L’idée de décentralisation est pour moi liée à un échange courtois, mais vigoureux entre Pierre Mauroy et François Mitterrand, lors d’un comité directeur du Parti Socialiste préparant le programme des élections municipales de 1977.
Le maire de Lille se faisait le porte-parole d’une France urbaine et d’espaces où la densité démographique est forte. Prudemment favorable à la fusion des communes, mais n’osant pas revendiquer cette position, il plaidait avec fougue en faveur de leur regroupement et de la mise en place de vastes communautés d’agglomération.
Avec humour et non moins de détermination, le maire de Château-Chinon et président du Conseil Général de la Nièvre, défendait les moyennes et petites communes, le département et, plus généralement, la démocratie de proximité propre au territoire rural. Deux modes d’organisation, deux civilisations pour une seule France ! J’ai pris ce jour-là une grande leçon de politique, au moment où je m’apprêtais à devenir maire d’une commune de 3000 habitants. Mon coeur penchait et penche encore pour l’unité de base : la commune, même si j’ai dû admettre la nécessité d’une intercommunalité librement consentie.
Je me suis évidemment souvenu du heurt des deux conceptions à chaque débat sur les collectivités locales, au Sénat où j’ai été élu en septembre 1980. Et tout particulièrement, lors de la discussion des lois Mauroy-Defferre sur la décentralisation. L’affrontement avec la droite de la haute Assemblée y fut intense, presque aussi acharné que sur les nationalisations. Nous étions, un certain nombre d’entre nous partagé et il y avait quelques nuances entre nos prises de position au sein du groupe socialiste. Mais collectivement, nous avons su faire bloc et soutenir une réforme, dont on peut dire aujourd’hui qu’elle fut une heureuse synthèse entre la philosophie du maire de Marseille, du maire de Lille et celle du futur Président de la République.
Historique, tel est le mot qui convient pour définir la politique du premier septennat de François Mitterrand en matière de décentralisation.