Le Droit au travail et critique du Revenu minimum d’existence, p. 353 :
Droit au travail ou Revenu universel d’existence ?
Martine Charrier. En avril 1997, trois ans après Le Retour du citoyen, vous publiez un
livre au titre ambitieux : Droit au travail. Manifeste pour une nouvelle politique.
Nous en avons déjà lu l’Avant-propos, intitulé « Écrire », à l’émouvante
tonalité autobiographique, dans un chapitre précédent. Il faut maintenant entrer
dans le sujet lui-même ; s’interroger sur la signification de l’oeuvre au
moment de sa parution, et sur sa pertinence vingt ans après. Or, votre essai
est complexe : il raconte l’invention du Droit au travail ; il y ajoute une réflexion
de fond sur le chômage de masse qui s’est peu à peu développé depuis
les années 1980 ; et il préconise des mesures pour relancer la création d’emplois,
à partir d’une politique de développement local. Évidemment, votre expérience
à la tête des Comités de bassin d’emploi nourrit cette analyse. Mais
il ne s’agit pas seulement d’un essai sur la lutte contre le chômage, comme il
en paraissait tellement durant cette période. Même s’il s’appuie sur de solides
connaissances et une pratique, celle du fondateur de la Maison des entreprises,
ce n’est pas un livre technique, encore moins une compilation de
bonnes recettes ou un programme clé en main. Manifestement, comme en
1994, sur le thème de l’Aménagement du territoire, vous avez décidé de parler
haut et fort sur le principal sujet de préoccupation des Français : l’emploi. Je
voudrais aller plus loin. Dans quel état d’esprit avez-vous rédigé ce livre ?
Quel a été votre objectif ?
Gérard Delfau. Le sous-titre : Manifeste pour une nouvelle politique répond largement
à votre interrogation. Au moment où je publie cet ouvrage, nous sommes
en avril 1997. Jacques Chirac a été élu Président de la République, deux ans
auparavant, sur le thème de la « Fracture sociale ». Or le gouvernement Juppé,
qu’il a nommé, mène une politique conservatrice, en contradiction avec ce
mot d’ordre ; ce qui a déclenché des mouvements sociaux d’une très grande
ampleur. Pour reprendre la main, le Président de la République provoque de
nouvelles élections législatives, qu’il va perdre1. Quant à la gauche que nous
avons laissée dans la mauvaise passe de 1993, elle s’est peu à peu ressaisie.
Lionel Jospin est devenu Premier secrétaire du PS. Il s’est incliné honorablement,
lors de la présidentielle. L’espoir d’une alternance est donc à nouveau
possible. Et c’est dans cette perspective que je me place, pendant que j’écris,
durant l’année 1996, sans me douter bien sûr que les échéances électorales
sont si proches. Pour résumer d’une formule, Droit au travail est à la fois une
thérapie pour moi, et une contribution au programme d’une gauche, dont je
souhaite qu’elle revienne rapidement au pouvoir. La préface de Laurent Fabius
explicite d’ailleurs cette dimension.