. Avec l’UDF, il se dit séduit par une participation française au bouclier antimissile américain, l’initiative de défense stratégique (IDS). Ceci s’explique par un mélange d’une nette volonté de profiter de la vague libérale qui parcourt le monde mais aussi de coller aux États-Unis dans le contexte très tendu de la crise des euromissiles et donc d’endosser le costume de la lutte anticommuniste d’une manière différente de la fermeté mitterrandienne. Il y a aussi une certaine reconnaissance du fait que « l’indépendance nationale » gaulliste semble devenue impossible[63]. Au contraire, François Mitterrand rejette l’IDS en raison des risques de militarisation de l’espace, d’une déstabilisation du système de sécurité international et d’un éventuel dépassement de la dissuasion nucléaire. Il le juge surtout, sur avis d’Hubert Védrine, infaisable et il n’est de toute manière, proposé que de la sous-traitance à la France[64]. Une participation française est cependant enterrée dès le début de la législature en raison du refus ferme du président, assorti d’une menace de référendum, mais aussi de la prise de conscience à droite de son infaisabilité technologique[65].
Un problème plus délicat concerne les différences de vues sur les propositions de désarmement que Mikhaïl Gorbatchev avance au sommet de Reykjavik en 1986. Le premier ministre et surtout, le ministre de la défense, André Giraud, rejettent la perspective d’une dénucléarisation de l’Europe craignant de voir l’Ouest seul face aux forces conventionnelles du pacte de Varsovie[66]. Beaucoup de gouvernements européens, en particulier les Britanniques et les Allemands sont sur cette position. C’est Roland Dumas, à la demande du ministre allemand des affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, qui sollicite le président de convaincre Kohl d’accepter la seconde option zéro, le démantèlement des armes nucléaires de courte portée, le 1er juin 1987[67]. En effet, François Mitterrand est favorable à la réussite des négociations entre Moscou et Washington qui concrétisent le « ni Pershing, ni SS 20 » affiché depuis 1979 sans menace, selon lui, d’inclure les forces nucléaires françaises dans les négociations.
Dans ce contexte, le chancelier Kohl craint un éventuel retrait de la protection américaine. Face à cela, il souhaite l’approfondissement du rapprochement stratégique franco-allemand : il propose au président en juin 1987 la création d’une brigade franco-allemande[68]. Les effets de la politique menée en terme de défense et d’entente avec Bonn se concrétisent en septembre 1987 avec la vaste manœuvre « moineau hardi » en Bavière qui voit la coopération de la Bundeswehr et de la FAR. Alors que les Allemands s’inquiètent de la stratégie de dissuasion française et en particulier des armes préstratégiques, nouveau nom des armes tactiques qui peuvent atteindre leur territoire, la France démontre ses capacités d’intervention à l’Est sous le seuil nucléaire. François Mitterrand et Helmut Kohl assistent aux opérations et dans une conférence de presse commune, le président français annonce la réflexion sur la création d’un conseil franco-allemand de défense[69]. La hiérarchie institutionnelle est respectée puisque les discussions ont d’abord lieu entre l’Élysée et la chancellerie, puis entre François Mitterrand et son premier ministre[70]. Brigade commune, conseil de défense mais aussi conseil économique et financier sont officialisés pour les célébrations du vingt-cinquième anniversaire du traité de l’Élysée, le 22 janvier 1988[71].
