Menées au pas de charge par Gaston Defferre, les réformes décentralisatrices des années 1982 et 1983 n’ont pas pris au dépourvu les sénateurs socialistes qui avaient eu l’occasion, pendant l’année précédente, de se «faire les dents» avec un projet de loi du gouvernement Barre, portant développement des responsabilités des collectivités locales.
Les batailles d’amendements menées alors face au ministre de l’Intérieur,
Monsieur Bonnet, avaient été précédées de longues séances de travail avec nos
collègues députés, et l’appui technique précieux de Michel Charasse, alors bras
droit de Gaston Defferre.
C’est certainement là que le projet décentralisateur de la gauche s’est
affiné en prenant forme de loi. Forts de ce premier entraînement, nous étions
impatients de défendre un texte dont chacun avait compris qu’il marquerait une
rupture radicale avec les institutions et les pratiques d’une France jacobine.
Certes, la gauche restait minoritaire au Sénat, et la droite allait s’y évertuer
à mettre en pièce les dispositions novatrices du projet. Elle agitait, par
exemple, l’épouvantail de risques que feraient désormais courir aux élus les
nouveaux pouvoirs dont ils allaient être détenteurs.
Mais le transfert de responsabilité était le corollaire inévitable et
salutaire du transfert de pouvoir et de compétences : vouloir la
décentralisation, c’était en accepter toutes les conséquences. La Droite les
refusait.
Même si cette « révolution institutionnelle » passa relativement inaperçue
auprès du grand public, nous pressentions qu’aucun retour en arrière ne serait
possible. Les opposants d’alors n’ont cessé depuis de nous donner raison sur ce
point.