La politique agricole des gouvernements de gauche entre 1981 et 1995 constitue l’essentiel de ce numéro de « La Lettre ». Ce sujet important est trop peu souvent étudié.
Est-ce par conviction que, les « paysans » votant à droite, la gauche ne peut avoir mené envers eux que des politiques méfiantes et vexatoires ? Est-ce que l’avenir de la profession d’agriculteur est un sujet dépassé ? Ces questions ont-elles échappé aux hommes politiques français au profit des « technocrates » de Bruxelles ? Pourtant le monde rural est bien vivant, plus complexe, et la politique de la gauche pas si sotte ! D’ailleurs, pendant ces deux septennats, François Mitterrand a choisi le plus souvent comme ministres de l’Agriculture des personnalités qui se sont sincèrement passionnées pour cette tâche.
L’homme du chêne et de l’olivier, celui qui avait la « passion » de la géographie de la France, qui déplorait que dans nos forêts l’on plante des résineux, plus vite rentables, plutôt que des feuillus, était le contraire exact du citadin ignorant des choses de la campagne et bêtement méprisant de la prétendue « France profonde », laquelle ne se situe pas là où on croit. Il ne jouait pas non plus à l’élu d’arrondissement pour concours agricoles et n’était pas du genre à se faire photographier au « cul des vaches ». Il avait en fait une vision moderne de ce que l’agriculture française devait devenir à l’âge européen, et des réformes nécessaires pour y parvenir, fût-ce contre les blocages d’une partie minoritaire, mais très influente, de la profession. Il avait élaboré cette vision pendant des décennies comme élu de la Nièvre, et pendant dix ans à la tête du PS.
On trouvera donc dans ce numéro plusieurs témoignages très éclairants sur cette période, à commencer par ceux de trois anciens ministres de l’Agriculture, Henri Nallet, Michel Rocard et Louis Mermaz. ¦