Monsieur le Président,
– Mesdames et messieurs,
– Dois-je le dire ? Cela paraîtrait une simple forme de politesse. Je le dirai quand même. Je suis heureux de m’adresser aujourd’hui pour la première fois aux représentants librement élus des peuples tchèque et slovaque. Les conditions dans lesquelles se sont déroulées vos élections, la participation populaire particulièrement élevée confèrent à votre assemblée une légitimité et un prestige très grands, rehaussés par le respect qui s’attache à la personne et à l’action du Président Dubcek.
– Si le rétablissement, en Tchécoslovaquie, d’un régime pluraliste est récent, vos anciennes traditions, vos pratiques démocratiques expliquent sans doute le déroulement exemplaire de la révolution, de la grande révolution qui a rendu, il y a près d’un an la liberté. Par quoi étiez-vous guidé ? Et votre peuple avec vous, dont vous êtes les porte-parole, sinon par une conscience morale, un idéal : paix, justice et finalement dans cet automne exceptionnel de l’an dernier, vous avez vous-mêmes choisi votre voie rejoignant ainsi combien de peuples démocratiques du monde et particulièrement d’Europe.
Ainsi avez-vous renoué avec les valeurs des fondateurs de la République de 1918. En premier lieu naturellement avec Tomas Masaryk pour qui, je le cite « la politique ne pouvait reposer que sur des bases morales ». Pendant 20 ans, dans une Europe tourmentée où s’érigeait tout autour de vous des régimes autoritaires, arrogants, agressifs, la Tchécoslovaquie a su rester un lieu de stabilité, de culture et d’humanisme, avant que ne viennent les heures noires pour vous et pour nous.
– Vous avez défendu l’honneur de votre pays pendant la guerre et depuis lors. On se souvient de ce qui fut appelé « le Printemps de Prague » brisé par la violence et nous avons aimé et admiré ceux d’entre vous qui, pendant des années, se sont refusés à ce que leur conscience se taise.
– Je rends hommage à ceux qui, connus ou inconnus, plus nombreux inconnus que connus, ont combattu, isolés, persécutés, traqués comme perdus et qui pouvaient se croire perdus, jusqu’à ce que votre peuple et un mouvement immense et digne ait donné réalité au rêve.
– Nous avons vécu disais-je au Président Vaclav Havel, que j’ai grand plaisir à saluer ici, toute cette histoire de l’entre-deux guerres mondiales, ensemble et en commun, jusqu’au jour tragique d’un abandon ou d’une rupture qui laisse des traces. Je rappelais qu’à l’époque j’étais étudiant et soldat, prêt à prendre part comme ceux de ma génération au premier jour d’une nouvelle guerre. Je rappelais avoir commencé d’écrire pour la première fois dans un journal avec la vanité d’être publié, pour dire ce que je pensais de cette offense, de ce crime contre le droit qu’était la série d’actions commises dans cette région du monde jusqu’à Munich et la suite qui s’est inscrite dans la logique de l’histoire.
Grâce à vous on peut le dire, une ère nouvelle a commencé pour notre continent. Vous les peuples qui ont réalisé au centre, à l’Est de l’Europe la plus grande révolution populaire que l’on eût connue depuis la révolution française de 1789, deux siècles après, vous avez su d’une façon générale dominer cette immense victoire qu’il s’agit maintenant de gérer et j’imagine que ce n’est pas le plus simple. Croyez-le, même si cela doit prendre du temps pour reconstruire un état de droit, une économie saine, une vie comparable à celle que vous auriez pu connaître et vivre, bref pour connaître vous-même et donner à vos enfants le mode de vie que d’autres peuples plus chanceux, préservés par l’histoire ont connu dans d’autres parties de l’Europe, cela peut prendre du temps, mais je viens ici témoigner au nom de mon pays et de quelques autres que nous serons à vos côtés pour mener à bien cet effort. Ce ne sont pas propos en l’air, car nous avons devant nous toute une série de perspectives qu’il faut maintenant cerner, car il serait inexact et même décourageant de ne parler – lorsque l’on évoque la Tchécoslovaquie – qu’en terme de rattrapage, de retards à combler. Non, il existe des perspectives neuves et dans la mesure où elles sont neuves, vous les abordez avec un esprit neuf, vous pouvez agir rapidement et obtenir ce que vous recherchez.
