C’est la mission de cet institut que de défendre la mémoire de François Mitterrand, et de transmettre à ceux qui, aujourd’hui et demain, s’intéresseront à la vie publique, les leçons d’un parcours politique exceptionnel de près de cinquante années, loin de l’hagiographie, comme des anathèmes.
C’est comme si un léger souffle d’air se serait fait sentir à ce sujet dans la touffeur de cette fin d’été. Le stade de la lucidité et de la vision objective des choses n’est pas atteint, mais les procureurs ou les calomniateurs ne tiennent plus en toutes circonstances le haut du pavé.
Le fait qu’Arnaud Montebourg ait choisi la ville de Jarnac pour y tenir colloque en faveur de l’avènement d’une VIème république, est significatif. Mais si la référence à l’auteur du « Coup d’Etat permanent » ne devait s’avérer être qu’une commodité ou un effet de tribune, cela serait dommage, quand le thème de la réforme constitutionnelle appelle un effort de renouvellement intellectuel, dans des termes différents des années 60, évidemment, mais même des années 90.
Dans des genres évidemment très différents, les passages consacrés à François Mitterrand dans leur dernier livre par Jean-Paul Huchon et Jean-Pierre Chevènement sont à noter.
La visite du pape Jean-Paul II à Lourdes le 15 août dernier a donné lieu de la part des autorités épiscopales et de la presse à un utile rappel des mots justes par lesquels François Mitterrand l’avait accueilli à Tarbes, le 14 août 1983. Il avait pressenti son influence immense sur le cours de l’histoire européenne. Le Pape, ce jour là, a-t-il abandonné la méfiance que lui inspirait celui qui avait fait entrer des ministres communistes au gouvernement ? Je ne sais. Les quelques lignes du discours de François Mitterrand que je me borne à reproduire ciaprès, prennent une résonance particulière.
« Notre loi, notre devoir et notre volonté s’accordent à préserver comme un bien très précieux la liberté pour chacun de croire et de vivre sa foi, ou de servir son idéal, dans le double respect de la communauté qu’ensemble nous formons et de l’Etat qui la rassemble (… ) Saluer en votre personne l’institution qui a si profondément, si intimement marqué l’histoire universelle et particulièrement l’histoire de mon pays, et qui reste une source vive où tant des nôtres continuent de puiser leurs raisons d’espérer est pour moi la plus simple façon d’honorer celui qui la conduit et porte, au plus haut, son message…»
Et il y a bien sûr l’Europe. Il est vain de se demander ce que ferait aujourd’hui François Mitterrand car la situation et les choix ne se présenteraient sans doute pas de la même façon s’il avait eu à négocier au nom de notre pays ces dernières années. Mais on voit bien que les responsables politiques de droite comme de gauche, partisans du oui comme du non, reviennent régulièrement à ce qu’il a pensé, fait ou dit à ce sujet, pour y trouver des sources d’inspiration avouées ou non.
Mettons à part Georges Frèche qui a déclaré vouloir donner le nom de François Mitterrand à la plus petite salle de son conseil régional, car c’était un « petit homme politique » ! En théorie, c’est une bonne chose qu’il y ait dans la vie politique française des Georges Frèche plein d’énergie, ayant une fibre populaire et une vraie liberté de ton. Mais, quand le même Georges Frèche fait des déclarations grotesques, comme celle récente sur François Mitterrand, on se demande ce qui a poussé l’histrion à se caricaturer lui-même. Dépit que François Mitterrand n’en ait pas fait un ministre ? Désir de faire parler de lui au-delà de sa région ? De toutes façons cela ne justifierait pas de dire des idioties boursouflées. Preuve que l’Ubris peut frapper même des latinistes.
Nous serons dans notre rôle en donnant à nos lecteurs, jusqu’au référendum annoncé sur le Traité institutionnel, des éléments d’informations et des rappels de l’histoire récente, pour alimenter leur réflexion. Comme nous le faisons dans ce bulletin en ce qui concerne les idées de François Mitterrand sur les élus et la République à l’occasion de notre colloque des 14 et 15 octobre « La France a-t-elle encore besoin d’élus ? ». Titre volontairement provocateur mais l’interpellation de la démocratie représentative au nom de la démocratie participative, voire directe – ou d’autre chose ? – appelle des réponses fortes.