Au_lendemain du Congrès d’Epinay, en juin 1971, qui va faire de François Mitterrand le premier secrétaire du nouveau parti socialiste. Je suis nommé secrétaire national chargé de la presse et des relations avec les journalistes. La presse du parti, à ce moment, on en fait vite l’inventaire. Elle se résume à un petit bulletin assuré par Claude Fuzier depuis la disparition du « Populaire ».
François Mitterrand souhaite, comme beaucoup d’autres, que nous puissions disposer d’un véritable quotidien. Une rapide enquête m’a conduit à conclure qu’un tel projet était financièrement hors de notre portée. Je fis donc admettre par le bureau exécutif la création d’un hebdomadaire recherchant une audience nationale à l’intérieur et au dehors du parti et rédigé par des journalistes professionnels.
Je proposais pour cet organe le titre « l’Unité » qui me paraissait être le mot clé pour symboliser à la fois ce que nous venions d’accomplir à Epinay entre Socialistes et ce que nous désirions réaliser entre partenaires de la gauche. Mon projet fut rapidement adopté à l’exception du titre qui suscita des objections que François Mitterrand m’aida efficacement à surmonter. Je recevais donc en novembre 1971 la mission de lancer « l’Unité » dont le premier numéro parut, sur 24 pages, les vendredi 29 janvier 1972.
Nous nous étions installés dans les trois petites pièces d’une ancienne librairie que le parti avait récupérée rue Viollet-le-duc, a deux pas du siège de la cité Malsherbes. L’équipe de départ était plus que squelettique mais avec des journalistes professionnels venus de l’EXPRESS ou du NOUVEL OBSERVATEUR. Equipe qui devait s’étoffer par la suite mais qui n’a jamais compté plus d’une quinzaine de membres.
Etant entendu que le collaborateur le plus prestigieux de « l’Unité » n’était autre que François Mitterrand lui-même dont la chronique « Ma part de vérité », nous avait valu dès le départ une audience nationale et internationale. C’est bien ce que j’espérais lorsque j’avais proposé au Premier Secrétaire de tenir cette page hebdomadaire qui constituait notre principal atout face à la concurrence des grands magazines politiques. Conscient de la servitude qu’il s’imposait il avait hésité avant de me donner finalement son acceptation. A l’exception de la période de l’élection présidentielle de 1974, il a tenu à peu près régulièrement la gageure pendant plusieurs années. Il s’est ainsi imposé un gros effort mais je crois qu’il n’a pas eu à le regretter : d’une part parce que sa chronique, conçue comme un journal, lui permettait de traiter des sujets d’actualité en quelques lignes aussitôt reprises par l’ensemble de la grande presse ; d’autre part parce que ces années de chroniques lui ont fourni la matière essentielle de deux livres « La Paille et le Grain » et « L’Abeille et l’Architecte », qui ont permis à des dizaines de milliers de lecteurs, souvent fort éloignés du Parti socialiste, de découvrir au-delà de l’homme politique, un véritable écrivains amoureux de la langue et épris d’une incomparable culture.
Après sa victoire du 10 mai 1981, « L’Unité », qui avait participé très activement à la campagne électorale, a continué sans lui pendant encore cinq ans avant que des difficultés financières croissantes, surtout après la défaite de la gauche aux législatives de 1986, nous contraignant à mettre fin à l’existence du journal qui n’a pas été vraiment remplacé depuis.