François Mitterrand est certes signataire, aux côtés de Jacques Chirac, André Giraud et Jean-Bernard Raimond, ministre des affaires étrangères, des protocoles additionnels au traité de l’Élysée, le 22 janvier 1988, mais c’est lui qui figure principalement sur les photos[72]. C’est également lui qui est filmé à franchir le Rhin aux côtés du chancelier lors de la manœuvre « moineau hardi » puis en conférence de presse sur fonds de cartes d’état-major. Le chef des armées manifeste en image sa prééminence et l’entente personnelle avec le chancelier, rappel de son rôle de direction de la politique étrangère. Pourtant au niveau parlementaire, des députés des majorités française et allemande mènent leur propre réflexion stratégique. Une délégation de la CDU reçue par François Fillon, Pierre Méhaignerie et Jean Lecanuet constate des positions de la droite française favorables à un rapprochement avec l’OTAN que rejette le président. Il est évoqué une prise de créneau sur le rideau de fer, c’est-à-dire une participation automatique à la bataille européenne en cas d’agression soviétique sous le seuil nucléaire[73]. Voila une position bien différente de la doctrine attribuée à de Gaulle et, qui de toute manière, ne peut se réaliser sans l’assentiment présidentiel.
La cohabitation de 1986-1988 : François Mitterrand, l’homme du « consensus »
Pour les élections de 1986, le RPR et l’UDF défendaient effectivement dans leur plate-forme commune de gouvernement un rapprochement avec l’OTAN en plus d’une participation officielle de la France à l’IDS[74]. Régis Debray, conseiller du président entre 1981 et 1985, identifie dès 1984 une inversion des postures entre un président socialiste rallié à la doctrine dite gaulliste et une droite, le RPR particulièrement, devenue atlantiste[75]. Le président n’a qu’à se placer dans la continuité de son positionnement stratégique depuis 1979 pour s’opposer à ces évolutions. Hubert Védrine qualifie ceci de « gaullo-mitterandisme[76] ». François Mitterrand affiche défendre une doctrine réputée gaulliste mais aussi une pratique institutionnelle tout aussi marquée par l’héritage du Général : il est chef des armées et président du conseil de défense, dans lequel sont prises les décisions dans ce domaine. Il défend surtout ses propres conceptions et réalisations stratégiques qui justifient l’expression de son conseiller diplomatique : la dissuasion nucléaire avec autonomie de décision n’est clairement pas assimilée à de la neutralité puisque la FAR affirme la solidarité avec les alliés dès les débuts d’un éventuel conflit, trois SNLE sont en permanence en mer depuis 1983, les armes nucléaires préstratégiques sont placées sous commandement présidentiel et détachées des manœuvres des forces terrestres[77].
Garant d’un héritage qu’il a complété, il peut s’opposer aux inflexions stratégiques de la droite. Les réorientations souhaitées par Giraud dans les conseils de défense sont rejetées et le président critique le discours de Chirac à l’IHEDN prononcé le 12 septembre 1986, lequel reprend en partie la plate-forme UDF-RPR[78]. Le premier ministre doit s’incliner en tant que futur candidat à l’Élysée et gaulliste affiché : il ne peut contester la prééminence présidentielle même si André Giraud maintient ses divergences stratégiques jusqu’en 1988[79]. Le président n’hésite pas à multiplier ses déplacements sur des sites qui rappellent ses prérogatives nucléaires : au commandement des forces aériennes stratégiques (FAS) à Taverny le 2 décembre 1986, sur le plateau d’Albion où se situent les missiles stratégiques sol-sol le 3 février 1987. Ce dernier est particulièrement important parce que le gouvernement envisage de les remplacer par des missiles mobiles qui selon le président amèneraient les Français à douter de la dissuasion si des armes nucléaires devaient circuler partout sur le territoire dans des « camions-Danone » banalisés. Surtout, pour lui, Albion est nécessaire à la dissuasion car il doit « rester le môle à partir duquel, et autour duquel, doit s’organiser la composante terrestre[80] », le frapper signerait une attaque délibérée contre la France, passible de représailles nucléaires. C’est donc pendant la cohabitation que Mitterrand œuvre à concrétiser la notion de « consensus » autour de ses conceptions construites sur l’héritage stratégique de ses prédécesseurs.
