Jacques Delors s’est éteint le 27 décembre, à l’âge de 98 ans. C’est un Grand d’Europe, sans doute le dernier de sa génération, qui nous quitte et nous laisse un peu orphelin, nous qui avons la tâche de poursuivre le combat européen dans une période de très fortes turbulences.
Je rends hommage à l’homme à la force de conviction supérieure et à la probité sans faille, au compagnon de route qu’il fut dans la grande aventure de la conquête du pouvoir en France par la gauche autour de François Mitterrand. Ce chrétien de gauche, qui adhéra au Parti socialiste en 1974 lors des « Assises du socialisme », en même temps que Michel Rocard, fit le choix de François Mitterrand au Congrès de Metz de 1979 et en devint rapidement un conseiller écouté. Homme modéré, profondément social-démocrate – avec qui les militants de l’union de la gauche ont pu avoir un désaccord puisqu’il était plutôt un adepte de l’alliance au centre – il fut d’une loyauté totale à l’union de la gauche qu’incarnait Mitterrand.
Loin des caricatures le portraitisant comme le parangon d’un néolibéralisme à tout crin, rappelons que Jacques Delors fut d’abord un militant syndical, ancré dans ses racines populaires corréziennes, qui gardera tout au long de sa vie publique une attention particulière aux questions du monde du travail, de l’apprentissage et de la formation professionnelle au dialogue social et à la juste répartition des richesses produites au sein de l’entreprise. À cet égard, le choix majeur de 1983, que certains ont appelé à tort « le tournant de la rigueur », fut dans l’esprit convergent de François Mitterrand et de Jacques Delors le moyen indispensable de consolider les conquêtes sociales de 1981.
Grand artisan de la relance européenne, voulue par François Mitterrand lors du Sommet de Fontainebleau de 1984, Jacques Delors a épousé la construction européenne. Sa présidence de la Commission européenne fut, nous le savons, le tiers élément déterminant de l’alchimie exceptionnelle nouée entre François Mitterrand et Helmut Kohl. Ni adepte du marché laissé à lui-même, ni fédéraliste, il cherchait pour le continent européen une voie singulière dans la fédération d’États-nations. Son legs politique continuera assurément de nous inspirer.
Nos pensées vont à sa famille ainsi qu’à ses proches.
Jean Glavany
Président de l’Institut François Mitterrand