« Nous en sommes aux 64e consultations franco-allemandes. Pour ma part, j’y assiste depuis douze ans au côté de mes amis et hôtes français. Au fil de ces douze ans, et c’est quand même tout à fait normal et naturel, nous sommes passés à travers un certain nombre de stades de développements caractérisés par des positions initiales différentes, historiquement fondées qui nous ont menés néanmoins à des initiatives communes. Sans vouloir froisser personne en Europe, si je me souviens de mon premier sommet communautaire à Copenhague en 1982, où j’ai contribué à mener les débats avec François Mitterrand, il faut quand même constater que nous avons continuellement progressé. Bien entendu, nous n’étions pas toujours d’emblée d’accord sur tout, dans la vie privée après tout, c’est aussi le cas, mais nous avons toujours parlé ensemble, discuté et lancé des initiatives en commun. Ces douze ans sont l’histoire ininterrompue d’initiatives communes franco-allemandes, germano-françaises. Y compris pour le sommet de Maastricht, on nous disait à l’époque : vous n’y arriverez pas ! C’est impossible, et puis on l’a négocié. Ensuite on nous a dit : jamais vous ne pourrez ratifier le Traité de Maastricht. Il est ratifié. »
Helmut Kohl, 64e consultations Franco-Allemandes, Bonn, le 30/11/1994.
D’octobre 1982 à mai 1995, le Président François Mitterrand eut comme partenaire le Chancelier allemande Helmut Kohl. À la surprise de beaucoup, car ils venaient d’horizons politiques très différents, se noua entre ces deux hommes d’État une relation étroite, ce dont témoigne la dizaine de rencontres annuelles entre eux. Cette relation politique se transforma au fil du temps en amitié vraie, fondée sur un intérêt mutuel et profond en faveur d’une relation franco-allemande la plus étroite possible et du renforcement de l’Europe. Cette volonté permit de dégager la Communauté européenne du blocage sans lequel elle se roulait du fait de Mme Thatcher, notamment lors du sommet européen de Fontainebleau en juin 1984. Déblocage qui rendit possible la grande coopération européenne des années 1985-1992. Ensemble, grâce à cette entente, ils ont fait face au mieux des intérêts français, allemands et européens aux défis de la réunification rendue possible par l’affaiblissement de l’URSS, jusqu’à ouvrir les frontières entre nos pays et lancer le projet d’une monnaie unique qui deviendra l’Euro. Parallèlement, la coopération entre nos deux pays fut intensifiée dans tous les domaines. Pour Helmut Kohl, l’amitié avec la France était une ardente obligation. Nous n’oublierons pas ses larmes lors de la cérémonie à Notre-Dame de Paris, en janvier 1996, lors du décès de François Mitterrand. Le décès de l’ancien Chancelier marque la disparition de l’une des personnalités historiques éminentes de la fin du XXe siècle. L’Institut François Mitterrand salue sa mémoire.
Hubert Védrine
J’ai été le témoin direct de la relation entre François Mitterrand et Helmut Kohl. Lorsqu’il a été élu, sa première visite a été pour le Président Mitterrand. Je me souviens être allé le chercher à l’aéroport du Bourget. J’ai découvert un dirigeant déterminé, qui savait où il allait et qui avait pour l’Allemagne, pour la relation franco-allemande et pour l’Europe, un projet. Si bien que, juste avant qu’il ne rentre dans le bureau du Président à l’Élysée, j’ai cru devoir lui dire en aparté : « je pense que vous allez avoir un très bon partenaire. »
Jean-Louis Bianco
Nous vous proposons plusieurs liens vers des articles ou archives du site de l’Institut François Mitterrand concernant les relations entre François Mitterrand et Helmut Kohl :
– Lire l’intégralité de la conférence de Presse conjointe du 30 novembre 1994 lors des 64e consultations Franco-allemandes.
– Lire l’intégralité de la Lettre au président du Conseil européen sur l’Union politique – 6 décembre 1990
– Lire l’article Verdun : le geste Mitterrand-Kohl
– Lire l’article Relations entre François Mitterrand et Helmut Kohl
– Lire l’article 1989, le retour de la question allemande : vers la réunification
– Lire l’article Le Traité de Maastricht : la dernière grande oeuvre européenne de François Mitterrand
– Lire l’article « Il faut réinventer les bases de l’accord franco-allemand »