Le « consensus » n’est pas établi car subsiste un débat stratégique au sein de la droite. Il est exacerbé par la présentation de deux candidats à la présidentielle 1988, Jacques Chirac pour le RPR et Raymond Barre avec le soutien de la majorité de l’UDF. Pour ajouter à la confusion, Valéry Giscard d’Estaing exprime à deux reprises en 1987 des positions très proches de celles du président en ce qui concerne les négociations sur les euromissiles[81]. Ceci se fait en totale contradiction avec Raymond Barre, pourtant soutenu par le même parti, lequel se montre très réservé [82]! Pierre Lellouche qui s’engage auprès de Jacques Chirac doit protester dans la presse pour éviter une association des candidats de droite au programme du président[83]. Le PS est associé à la mise en valeur de la volonté de « consensus » de François Mitterrand. Ainsi, contrairement à la droite lorsqu’elle était dans l’opposition en 1983, les socialistes ne s’opposent pas aux budgets de la défense et approuvent la nouvelle loi de programmation militaire votée en 1987. Pourtant, cette loi annule avant son terme la précédente, sous-entendant une incapacité gestionnaire des socialistes. Jacques Chirac célèbre officiellement un consensus, mais le regrette dans quelques paroles. Il ouvre la discussion du texte à l’Assemblée nationale en déclarant : « Le débat qui nous rassemble aujourd’hui – quand je dis “rassemble”, n’exagérons rien ! [84] ».
Lorsqu’il déclare sa candidature à l’élection présidentielle, le 22 mars 1988, François Mitterrand reproche à ses opposants de droite de se comporter comme des « clans ou des bandes[85] » dans une stratégie délibérée de mise en lumière de leurs divisions et rivalités pour prendre le contrôle de l’État[86]. Pour s’afficher en rassembleur et père de la Nation, les images, nous l’avons vu, sont essentielles : conférence de presse lors de la manœuvre « moineau hardi », interview depuis la passerelle du porte-avion Clemenceau en opération dans le golfe Persique le 23 décembre 1987. Elles mettent en scène un président qui a défendu les héritages stratégiques et la politique extérieure de la France et ceci au contact des grands du monde. Ainsi Les dernières images de son célèbre spot électoral de 500 images de l’histoire de France réalisé par Claude Copin montrent, à la fin, le président au contact de ses homologues et surtout avec Helmut Kohl, juste avant l’affichage du slogan, « la France unie ».
Conclusion :
Les débuts de la dissuasion nucléaire ont été marqués par une forte opposition de l’ensemble des forces politiques non gaullistes. Celles-ci acceptent son principe dans les années 1970 peu de temps après que soit née sous la plume de Charles Hernu l’idée que la politique de défense mériterait un « consensus » alors que les Armées connaissaient une grave crise de confiance.
Les sondages d’opinion des années 1980 montrent une certaine adhésion des Français à la détention de l’arme nucléaire mais lorsque est posée la question de la doctrine stratégique, c’est-à-dire du principe d’emploi ou de non-emploi de celle-ci, les réponses sont bien moins favorables. Ceci ne permet pas d’affirmer que s’est construit un « consensus » autour de la politique de défense attribuée au général de Gaulle.
Les prises de position ainsi que les actions de la gauche et de François Mitterrand ont été déterminants pour construire une adhésion de la population à l’arme nucléaire comprise comme une arme de « non guerre » au moment de l’échec du mouvement pacifiste et le confirmer par l’impossibilité pour la droite de réorienter la doctrine stratégique vers une plus forte compatibilité avec l’OTAN. Résumer cela à du gaullisme est réducteur, la disparition de la contestation se fait en faveur des positions constamment affirmées par François Mitterrand depuis 1979. L’interruption du débat en 1988 suffit-elle à faire « consensus » ? Sans doute pas, mais la notion s’est imposée. Que le « consensus » soit réel ou fantasmé, François Mitterrand en est bien l’artisan.