– Vous avez, nous avons devant nous les problèmes de l’heure, les mêmes interrogations, les mêmes espoirs et nous avons à choisir autant que possible ensemble, les routes qui mèneront à l’Europe transformée où tous les peuples de ce continent seront des partenaires égaux en souveraineté, en capacité de décision, en dignité.
Nous nous sommes engagés, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, une fois la guerre achevée dans le désastre, dans les dommages et dans le deuil, dans une entreprise vraiment sans exemple qui avait pour objet la réconciliation, le dépassement des antagonismes et cela a abouti à l’Europe des six, des neuf, des dix, des douze, celle d’aujourd’hui, la Communauté économique européenne.
– Je me souviens d’avoir pris part en 1948, alors que j’étais un jeune parlementaire au premier congrès européen de l’histoire. Il était présidé par Churchill, il avait lieu à La Haye et une série de personnalités plus ou moins représentatives des pays qui la veille s’étaient si âprement combattus se sont rencontrés, ont rêvé ensemble plus qu’ils n’ont construit. Mais en rêvant ils construisaient puisqu’il n’a fallu que neuf ans pour donner corps à cette Europe dont nous parlons : la communauté des douze d’aujourd’hui. C’est une courte durée pour une oeuvre d’une telle envergure. Cette communauté existe aujourd’hui, c’est une réalité. Elle regroupe 340 millions d’habitants. Elle est la première puissance commerciale du monde. Elle pourrait être aussi au premier rang dans la plupart des domaines technologique et économique et bien entendu, culturel. Elle connaîtra un développement nouveau dans les mois et les années qui viennent. On va débattre à partir du mois de décembre prochain de l’unité économique et monétaire. On va débattre dans le même temps de notre unité politique. Nous rencontrerons beaucoup d’obstacles. Rien n’est acquis d’avance. Mais chaque étape a été jusqu’alors heureusement franchie et c’est ainsi que, le 1er janvier 1993, les frontières qui nous séparent auront disparu.
– Vous imaginez l’ampleur du pari, le risque en raison de la disparité des situations entre les peuples, et à l’intérieur de chaque peuple des groupes sociaux, professionnels, des groupes politiques ou des régions au sein d’une communauté ou le Luxembourg, l’Irlande, le Portugal disposent du même droit fondamental que des pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne ou la France. Leur veto a la même force que le nôtre. Là sont déjà réalisées les conditions de dignité, d’égalité et de souveraineté que j’évoquais il y a un moment.
– C’est une tâche difficile. Constamment, on a l’impression de buter sur l’irréalisable et pourtant depuis 1957 nous n’avons pas cessé d’avancer. Comme cela n’est pas dû à la vertu des hommes, il faut bien qu’il y ait une raison pour cela, sans doute sommes-nous contraints d’interpréter une réalité plus profonde qui commande nos intelligences et nos sensibilités sans toujours que nous le sachions, comme une prédestination, comme s’il y avait je ne sais quelle idée platonicienne qui impliquait de quelle façon l’Europe devait se comporter pour guérir de ces drames après mille ans d’histoire sanglante de grandeur et de déchirement.
C’était difficile entre l’Allemagne et la France. Nous sortions à peine d’une troisième guerre en trois quarts de siècle et les deux dernières avaient semé des ravages incommensurables. En 1948, trois ans après la guerre, nous portions nos deuils, nos chagrins, nous comptions nos morts, le sang versé à cause de ceux qui se trouvaient siéger à côté, dans cette assemblée de La Haye.
