La commémoration du trentième anniversaire de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, le 10 mai 1981, a tenu une large place dans l’édition : des tirés à part de journaux (Le Monde, Libération) et un grand nombre de livres.
Parmi ces derniers on peut d’abord retenir deux ouvrages écrits par des proches de l’ancien président, Roland Dumas[Roland DUMAS, Coups et blessures, Révélations sur 70 ans de vie politique, Cherche Midi, 2011.]] et Jack Lang1. De nature différente, ils se rejoignent au moins par leurs sous-titres : « 50 ans de secrets partagés » pour Dumas ; « Fragment de vie partagée » pour Lang.
Alors que Dumas apporte son propre éclairage – nourri d’indiscrétions – sur des événements dont il a été le témoin ou l’acteur pendant plusieurs décennies aux côtés de François Mitterrand, le récit de l’ancien ministre de la culture est surtout un vibrant témoignage de fidélité même s’il ne cache pas avoir eu quelques désaccords avec le Président, par exemple sur les problèmes de l’audiovisuel. Mais leur long compagnonnage leur a permis de partager quelques moments intimes. On retrouve ainsi, pour ne citer qu’eux, des moments rituels comme la Pentecôte à Solutré ou le week-end à Latche. Mais leur relation était d’abord « culturelle » et Jack Lang insiste particulièrement sur l’attention que portait François Mitterrand aux grands travaux auxquels il voulait attacher son nom :
« Mitterrand a permis aux architectes d’aller au bout de leurs idées. Qui n’étaient pas toujours les siennes. […] Botté, casqué, Mitterrand arpente les chantiers boueux, avec un entrain revigorant. Il veut tout savoir, tout comprendre. Interroge l’ingénieur, le technicien, l’ouvrier. Il veut toucher la pierre, le verre, le béton. Il s’épanouit en visiteur des premières tranches, des phases intermédiaires, sachant trop la mélancolie de l’inspecteur des travaux finis qui constate que tout s’est fait sans qu’il y comprenne rien. Ensuite, Mitterrand fait visiter, fait admirer. Même de nuit, s’il le faut. »
Au fil des pages, Lang révèle quelques échanges dont ressort la continuité de la pensée du Président en matière internationale, sur l’Europe, le Proche-Orient… Il souligne aussi combien était faux le procès fait à François Mitterrand d’avoir voulu freiner la réunification de l’Allemagne après la chute du mur de Berlin alors que, six mois plus tôt, il soulignait la vocation du peuple allemand « à réunir ses deux moitiés d’orange ».
Le livre se termine par quelques notes émouvantes sur les ultimes moments de François Mitterrand : la chambre de l’avenue Frédéric Le Play, le dernier repas à Latche me 31 décembre 1995 au terme duquel il prenait définitivement congé des siens.
« Dans la lumière d’hiver, le vieux lutteur prêt à quitter le ring ne bat pas tambour pour annoncer qu’il met fin à tout cela. Tout cela ? Les pins qui oscillent sous le vent de l’océan, la nature qui sommeille et qu’il ne verra pas reverdir, la chaleur de l’amitié qui l’a entouré une dernière fois, la veille au soir. Rien n’est dit franchement, et pourtant, tout est là, d’une clarté impérieuse. Il prévient sur un mode mineur, comprenne qui pourra, qui voudra. Et si je peux comprendre, je ne le veux pas ».
Parmi les autres livres récents qui tournent autour de François Mitterrand il faut encore signaler celui de Pierre Favier, « 10 jours en mai » (Seuil), où l’ancien journaliste de l’AFP qui a suivi de près les deux septennats apporte quelques révélations sur ce qui s’est passé entre l’élection du 10 mai 1981 et la prise de fonctions à l’Elysée le 21 mai.
Plus local mais aussi très instructif, l’ouvrage de Jean Battut, « Mitterrand le Nivernais »2, reprise d’une thèse dont il avait été question dans la Lettre.
Enfin, d’une autre nature mais fourmillant lui aussi de révélations le livre de Daniel Vaillant, « PS, 40 ans d’histoire(s) » (l’Archipel), récit vivant et souvent pittoresque de l’ascension d’un simple militant de Paris dont la rencontre et la proximité avec François Mitterrand ont fait un député puis un ministre en même temps qu’un des principaux responsables du parti socialiste auquel le président n’hésitait pas à confier des missions confidentielles car il était aussi « un ami de la Nièvre ».