Mon 10 mai 1981
Le 10 mai 1981 revêtait une importance particulière pour moi qui avais été désigné par François Mitterrand pour être son délégué départemental lors de l’élection de 1974, et avait eu le bonheur, en tant que premier secrétaire de la section socialiste de Montluçon, de l’accueillir plusieurs fois dans cette ville pour des réunions publiques. Sa dernière visite avait eu lieu à l’automne 1980 alors qu’il entretenait le suspense quant à son éventuelle déclaration de candidature. Mais, pour la première fois, le Commissaire de Police avait pris contact avec moi pour savoir par quel moyen François Mitterrand arriverait à Montluçon, de façon à assurer sa protection. J’avais vu là le signe qu’il ne pouvait plus y avoir de doute sur la déclaration de candidature de François Mitterrand et l’idée que les autorités pouvaient se faire des enjeux à venir. François Mitterrand arriva ce soir-là, dans une nuit noire totale, illuminée par les éclairs incessants d’un orage épouvantable, dans un petit avion, en la seule compagnie d’un assistant. Dès sa sortie de l’habitacle un court dialogue s’engagea :
« Alors, comment ça se passe ici ?
– Nous sommes prêts !
– Prêts à quoi, dans un ton amusé.
– Prêts pour votre campagne !
– Ah bon ! C’est bien ! »
Après quoi nous allâmes saluer les membres de l’aéro-club qui avaient assuré la liaison avec le pilote de son avion, avant de rejoindre le lieu du meeting, escortés par une voiture de la Police.
Le soir du 10 mai, un peu avant 20 heures, alors que je venais de déposer à l’hôtel de ville les résultats du bureau de vote que je présidais, au moment où je montais dans ma voiture pour rejoindre, à l’autre bout de la ville, le local du Parti socialiste où les militants étaient réunis, l’autoradio annonçait : « Dans quelques instants nous serons en direct de Château-Chinon ». Je compris alors que François Mitterrand était élu Président de la République.
Dès la confirmation officielle je terminai la traversée de la ville en klaxonnant.
Au siège du Parti socialiste, après les embrassades et les accolades, nous organisâmes une caravane de voitures et parcourûmes les différents quartiers de la vile en klaxonnant.
Quelques années plus tard, mon fils, qui le 10 mai 81 avait à peine 11 ans, en vient, alors qu’il est élève à Sciences-po Paris, à discuter avec l’un de ses camarades de leurs souvenirs respectifs du 10 mai 81.
Mon fils dit à peu près ceci : « J’étais à la maison avec ma mère et ma sœur, mon oncle, ma tante et mes cousins. Nous attendions mon père et une bouteille de champagne avait été ouverte. Je crois même que j’en ai bu un peu. »
Le camarade de mon fils, parisien, dit, lui : « Le lendemain matin ma grand-mère est venue me chercher chez moi, nous sommes passés chez Fauchon, avons rempli le coffre de la Mercedes, et nous sommes partis en Suisse. »
François LAPLANCHE