Vertu de la victoire du 10 mai 1981, volonté d’agir après avoir été longtemps éloignés du pouvoir, soif de faire du Parlement le coeur de la démocratie Française ? Il y avait sans doute de tout cela chez les députés de la « vague rose ».
Pendant les mois de juillet-août 1981, de très longues nuits et journées furent consacrées à l’examen des lois Deferre. Une formidable solidarité entre les députés de gauche imprégnait le déroulement des travaux.
La bataille des amendements avait commencé à la Commission des Lois où Raymond Forni, son président, Alain Richard, Michel sapin, Gérard Gouze et quelques autres faisaient front à un trio formé de Jean Foyer (ancien garde des Sceaux), Philippe Seguin et Jacques Toubon, défenseurs acharnés d’un Etat centralisateur et jacobin. Les affrontements les plus rudes eurent lieu autour de la question des départements, de leurs Conseils généraux que nous transformions en Conseils départementaux et dans lesquels les Préfets, devenus Commissaires de la République, se voyaient privés de leur fonction exécutive.
Avec les amendements répétitifs, tout cela a duré des jours et des nuits. Nous étions admiratifs devant Gaston Defferre qui, en « vieux parlementaire » qu’il était, savait déjouer les pièges de Philipe Seguin, l’intervenant principal du RPR et de Charles Millon qui, lui, donnait de la voix pour le Centre.
Au mois d’août, au moment où nous abordions le volet de la décentralisation concernant les régions, les mêmes amendements utilisés pour les départements sont revenus dans le débat avec le label « régions ». Ils allaient subir le même traitement quand, en désespoir de cause, Philippe Seguin, les retira. Nous venions de gagner une très longue bataille parlementaire. Depuis 1976, j’étais conseiller général de mon département et, par les mécanismes qui prévalaient alors pour la désignation des conseillers régionaux, je me retrouvais également dans l’exécutif de la Région Aquitaine. J’ai donc vécu en direct la disparition de la tutelle de l’Etat. De nombreuses années allaient être nécessaires pour que se mette en place la décentralisation que nous avions voulu, mais le mouvement était irréversible.
Que dire alors, vingt-et-un ans plus tard, quand on prend connaissance du brouillon des lois Raffarin et de la mouture sortie du Sénat ? on n’y trouve aucun souffle politique, rien qu’une petite cuisine visant à refiler le mistigri « financier » aux collectivités territoriales.