François Mitterrand ne fut pas le fondateur de l’UDSR ( Union démocratique et socialiste de la Résistance), contrairement à ce que l’on dit souvent. C’est en 1947, après avoir été élu député de la Nièvre et une fois devenu ministre qu’il y adhéra.
Il est souvent présenté comme un homme qui a accumulé les adhésions politiques. En réalité, il n’appartint jamais qu’à deux formations : l’UDSR et le parti socialiste à partir de 1971. La Convention des institutions républicaines qu’il dirigea était une fédération de clubs et d’associations politiques et c’est au titre de l’UDSR qu’il y participa. Après avoir puisé aux meilleures sources, Eric Duhamel nous fait le récit du parcours politique de ce parti dont l’activité s’éteignit au début de la république gaullienne.
L’Union démocratique et socialiste de la Résistance qui fut créée en parti politique en 1946, est née de la volonté de quelques résistants de renouveler la vie politique par une formation issue de leur rang. Ses éléments fondateurs étaient les plus grands mouvements de résistance : le Mouvement de libération nationale, l’Organisation civile et militaire, Libération-Nord. Cette nouvelle organisation cherchait à concilier la fidélité au général de Gaulle avec la perspective d’un socialisme humaniste. L’ambition de ces promoteurs était de dépasser les clivages traditionnels et de couvrir le spectre politique entre la droite traditionnelle et le parti communiste. Ni les partis traditionnels, ni les gaullistes ne l’entendirent de cette oreille. L’élection de François Mitterrand à la tête de l’UDSR en novembre 1953 marque le terme d’une période de soubresauts pour cette petite formation qui prend la mesure de l’étroitesse de l’espace qui lui est laissée par ses rivaux.
En 1948, les débats du congrès de l’UDSR sont largement dominés par la question des relations avec le RPF. Les gaullistes de l’UDSR – et ils sont nombreux à cette époque – sont favorables à la dissolution de l’Assemblée nationale, ainsi que le réclame le général. François Mitterrand leur répond à la tribune « …que le fait d’être hérétique et de ne pas suivre les chemins battus ou les mouvements de foule, ou les facilités de langage, ou les promesses de l’avenir, ne fasse pas plaisir, j’en conviens mais cela ne m’en guérira pas… ». Le groupe Capitant finira par quitter l’UDSR au cours de l’année suivante.
Deux ans plus tard, François Mitterrand accède à la présidence du parti en l’emportant définitivement sur les partisans de René Pleven. Cette victoire apparaît rétrospectivement logique. Outre les défauts d’organisation des amis du président du conseil, il y a le fait que ce dernier a entériné, quand il ne les a pas favorisés, les glissements à droite de la majorité. Comprenant que la guerre d’Indochine est dans une impasse, François Mitterrand se rapproche à partir de 1953 de Pierre Mendès France, dont il va devenir le ministre de l’intérieur. Toute l’argumentation contre Pleven repose sur une idée simple : à force d’avoir internationalisé le conflit pour cause de guerre en Corée, nous nous sommes privés de jouer nos propres cartes et sans retrait d’Indochine, c’est toute l’Union française qui sera emportée. Ce souci de préserver avec les peuples africains cette Union française (sous la condition d’une profonde transformation du vieil empire colonial), François Mitterrand le manifestera lors des votes de l’Assemblée nationale sur les questions européennes avant comme après la crise de la Communauté européenne de défense. François Mitterrand pense alors que la priorité est la construction d’une République fédérale regroupant la République française et les territoires d’outre mer et que dans un second temps, ce nouvel ensemble pourra s’atteler à la construction d’une Europe politique.
Les élections législatives de janvier 1956 offrent pour l’UDSR un bilan contrasté. Si elle fait partie de la nouvelle majorité de Front Républicain, aux côtés des mendésistes, de la SFIO et de certains gaullistes, elle sort laminée du scrutin. Cet échec, estimera plus tard François Mitterrand devant l’auteur, « est la conséquence fâcheuse d’une bonne initiative. Les grands partis n’ont pas renoncé à leur primauté et nous étions trop faibles pour imposer nos candidats. J’ai du moins appris qu’à l’avenir, il ne fallait plus être le plus faible ».
Le gouvernement Guy Mollet allait se fracasser sur l’intensification de la guerre en Algérie. Pendant toute cette période, l’UDSR ne se départit jamais de ses conceptions libérales qui avaient les siennes, lorsqu’il s’était agi de nouer un accord avec le RDA de Félix Houphouët-Boigny. Elle défendit une république fédérale comprenant un Etat fédéral algérien. Le projet aurait évidemment été plus marquant, si le double blocage constitué par la radicalisation des deux camps n’avait conduit le régime à sa perte.
Tout l’intérêt de ce livre intelligent est de dégager du Mitterrand des années 1950 quelques traits de permanence qui lui serviront après l’avènement de 5ème République, comme si cette UDSR, maintenant bien oubliée, avait été un laboratoire politique de première grandeur.