Le 24 juin 2014 Dominique Bertinotti, Serge Bernstein, Jean Musitelli et Gilles Ménage remettaient à Léa Pawelski le Prix Publication 2014 et à Félix Patiès le Prix Encouragement 2014 dans les locaux de l’Institut François Mitterrand à Paris. (DR/C.Rosé-IFM)
Vous êtes la lauréate du prix de l’IFM. Une belle surprise ?
Absolument, je suis très reconnaissante envers les membres du jury – et quel jury ! – et l’Institut François Mitterrand. C’est certainement un privilège pour tout étudiant qui se voit récompensé par la publication de son mémoire de recherche, et ce d’autant plus lorsque l’on poursuit son travail en doctorat. Cela m’encourage à poursuivre dans ce sens et m’offre l’occasion de faire connaître mon travail à un plus grand nombre. Enfin, c’est également une reconnaissance pour cet objet d’étude – la communication politique – récemment investi par les historien-nes, après que Pierre-Emmanuel Guigo ait été, lui aussi, lauréat du prix d’encouragement pour son travail sur Michel Rocard.
Sur quoi portent vos recherches ?
L’objectif, modestement, c’est de parvenir à ce que le regard de l’historien-ne permette de mieux comprendre la façon dont la communication politique intervient et structure notre démocratie. À l’origine c’est une fascination pour l’étude des années 1980 qui m’a conduite à ce sujet, avec ses bouleversements et ses résonances jusqu’à nos jours, en particulier dans le domaine politique. Dans le cas de ce mémoire j’ai choisi de travailler sur la communication politique d’un homme en particulier, Laurent Fabius, le plus jeune premier ministre de la France, qui a pu et a su cristalliser pendant un moment tous les critères donnés comme indispensables pour « bien communiquer ». À l’apogée, répond automatiquement le déclin, ce qui, dans une certaine mesure, est effectivement le cas pour le premier ministre, qui très populaire après sa nomination en 1984, entame une chute de popularité dans les sondages et suscite davantage de critique dans les médias. Mon travail porte également sur la façon dont les croyances envers les techniques du marketing politique évoluent et sur la manière dont interagissent tous les acteurs de la communication politique. Cela implique de prendre en compte les hommes et femmes politiques, les médias et l’opinion comme l’a défini le politologue Jacques Gerstlé, et de travailler sur leur rapport au temps, à leurs expériences et les représentations qu’ils se font des rôles de chacun dans le champ politique.
Quelles sources et archives avez-vous utilisé ?
Les archives écrites sur la communication, notamment au niveau ministériel, sont rares et c’est une recherche que je mène actuellement en doctorat. Afin de mettre en relation la communication politique de Laurent Fabius et sa représentation au sein des médias, le corpus le plus conséquent porte sur les sources médiatiques et les sondages. La presse, nationale mais aussi régionale puisque Laurent Fabius est, pendant la période 1984-1986, élu député de Seine-Maritime et adjoint au maire du Grand-Quevilly permet de mettre en perspective la stratégie de communication de Laurent Fabius et son traitement par les journalistes. Le fonds télévision de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) est d’autant plus conséquent que Laurent Fabius est le premier chef du gouvernement à privilégier l’outil qu’est la télévision, que l’on songe notamment du quart d’heure mensuel sur TF1 « Parlons France ». J’ai utilisé également la production littéraire de divers essayistes, journalistes, publicitaires et personnalités politiques des années 1970 aux années 1990 qui portent aussi bien sur la communication politique elle-même, le rôle des médias, la fabrication du discours ou plus généralement sur la société post-moderne. Enfin, particularité en histoire du temps présent, j’ai pu rencontrer d’anciens collaborateurs de Laurent Fabius, de son chef de cabinet à Matignon au secrétaire général de la ville où il est élu, et je multiplie aujourd’hui ces entretiens. Ces témoignages sont précieux pour mettre en perspective la « cuisine interne » de la communication et ses effets, pour comprendre la façon dont ces personnes percevaient la communication.