[1] Quelques exemples de publications récentes : GOLDSTEIN Avery, Deterrence and Security in the 21st century. China, Britain, France, and the enduring legacy of a nuclear revolution, Stanford University Press, Stanford, 2000, pp. 183-184. HAUPAIS Nicolas, « Introduction », HAUPAIS Nicolas (dir.), La France et l’arme nucléaire éditions du CNRS, Paris, 2018, p. 14. BOUREILLE Patrick, « La communication de l’exécutif français autour de l’outil de dissuasion 1945-2015 », Stratégique, n°118, 2018, p. 91. AACHEAr, La dissuasion française, La documentation française / PUF, Paris, 2017, pp. 3 et 29-42. TERTRAIS Bruno et GUISNEL Jean, Le Président et la bombe, Odile Jacob, Paris, 2016, p. 103. SAUNIER Georges et VIAL Philippe (dir.), La France et sa défense. Paroles publiques d’un président – 1981-1995, Nouveau Monde éditions, Paris, 2015, p. 45. DUBOS Jean-François, GAUTIER Louis et CHEVÈNEMENT Jean-Pierre dans LE DRIAN Jean-Yves et VÉDRINE Hubert, François Mitterrand et la défense, Nouveau Monde éditions, Paris, 2017, pp. 41, 86 et 105, actes d’un colloque de mai 2015.
[2] ROCHE Nicolas, Pourquoi la dissuasion, PUF, Paris, 2017, p. 494.
[3] « M. Louis Besson (soc.) : la France doit cesser de s’équiper pour être le plus petit des grands pays », Le Monde du 5 juillet 1973.
[4] HERNU Charles, « Une question de fond au-delà d’un programme de législature », Le Monde du 21 juillet 1973. Cf. également HERNU Charles, Soldat-citoyen, essai sur la défense de la France, Flammarion, Paris, 1975, pp. 101-105.
[5] PCF et PS, Programme commun de gouvernement du parti communiste et du parti socialiste, Éditions Sociales, Paris, 1972, p. 171.
[6] PINCÉ Yannick, La dissuasion en débat : les partis politiques et la fabrique du « consensus » nucléaire français, des années 1970 aux années 1980, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, ICEE-ED 625, sous la direction du Pr. Frédéric Bozo.
[7] FAVIER Pierre et MARTIN-ROLAND Michel, La décennie Mitterrand, tome 1 « Les ruptures », Seuil, Paris, 1990, pp. 223-224 et 386.
[8] Michel Debré fait régulièrement, depuis 1960, ce rappel : « M. Mitterrand s’est bien gardé de rappeler que le parti socialiste était présent à l’origine du programme nucléaire militaire français. M. Mitterrand lui-même était membre du gouvernement qui a décidé la première mise à l’étude d’une bombe atomique française et du bombardier Mirage-IV, qui aujourd’hui en assure le transport », dans « M. Debré : le programme commun désarme la France », Le Monde du 13 janvier 1973.
[9] LE DRIAN et VÉDRINE (dir.), François Mitterrand et la défense, pp. 32 et 37-38.
[10] MITTERRAND François, Le Coup d’État permanent, 10 18, Paris, 1993, p. 317.
[11] Il s’agit selon Mitterrand d’un principe fondamental de l’organisation de la défense nationale qui selon l’article 34 de la constitution de 1958 relève de la Loi. De plus, selon les articles 20 et 21, c’est le gouvernement qui dispose de la force armée et c’est le premier ministre qui est responsable de la défense nationale, cf. Décret n°64-46 du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques. CHANTEBOUT Bernard, « La dissuasion nucléaire et le pouvoir présidentiel », Pouvoirs. Revue française d’études constitutionnelles et politiques, n°38, septembre 1986, p. 27. Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la séance du vendredi 24 avril 1964, intervention de François Mitterrand.
[12] Cité dans HERNU, Soldat-citoyen, p. 41 et dans MANCERON Claude et PINGAUD Bernard, François Mitterrand. L’homme, les idées, le programme, Flammarion, Paris, 1981, p. 134.
[13] PCF et PS, Programme commun de gouvernement…, p. 171.