– Aujourd’hui, nous sommes alliés. Nous avons même des traités à caractère militaire. Nous venons de participer, c’était hier encore à la signature du traité qui restitue à l’Allemagne son unité et chacun sait bien qu’il faut définitivement franchir les siècles qui ont conduit l’Europe à sa propre destruction. Alors voilà nous recommençons sur un autre pied, mais en restant fidèles à l’histoire et aux valeurs qui nous ont faits. Y a-t-il une culture française ? Oui. Une culture allemande ? Certainement. Une culture anglaise ? On n’en doute pas. Une culture espagnole ? Elle est grande. Je pourrais continuer la liste longtemps, mais nous avons aussi une culture commune. Notre esprit est formé aux disciplines apprises chez les grands écrivains, les grands musiciens, les grands artistes de toutes sortes, qu’ils soient nés à Dresde, à Londres, à Bologne, à Salamanque ou à Paris. Je pourrais élargir le raisonnement à tous les pays que vous imaginez.
– Bref, les dirigeants européens se trouvent à une période aujourd’hui déterminante et je crois que, en Tchécoslovaquie, je cite : « Carrefour spirituel de l’Europe » nombreux vous êtes à partager ce sentiment dont j’ai souvent parlé avec le président Havel. Alors, sommes-nous prêts à prendre ensemble le tournant de l’unité européenne ? C’est une question que je vous pose, je n’en attends pas la réponse maintenant. Il faudra bien la donner un jour, vous et nous.
La Communauté des Douze a très vite compris que, sans abandonner les objectifs d’unification qu’elle s’est fixée pour 1993 et après, elle devait mettre sa puissance économique et sa cohésion au service de l’autre Europe dont elle est si proche et qui a subi, elle, un autre dommage à l’origine de caractère idéologique mais aussi assorti à la puissance militaire et au hasard de la guerre pour contraindre tant de peuples à perdre leur liberté en même temps qu’à descendre peu à peu tous les degrés qui devaient les conduire à une grave crise économique.
– J’ai dit tout cela il y a moins d’un an devant le Parlement européen de Strasbourg en appelant les peuples de l’autre Europe, votre peuple parmi les autres, à définir et tracer en commun avec nous une voie nouvelle pour l’Europe. Je ne ferai pas ici le catalogue des liens qui unissent maintenant les pays de la Communauté des Douze et les pays d’Europe centrale, notamment la Tchécoslovaquie. Le Conseil européen d’avril 1990 a décidé de négocier avec les pays d’Europe en question de nouveaux accords d’association prévoyant un cadre institutionnel pour le dialogue politique. Pour la Tchécoslovaquie, les discussions, les conversations commenceront cet automne. Mais au-delà des mesures commerciales, concevons une certaine façon de construire l’Europe, notre Europe, celle de la géographie et donc celle de l’histoire et celle de la culture. Nous avons déjà des instruments. On a créé récemment la Banque pour le développement et la reconstruction de l’Europe de l’Est. Cette création a été proposée par la France. Elle a été décidée en décembre 1989 par le Conseil européen de Strasbourg. Je sais le rôle qu’a joué la délégation tchécoslovaque que j’ai eu le plaisir de rencontrer à l’époque lors de la conférence constitutive de la banque. Votre pays est membre plein de cette institution européenne où chacun j’en suis sûr, tirera le plus grand profit de sa coopération avec les autres.
– Multiplions ces institutions, prenons l’habitude de travailler ensemble, n’abordons pas le droit public – et en particulier le droit constitutionnel – à la hache. Créons d’abord des réalités, ne froissons pas l’esprit national des peuples, créons à mesure que nous avançons ce dont nous avons besoin, les instruments qui nous serviront à bâtir l’Europe.
– J’ai parlé de la Communauté des Douze, c’est pour dire qu’il existe là une Europe organisée et qui fait chaque jour ses preuves. Je demande à cette Europe-là, là-bas à l’Ouest, de traiter au plus tôt, sous la forme qui sera choisie, des accords d’association. Que vous ne soyez plus une série de peuples, libérés certes de tous pouvoirs tutélaires, – heureusement pour vous – mais en même temps ayant à traiter isolément dans les difficultés et la pénurie avec les peuples les plus prospères du même continent.
– Il faut que la Communauté s’ouvre. Elle ne le pourra pas d’un coup, tant sont lourdes les contraintes que suppose la signature des traités qui nous lient.
