Le 14 août 2021, Jacques Fournier nous a quitté, à l’âge de 92 ans.
C’était un homme extraordinaire, comme on en rencontre peu. Deux passions ont inspiré toute sa vie : l’amour de l’Algérie, et la défense du service public.
Fils d’un « médecin de colonisation », il a passé toute sa jeunesse dans l’Algérie française et a fait ses études à Oran et à Alger. Il a épousé la fille d’un intellectuel algérien. Il raconte son histoire avec l’Algérie dans un très beau livre « l’Algérie retrouvée », dans lequel il y exprime son espoir « Le cœur et la raison unissent la France et l’Algérie ».
Dans le monde universitaire, au Conseil d’État, il était reconnu comme un très grand juriste. Son « Traité du social », rédigé avec Nicole Questiaux a formé des générations de fonctionnaires.
Juriste le jour, il était militant le soir, au groupe d’action municipale de Saint-Cloud puis au CERES de Jean-Pierre Chevènement.
En 1981, il est nommé secrétaire général adjoint de la Présidence de la République aux côtés de Pierre Bérégovoy. Il réunit tous les mercredis matin pendant le Conseil des ministres les collaborateurs du secrétariat général dans une salle qui sera désormais appelée la salle Fournier. Seule réunion tolérée par François Mitterrand dont chacun connaît la méfiance à l’égard de tout ce qui de près ou de loin peut ressembler à de la « réunionnite ».
En juin 1981, quand je succède à Pierre Bérégovoy, Jacques Fournier est devenu le secrétaire général du gouvernement. Nous nous retrouvons dans mon bureau tous les lundis après-midi pour préparer avec Jacques Attali et Christian Sautter le conseil des ministres du mercredi.
Jacques Fournier sera ensuite président de Gaz de France puis de la SNCF, un président volontaire, discret, efficace.
À partir de 1994, fidèle à ses choix de toute une vie, il préside plusieurs organismes de promotion et de défense du service public.
Il tenait aussi un blog consacré principalement à l’action publique, fourmillant d’analyses précises et rigoureuses. J’ai retrouvé un papier intéressant et équilibré d’octobre 2010 consacré à François Mitterrand et la guerre d’Algérie.
Je n’oublierai pas son sourire chaleureux et attentif, son regard amical, sa voix grave,
sa rigueur et son charisme.
Jean-Louis Bianco