[14] Archives PS, 8 FP 8, carton 3 « Pontillon défense et sécurité », compte-rendu du comité directeur du 23 juillet 1977. François Mitterrand tient le même discours en 1980 et affirme même que les communistes, en 1975, revendiquaient cette conservation des stocks et que ce sont les socialistes qui voulaient les détruire, cf. MITTERRAND François, Ici et maintenant, Fayard, Paris, 1980, p. 53.
[15] HERNU Charles, « Une question de fond au-delà d’un programme de législature », Le Monde du 21 juillet 1973. Cf. également HERNU, Soldat-citoyen, pp. 101-105
[16] KANAPA Jean, Défense nationale, indépendance, paix et désarmement, Rapport au comité central du 11 mai 1977, PCF, 1977.
[17] « La politique militaire française est maintenant irréversible écrit M. Messmer », Le Monde du 28 février 1968.
[18] Le coup d’État militaire qui met fin brutalement à l’expérience de la gauche chilienne au pouvoir traumatise la gauche française. Les socialistes et surtout les communistes craignent qu’une victoire de l’union de la gauche ne suscite une réaction équivalente des armées en France, cf. BUFFOTOT Patrice, Le socialisme français et la guerre, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 356. Cf. également JUQUIN Pierre, De battre mon cœur n’a jamais cessé. Mémoires, l’Archipel, Paris, 2006, p. 220.
[19] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la 2ème séance du mardi 25 mai 1976, intervention de Pierre Pranchère.
[20] Déclaration de Jean Paucot dans Le Monde des 24-25 juillet 1977, cité dans BUFFOTOT, Le socialisme…, p. 359
[21] Archives PS, CAED, « 1983 paix sécurité désarmement », Armée nouvelle, numéro spécial, 1er trimestre 1978, bulletin des conventions pour l’armée nouvelle.
[22] FAVIER et MARTIN-ROLAND, La décennie Mitterrand, tome 1, p. 225. Un passage de Charles Hernu permet de confirmer cette mission : « J’eus cependant le sentiment que mes idées étaient encore celles d’un franc-tireur » dans HERNU, Soldat-citoyen, p. 130. Cf. également VÉDRINE Hubert, Les Mondes de François Mitterrand, Fayard, Paris, 1996, p. 118. BUFFOTOT, Le socialisme…, p. 350.
[23] Note d’information interne à l’attention des membres du bureau de la commission de la défense et du bureau des conventions pour l’armée nouvelle, 10 juin 1976, citée dans KROP Pascal, Les socialistes et l’armée, PUF, Paris, 1983, p. 87.
[24] BUFFOTOT, Le socialisme…, pp. 358-359.
[25] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la 2ème séance du jeudi 20 décembre 1979, intervention de Georges Marchais.
[26] Archives socialistes en ligne, https://archives-socialistes.fr, Le poing et la rose, n°88, avril 1980, p. 12. Cf. également VÉDRINE, Les mondes…, p. 117.
[27] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la 2ème séance du jeudi 20 décembre 1979, intervention de François Mitterrand.
[28] MITTERRAND, Ici et maintenant, pp. 24 et 48.
[29] Journal Officiel, Assemblée nationale, Compte-rendu de la 2ème séance du mardi 2 octobre 1979, intervention d’Yves Guéna. ISNARD Jacques, « Le RPR veut renforcer et diversifier la force nucléaire stratégique », Le Monde du 4 juin 1980.
[30] Cité dans KROP, Les socialistes et l’armée, p. 85.
[31] MÉRY Guy, « une armée pour quoi faire et comment ? », Revue de Défense Nationale, juin 1976. Sur le terrain une garantie étendue peut se traduire en premier lieu par l’usage des armes nucléaires tactiques que Giscard a la maladresse de présenter comme une « super artillerie » devant les auditeurs de l’IHEDN en 1976 : c’est sous-entendre non seulement la participation à la bataille en Europe mais aussi envisager l’échec de la dissuasion, cf. POIRIER Lucien, Des Stratégies nucléaires, Éditions Complexe, Paris, 1977, réédition 1988, pp. 252-264.