Mais nous avons mis beaucoup d’années à procéder à des élargissements successifs. Considérons que le peuple tchécoslovaque est l’un des plus réels, des plus anciens d’Europe. Considérons que nous devons, un jour – le plus tôt sera le mieux, mais étudions les choses avec raison, sagesse et expérience – être dans les mêmes structures. Mais nous sommes déjà dans la conférence sur la Sécurité et la coopération en Europe.
– Cette conférence se tiendra au mois de novembre prochain. La CSCE est née de l’accord d’Helsinki, il y a déjà pas mal d’années. C’est encore une façon pour les deux blocs militaires de discuter. C’était le dernier lieu où nous pouvions nous rencontrer venant des deux camps ou des deux blocs. L’objet principal et immédiat était de discuter du désarmement pour essayer de sauver la paix plusieurs fois menacée. A partir de là, on a parlé économie et on ne pouvait parler de cela qu’au regard d’une certaine philosophie, philosophie des Droits de l’Homme.
– Mais ne peut-on pas aller plus loin que les accords d’Helsinki, à quoi devront tendre toutes les initiatives qui s’y feront entendre sinon à la création d’une structure pour l’Europe tout entière ? Sous des appellations différentes cette idée a fait son chemin à Prague, à Varsovie pour ne citer que deux de ceux qui ont ajouté leurs propres conceptions à celles, différentes sans doute, mais évoquées par M. Gorbatchev avec la maison commune.
Nous devons préparer pour l’avenir un type nouveau d’organisation pour tous les pays de notre continent, engagés dans l’évolution démocratique, bien entendu, dotés d’un système représentatif. Il ne s’agit pas de mêler ce qui ne peut pas l’être, mais de se retrouver, avec des droits égaux pour débattre de problèmes communs, tels que l’environnement, les transports, la technologie, la culture, en attendant que s’élargissent les horizons.
– Avec d’un côté la Communauté des Douze que nous allons développer et sans doute élargir, la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, seul endroit où se retrouvent tous les pays d’Europe : l’est et l’ouest réconciliés. On ne peut plus parler en termes de blocs. Le Pacte de Varsovie, qu’en reste-t-il ? Ce n’est pas à vous que je poserai la question. Et du côté de l’Alliance atlantique, de l’OTAN, il faut changer le contenu.
– Je constate qu’il est très difficile de ne plus avoir d’ennemis. Enfin il faut s’y faire ! Ne plus avoir d’ennemis cela désoriente certains. Est-ce que nous ne pourrions pas imaginer, aussi, que c’est à la portée de l’intelligence humaine que de réaliser un accord entre amis, les anciens ennemis s’étant réconciliés !
– Alors, au-delà des structures existantes, Communauté, CSCE, aussi Conseil de l’Europe, il faut commencer à imaginer un cénacle où les pays d’Europe, débarrassés des problèmes d’armement, et de rapports de force qui dominent encore les conversations d’aujourd’hui puissent réaliser une entente continentale qui commencera par l’ouverture d’un dialogue permanent, et ce dialogue ne sera possible que s’il existe des structures permanentes. C’est ce qui me faisait dire tout à l’heure, lors du déjeuner dit « d’Etat », que je penserais très utile de voir se réunir des hommes, des femmes venus de tous les pays d’Europe, des associations libres, pour en discuter en commun dans des assises solennelles. Discuter de ce que pourrait être cette Europe, une Europe affranchie de toutes les tutelles, au sein de laquelle chacun serait naturellement libre d’avoir ses préférences ou ses amis privilégiés.
– Ces assises, je les appelle de mes voeux autour de ce que j’ai appelé une confédération européenne. Chacun emploiera le vocabulaire qu’il préfèrera, le Président Havel s’est exprimé sur le même sujet, pas avec les mêmes mots, mais en exprimant les mêmes objectifs. Des propositions de ce type sont venues aussi de Pologne et d’ailleurs. Eh bien, puisque j’ai évoqué le congrès de La Haye en 1948, puisque j’ai dit qu’il a fallu 9 ans pour parvenir à des structures vraiment politiques, pourquoi tarder davantage ? Pourquoi ne pas imaginer, dès l’année prochaine, un vaste débat, entre Européens de toutes formes de cultures, ayant appartenu à des blocs différents, mais heureux de se retrouver pour construire en commun. Je disais à votre Président de la République, qu’en raison de sa situation historique et géographique, je voyais assez bien Prague centre d’accueil pour ces conversations. En tous cas j’y travaillerai de mon côté.
