Au cours des deux dernières années, à l’Assemblée Nationale, sur internet et dans les médias, plusieurs personnes (hommes politiques ou journalistes) ont utilisé la citation de François Mitterrand concernant la lutte contre le chômage : « contre le chômage, on a tout essayé », la qualifiant de « terrible » ou de synonyme de « baisser les bras » (Communiqués de l’IFM des 20/03/13 et 21/01/12). À l’égard de l’utilisation de cette citation il nous paraît utile de rappeler les faits suivants.
14 juillet 1993. Intervention télévisée
Le 14 juillet 1993, lors de son habituelle intervention télévisée, le Président de la République François Mitterrand répondait à une question de Paul Amar, journaliste à France 2. Ce dernier l’interrogeait sur la politique du gouvernement d’Édouard Balladur à l’égard de l’emploi.
À cette date en effet débutait la seconde cohabitation. Quelques semaines après la défaite du Parti socialiste aux élections législatives, le gouvernement de M. Balladur prenait une série de mesures tandis qu’à l’Assemblée les députés RPR lançaient une polémique contre l’inaction supposée de la gauche dans ce domaine.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la réponse de François Mitterrand : ce “on a tout essayé” doit se comprendre comme “nous avons tout mis en œuvre”. D’ailleurs, pour peu que l’on prenne la peine de prendre connaissance de l’ensemble des propos du Président, on se rend compte qu’il défend à cette occasion l’action menée par ses gouvernements même s’il évoque un « triste résultat. » Loin d’un quelconque fatalisme, il appelle même à la poursuite de l’effort dans ce domaine. L’inverse, donc, de quelqu’un qui baisse les bras : « Je dis simplement que l’on a tout essayé et tout ce qu’essaie le gouvernement actuel doit être autant que possible servi. Car il faut de la continuité dans l’effort. Si l’on fixe la conquête de l’emploi et donc la réduction du chômage comme objectif prioritaire, on a raison. Et je n’ai, moi, strictement aucun motif d’incriminer qui que ce soit. »
Puis, à la fin de l’émission, il ajoute : « Je vous disais tout à l’heure — quand on a commencé notre conversation à propos du chômage — tout a été essayé. Comme la réponse n’a pas été obtenue, c’est bien qu’il faut continuer à chercher ailleurs. Cependant, la somme des efforts réunis pour vaincre ce chômage, le faire reculer, me permet à moi comme au chef du gouvernement d’espérer qu’il va y avoir une inflexion, un coup d’arrêt et puis, ensuite, une amélioration, je l’espère aussi, à la fin de l’année. »
Le 25 octobre 1993, François Mitterrand est l’invité de « l’Heure de Vérité » de François Henri de Virieu. Il est de nouveau interrogé sur le chômage :
« – Question : Dans le sondage auquel nous avons procédé, il y a une préoccupation évidemment dominante de très très loin sur toutes les autres, c’est le chômage. Le 14 juillet, dans votre interview télévisée, vous aviez dit qu’en matière de chômage ou de lutte pour l’emploi tout avait été essayé. Est-ce que le grand débat autour du partage du travail aujourd’hui vous semble être une nouvelle façon non encore essayée de régler ce problème ?
– François Mitterrand : C’est ce que je voulais dire et qui a peut-être été mal compris. Tout ce qui est classique, soit par l’économie, soit par le social, pour lutter contre le chômage a échoué. Pas simplement en France, mais aussi dans l’ensemble des pays industriels d’Occident. Il faut donc en tirer la conclusion qu’il faut changer de méthode. Et je considère que le grand débat qui n’annule pas les autres, le débat sur la formation poussée, la formation des travailleurs de toutes sortes, à tous les échelons, c’est nécessaire, bien entendu. Tenir compte, lorsqu’on développe la technologie des conséquences que comportera telle ou telle application pratique d’une nouvelle invention. Les conséquences humaines, il faut en tenir compte. Mais il n’empêche que le débat sur le partage du travail, sur la réduction du temps de travail est une donnée nouvelle que j’approuve. Je suis heureux que cette discussion ait lieu. Quant au contenu, bien entendu, il faut en discuter. »
Lire les communiqués de l’Institut François Mitterrand des 20/03/13 et 21/01/12