[32] ISNARD Jacques, « Le sixième sous-marin nucléaire “l’Inflexible” sera le premier à embarquer le nouveau missile M4 à charges multiples », Le Monde du 27 septembre 1978.
[33] ISNARD Jacques, « M. Giscard d’Estaing préside un conseil de défense à l’Élysée pour préparer des décisions sur les armes nucléaires », Le Monde du 11 juin 1980.
[34] Cf. par exemple « M. Giscard d’Estaing affirme qu’il veut préserver l’indépendance de la dissuasion française », Le Monde du 12 janvier 1979.
[35] Émission Cartes sur table, Antenne 2, 16 mars 1981 citée dans LAURENS Henry, « Je ferai pour la France ce que j’ai fait pour le socialisme », Le Monde du 18 mars 1981.
[36] GNESOTTO Nicole, « Concordance et divergences chez les “pacifistes” » Le Monde du 21 novembre 1983. HASSNER Pierre, « Pacifisme et terreur », LELLOUCHE Pierre (dir.), Pacifisme et dissuasion, Travaux et recherches de l’IFRI, IFRI, Paris, 1983, pp. 163-165. MOISI Dominique, « Les limites du consensus », LELLOUCHE (dir.), Pacifisme et dissuasion, pp. 253 et 256. GUISNEL Jean, Les généraux. Enquête sur le pouvoir militaire en France, La découverte, Paris, 1990, pp. 203-204.
[37] MORO Renato, « Against the Euromissiles : Anti-nuclear Movements in 1980s Italy (1979-1984) », BINI Elisabetta et LONDERO Igor (dir.), Nuclear Italy. An International History of Italian Nuclear Policies during the Cold War, Edizioni Università di Trieste, Trieste, 2017. ROSSI Sergio et ILARI Virgilio, « Pacifisme à l’italienne », LELLOUCHE (dir.), Pacifisme et dissuasion, pp. 141-152.
[38] GEORGES Pierre, « Touchant œcuménisme », Le Monde du 21 juin 1983.
[39] JARREAU Patrick, « Les “Cent” se prononcent contre l’installation d’“armes nouvelles”. Un terrain de mobilisation pour le PCF », Le Monde du 21 juin 1983.
[40] TATU Michel « La France et les euromissiles », Le Monde du 23 juin 1983. COLOMBANI Jean-Marie, « Le pacifisme peut-il prendre en France ? », Le Monde du 20 juin 1983.
[41] CASTAING Michel, « Manifestations en Europe et aux États-Unis contre la prolifération des armements nucléaires », Le Monde du 9 août 1983.
[42] « Une bataille de six ans », Le Monde du 25 novembre 1983.
[43] SAUNIER et VIAL (dir.), La France et sa défense…, pp. 116-140.
[44] « Apocalypse ? No ! », Le Monde du 25 novembre 1983. Des sondages de l’automne 1981 indiquaient que le sentiment de risque de guerre était partagé par 63 % des personnes interrogées dans le Quotidien de Paris du 10 novembre et 55 % dans Le Figaro du 23 novembre, cf. GUILLEREZ Bernard, « Défense à travers la presse », Revue de Défense nationale, janvier 1982, p. 141.
[45] Expression défendue par Pierre Hassner et Pierre Lellouche, HASSNER, « Pacifisme et terreur », LELLOUCHE (dir.), Pacifisme et dissuasion, p. 167. LELLOUCHE, L’Avenir de la guerre, p. 21.
[46] A la question « dans quelles circonstances selon vous la France devrait-elle menacer d’utiliser l’arme nucléaire », deux sondages de 1985 et 1986 voient 57 % des personnes interrogées répondre en 1985 et 59 % en 1986 « uniquement si la France subit une attaque nucléaire », 67% des personnes interrogées en 1985 comme 1986 souhaitent que « la force nucléaire » soit renforcée cf. DELCHER Hervé, L’opinion publique française et les problèmes de défense : 15 ans de sondages de 1972 à nos jours, Thèse de doctorat de Science politique, Université Paris 10, 1990, pp. 668-692.
