Après une campagne européiste conventionnelle pour les élections européennes du 25 mai et les résultats peu surprenants que l’on sait, on a pu entendre des lamentations sur les 25% du Front National rebaptisé « premier parti de France ». Le triomphalisme du FN est dans son intérêt mais pourquoi les autres lui font-ils écho ? Sur 44,6 millions d’électeurs, près de 27 millions n’ont pas voté ! Cela biaise toutes les analyses en pourcentages. Or le FN a récolté 4,7 millions de voix le 25 mai, et cela n’est pas rien, mais Jean-Marie le Pen avait déjà fait 5,5 et Marine Le Pen avait dépassé les 6 millions à des présidentielles. Il n’y a pas eu d’augmentation en voix du FN aux municipales, ni aux européennes, et donc pas de tsunami.
Le vrai problème n’est donc pas le score des extrémistes, même s’il peut choquer ou inquiéter, et pose un problème qu’il faut résoudre par une politique plus efficace que le tocsin ou la diabolisation qui ont échoué ; mais celui des eurosceptiques (sceptiques, pas hostiles) massivement majoritaires : les quelques 60% d’abstentionnistes, plus une partie de ceux qui votent par civisme.
Redisons que c’est une erreur d’amalgamer sceptiques et hostiles. On ne leur répond pas de la même façon. Malgré tout, après ce vote, les européistes les plus convaincus ont demandé comme toujours « plus d’Europe ». On croit rêver. En revanche avec les antis qui sont contre tout, pas de surprise. Restent les partis de gouvernement et les autres – presque tout le monde !
Deux attitudes possibles :
– Continuer à peu près tout comme avant ; se réjouir de la désignation de Jean-Claude Juncker, présentée comme une avancée de la démocratie par le parlement européen ; harmoniser cahin-caha, mais de façon plus souple – petit progrès -, les politiques économiques dans la zone euro, et faire ainsi le lit d’une désaffection, cette fois-ci irrattrapable, du projet européen.
– Ou alors réagir, sans craindre de s’affranchir de l’européisme rituel. Montrer que les peuples ont été entendus. Décréter alors une pause de l’intégration à 28 (mise à part l’harmonisation dans la zone euro) comme de l’élargissement, obliger dans un esprit de subsidiarité les institutions européennes à concentrer leur énergie là où elles ont une vraie valeur ajoutée par rapport au niveau national de décision démocratique qu’il faut cesser de dénigrer : la préparation de l’avenir (soutien à la formation, la recherche, l’innovation, l’écologisation, l’investissement) et le renforcement du poids de l’Europe pour en faire un acteur dans le monde (ce qui n’oblige pas à niveler les peuples à coup de directives).
On se réfère à de nombreuses formules de François Mitterrand sur l’Europe. Sortie de son contexte, une des plus célèbres, La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir peut donner l’impression que notre histoire va s’achever et que nous allons nous en remettre à l’Europe. Une autre de ses formules : une France forte dans une Europe forte, alors même qu’aujourd’hui nous n’avons ni l’une ni l’autre, est plus remobilisatrice.