– Un peu plus d’un demi-siècle après Munich, moins d’un an après le retour de la Tchécoslovaquie à la liberté, pourquoi les destins de nos deux pays ne seraient-ils pas de nouveau étroitement associés ?.
Mais voilà que l’histoire du monde s’éclaire tout autrement, après l’antagonisme est-ouest, qui entretenait beaucoup de conflits régionaux dans le monde. On vient de le voir avec les dernières décisions du Conseil de Sécurité sur les problèmes si difficiles du Moyen-Orient où les cinq membres permanents, les Etats-Unis d’Amérique, la Grande Bretagne, la France, l’Union soviétique, la Chine ont voté les mêmes résolutions, y compris la dernière qui comporte des mesures de contraintes. Voici donc pour la première fois cette grande assemblée internationale, semble-t-il décidée, et disposant du moyen de faire obéir ses propres décisions.
– Qui aurait imaginé celà au moment de l’affaire de Cuba ou du mur de Berlin, au moment de la guerre froide ? Il y a ce conflit dans le Golfe arabo-persique. La France agit là en application des décisions des Nations unies. Elle est présente avec des forces militaires, aéronavales importantes. La situation est si difficile qu’on peut se demander si toutes les chances de la paix ne reposent pas sur la réussite de l’embargo qui n’ira pas sans douleur et sans misère. Et pourtant, c’est ce qu’il faut faire. Il faut que la loi internationale obtienne raison et autant que possible sans recours à la guerre, mais si cela devait échouer, quelle issue ? C’est là que l’on aperçoit à quel point le rôle nouveau des Nations unies, le prestige retrouvé et la capacité d’action ajoutée à la capacité de dire le droit deviennent et deviendront un élément déterminant de la protection de la paix dans le monde, dans le respect du droit international.
– Vous citant cet exemple, je suis resté dans l’actualité, mais l’on pourrait élargir ce raisonnement. Les Nations unies ont souvent adopté telle ou telle résolution. Elles n’ont pas été en mesure de se faire entendre. Elles ont donc accepté bien des injustices. Il faudra revenir là-dessus. Mais ce n’est pas parce qu’hier l’injustice a pu être commise, qu’il ne faut pas se réjouir au moment ou soudain la justice l’emporte. Je me réjouirai de voir la Tchécoslovaquie jouer son rôle et prendre sa place de plus en plus dans le concert des nations au service du droit, de la liberté, de la justice et de la paix. Et il me semble que, disant cela, j’interprète assez fidèlement ce que vous dites vous-même, ce que j’entends venir de Prague.
Mesdames et messieurs, nous avons, de France, suivi avec tant de passion les événements que vous avez vécus depuis longtemps. Nous avons vécu 1968 avec douleur nous aussi. Nous avons, je l’ai dit, admiré le courage de ceux qui ont symbolisé la lutte patriotique des Tchécoslovaques et nous pensons que vous n’avez pas épuisé vos réserves de patriotisme et d’héroïsme, que vous les appliquez à vous-même. Ce n’est pas si facile que de dominer les rivalités internes ou les rivalités ethniques. Alors que nous allons faire l’Europe, j’attends de la Tchécoslovaquie qu’elle avance sur la scène de l’histoire en respectant ses diversités, en préservant son unité. Alors, vous y pénétrerez par la grande route.
– Il suffit de peu de choses. Nous avons nous-mêmes tant de leçons à prendre depuis ces années noires que j’évoquais au temps ou la France elle-même était divisée, occupée, déchirée. Voilà nos rudes expériences. Tirons-en, mesdames et messieurs, le meilleur. Je ne ferai le leçon à personne. Nous en avons à recevoir. Echangeons nos expériences, travaillons, imaginons, rêvons et nous allons maintenant emboiter le pas sur le même chemin pour construire, je l’espère, la même maison et se retrouver à l’aise, comme on peut le faire quand on a chez soi la liberté.