Cf. également Ministère des Armées, La défense dans l’opinion des Français, 2017, p. 18, https://www.defense.gouv.fr/content/download/511567/8627064/La%20D%C3%A9fense%20dans%20l%27opinion%20des%20fran%C3%A7ais%202017.pdf consulté le 24 juin 2020.
[47] Notamment les UDF Emmanuel Hamel et Adrien Zeller, cf. Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la 2ème séance du jeudi 19 mai 1983.
[48] AMAUDRIC Pascale, « Financement du plan militaire : Hernu s’engage », Libération, 20 Mai 1983.
[49] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu du 19 mai 1983, interventions de Jean-Marie Daillet et Emmanuel Hamel.
[50] DAILLET Jean-Marie, « En attendant l’alternance », Le Monde du 20 avril 1983.
[51] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu du 19 mai 1983, interventions de Jean-Marie Daillet, François Fillon, Lucien Richard et Georges Mesmin.
[52] Journal Officiel, Assemblée nationale, Compte-rendu de la 3ème séance du jeudi 3 novembre 1983, intervention de Charles Hernu.
[53] Cité dans SAUNIER et VIAL (dir.), La France et sa défense…, p. 76.
[54] POIRIER Lucien, « La greffe », Revue de Défense nationale, avril 1983 reproduit dans « Le général Poirier. Théoricien de la stratégie », Les cahiers de la Revue Défense Nationale, 2013. Critias, « Le flou, quel flou ? », Le Monde du 5 mai 1983.
[55] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la 3ème séance du vendredi 8 novembre 1985, interventions d’Yves Lancien et de Marcel Bigeard.
[56] FAVIER Pierre et MARTIN-ROLAND Michel, La décennie Mitterrand, tomes 2 « Les épreuves », Seuil, Paris, 1991, pp. 348-349. GUISNEL Jean, Charles Hernu ou la République au cœur, Fayard, Paris, 1993, p. 526.
[57] « L’intérêt de la France est de poursuivre la politique conduite depuis 1981 », Le Monde du 23 novembre 1985.
[58] RICHARD Gilles, Histoire des droites en France, Perrin, Paris, 2017, pp. 429-430. CHIRAC Jacques, « Construction de l’Europe et défense commune », Le Monde du 28 février 1986.
[59] MITTERRAND François, Réflexions sur la politique extérieure de la France, Introduction à vingt-cinq discours (1981-1985), Fayard, 1986.
[60] DUMAS Roland, Affaires Étrangères I, 1981-1988, Fayard, Paris, 2007, p. 243.
[61] Articles 5 et 15 de la constitution du 4 octobre 1958.
[62] Article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. ». Article 21 : « Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. »
[63] SCHOTTERS Frederike, Frankreich und das Ende des kalten Krieges. Gefühlsstrategien der Équipe Mitterrand 1981-1990, De Gruyter, Berlin et Boston, 2019, p. 297.
[64] VÉDRINE, Les Mondes…, p. 359. MITTERRAND, Réflexions…, p. 53. CHAPUT Paul, La France face à l’Initiative de Défense Stratégique de Ronald Reagan (1983-1986), L’Harmattan, 2014, Paris, p. 182.
[65] CHAPUT, La France face à l’Initiative de Défense Stratégique…, p. 189. Archives diplomatiques Nantes, 865 3 11 10, projet d’exposé du ministre de la défense devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 15 mai 1986. cf. également 867 3 11 30, note « L’espace et les intérêts de sécurité français », reçue par la représentation permanente auprès de l’OTAN le 10 juin 1986.
[66] Archives diplomatiques Nantes, 874 3 12 33, compte-rendu d’un déjeuner entre des dirigeants de la majorité parlementaire et trois députés de la CDU accompagnée d’un représentant de l’ambassade de RFA, le 14 mai 1987.
[67] FAVIER et MARTIN-ROLAND, La décennie Mitterrand, tome 2, pp. 648 et 652. DUMAS Roland, Affaires étrangères I 1981-1988, Fayard, Paris, 2007, p. 341.
