«Le traité de Maastricht fut une capitulation, comparable sur beaucoup de points à l’armistice de 1940.»
La citation qui précède est de Descartes. Mais ici, ce nom ne fait pas référence au célèbre philosophe français des Lumières. Il s’agit du pseudonyme de l’un des nombreux bloggeurs que l’on peut lire aujourd’hui sur internet. Son article, intitulé « Maastricht a vingt ans » et publié en février 2012, est un pamphlet contre l’Union européenne et contre ceux qui, dans les années quatre-vingt-dix, en ont été les artisans. Relayé par le site internet de l’association Égalité et réconciliation ou celui du Comité Valmy, deux organisations issues des milieux souverainistes et réactionnaires français, ce texte témoigne d’un phénomène qui interpelle le chercheur autant que le citoyen. En 2012, vingt ans après la ratification, et si l’on considère la dernière élection présidentielle, un tiers des voix se sont portées vers des mouvements hostiles à l’action des institutions communautaires.
Cette bataille politique s’appuie toutefois sur un discours partisan caricatural que l’on retrouve dans des formes à peu près identiques de l’extrême gauche à l’extrême droite : Valéry Giscard d’Estaing introduit les premiers instruments de libéralisme dans l’économie française dans les années soixante-dix, parallèlement à ses efforts pour forcer l’intégration communautaire ; les Socialistes français – au premier rang desquels François Mitterrand – trahissent le « peuple » ou « la cause » – au choix – en cédant à ce libéralisme économique en mars 1983 ; depuis, les partis de gauche et droite confondus empêchent le peuple français de se libérer politiquement de ce libéralisme en le privant de souveraineté du fait de l’Acte unique et surtout du Traité sur l’Union européenne. Enfin, cette « dictature néolibérale », qui est le fait de Bruxelles et de l’Organisation mondiale du commerce, entraîne un capitalisme financier mondialisé qui conduit à la crise économique des années 2010.
Cette vulgate vise à délégitimer l’action des institutions européennes aussi bien que les formations politiques françaises, de gauche comme de droite, qui ont depuis les années soixante-dix exercé le pouvoir et à ce titre participé à la construction européenne. L’ennui est qu’elle ne correspond pas à l’histoire. D’abord parce qu’elle opère une lecture des événements par projection des réalités du XXIe siècle sur les enjeux de la fin des années quatre-vingt, et parce que, justement, elle oublie le contexte dans lequel ce traité fut négocié.
Précisément, l’Institut François Mitterrand a participé à une journée de travail, les 22 et 23 juin 2012 et à une publication, pour le mois de septembre, qui reviendra sur ces événements notamment du côté français. Au-delà des difficultés actuelles de l’Euro et des discussions sur l’avenir des institutions européennes, plusieurs historiens reviendront sur le contexte géopolitique de l’époque : la fin de « l’ordre de Yalta », l’après-guerre du Golfe, le début des combats en ex-Yougoslavie –, les discussions des Douze autour de nouveaux partages de souveraineté – la monnaie, la diplomatie, la défense y compris l’exercice de la police et de la justice –, et la plupart des secteurs économiques avec la mise en œuvre du marché unique. Ceci nous permettra-t-il, notamment dans le cas de la France, de revenir sur les véritables « horizons d’attente » des décideurs français qui en assurèrent la rédaction ? Quels problèmes cherchaient-ils à résoudre ? Que voulaient-ils construire ? Quels furent les succès et les compromis acceptés ?