[68] ATTALI Jacques, Verbatim II, Fayard, Paris, 1995, p. 337.
[69] Conférence de presse du 24 septembre 1987, citée dans SAUNIER et VIAL (dir.), La France et sa défense…, pp. 327-334.
[70] ATTALI, Verbatim II, p. 365.
[71] ATTALI, Verbatim II, p. 445.
[72] « Décret n° 89-319 du 17 mai 1989 portant publication de deux protocoles au traité entre la république française et la république fédérale d’Allemagne sur la coopération franco-allemande en date du 22 janvier 1963, faits à paris le 22 janvier 1988 », Journal officiel du 19 mai 1989, p. 6292.
[73] Archives diplomatiques Nantes, 874 3 12 33, rencontre de la majorité avec Alfred Dregger.
[74] RPR et UDF, « Plate-forme commune pour gouverner ensemble », 16 janvier1986, https://www.vie-publique.fr/discours/130106-plate-forme-commune-du-rpr-et-de-ludf-intitulee-plate-forme-pour-gouve , consulté le 8 septembre 2020.
[75] DEBRAY Régis, La Puissance et les rêves, Gallimard, Paris, 1984, p. 161. Cinq ans plus tard, il fait cependant évoluer son analyse en reprenant la classification de la droite chère à René Rémond : la droite « bonapartiste » du RPR a renié ses « options gaulliennes » pour rallier la droite « orléaniste » de l’UDF et la gauche française conquise au « capitalisme libéral, se rallie aussi à la règle du jeu atlantique », cf. DEBRAY Régis, Tous azimuts, Odile Jacob, Paris, 1989, p. 124.
[76] VÉDRINE, Les mondes…, p. 734.
[77] VÉDRINE, Les Mondes…, p. 119. C’est annoncé par Pierre Mauroy à l’IHEDN, le 14 septembre, cf. MAUROY Pierre, « La cohérence d’une politique de défense. Allocution du premier ministre, le 14 septembre 1981, lors de la séance d’ouverture de la 34ème session de l’IHEDN », Revue de Défense nationale, octobre 1981, p. 23. FAVIER et MARTIN-ROLAND, La décennie Mitterrand, tome 1, p. 388.
[78] CHIRAC Jacques, « La politique de défense de la France », Revue de Défense Nationale, Novembre 1986. Conférence de presse au camp militaire de Caylus, 13 octobre 1986 citée dans SAUNIER et VIAL (dir.), La France et sa défense…, pp. 245-255.
[79] FAVIER et MARTIN-ROLAND, tome 2, pp. 632-658.
[80] Conférence de presse au camp de Caylus le 13 octobre 1986 dans SAUNIER et VIAL (dir.), La France et sa défense…, pp. 247-253.
[81] Interviews dans Paris-Match, 29 avril 1987 et dans Le Monde, 23 septembre 1987.
[82] Archives nationales, AG 5 (4) CD 117 dossier 1, dépêche AFP du 4 mai 1987 citant une intervention de Raymond Barre sur RTL.
[83] Archives nationales, AG 5 (4) CD117, Note d’Hubert Védrine à François Mitterrand, 1er octobre 1987.
[84] Journal Officiel, Assemblée Nationale, Compte-rendu de la 1ère séance du mercredi 8 avril 1987, intervention de Jacques Chirac.
[85] Déclaration de candidature au journal télévisé d’Antenne 2, le 22 mars 1988, https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00044/declaration-de-candidature-a-la-presidentielle.html , consulté le 8 septembre 2020.
[86] Archives nationales, AG 5(4) CD 117 dossier 1 RFA droite, 1987. C’est un dossier entier sur les contradictions de la droite dans le domaine de la politique de défense. C’est aussi la critique de l’ « État RPR », cf. BÉRÉGOVOY Pierre, « Réponse au bilan de Jacques Chirac », Le Monde du 19 février 1988.