François Mitterrand et l’Afrique : nous avons pensé à « La Lettre » que ce sujet méritait un dossier. En effet, les événements de Côte d’Ivoire, après d’autres, ravivent les interrogations sur le principe même d’une politique de la France en Afrique. En même temps l’idée d’une vraie politique africaine de l’Europe, relais espéré par certains, apparaît elle aussi comme problématique, mise à part l’aide au développement.
Dès qu’il l’a découverte en 1950, François Mitterrand a vraiment aimé l’Afrique. Elle a été politiquement révélatrice pour lui dès son arrivée au ministère de la France d’outre-mer. Et elle est toujours restée importante à ses yeux. Cela ressort de tous ses écrits, comme de tous les témoignages. À travers les multiples textes ici rassemblés, on reparcourra les différentes étapes de son évolution. Celle où il croit encore que le colonialisme est réformable. Celle où il comprend qu’il ne l’est pas. Ses initiatives hardies et ses interrogations dans le cadre de cette IVe République déjà travaillée par les fièvres de la décolonisation. L’époque du PS et de l’Internationale socialiste. Et ses deux septennats comme Président : on retrouvera à travers les textes nombreux et inédits réunis dans cette « Lettre » la façon dont il a assumé, ouvert et modernisé la relation France-Afrique, sa politique dans les affaires du Tchad, ou du Rwanda[J’ai écrit dans « La Lettre » du [8 juin 2004 ce que je pensais de la façon incroyable dont la politique française au Rwanda est souvent présentée.]]. On se remémorera ses conceptions d’avant 1989, quand la guerre froide pesait encore, y compris en Afrique, et la façon dont il a saisi, avec le discours de La Baule en 1990, l’opportunité d’amorcer le tournant de l’encouragement à la démocratie. Ainsi que la création des sommets francophones. Et le lancement en 1989 à Dakar, à son initiative, lors du troisième d’entre eux, du mouvement d’annulation de la dette des pays pauvres, poursuivi par Jacques Chirac et enfin par tout le G8. Bien d’autres épisodes sont évoqués ci-après par d’anciens ministres, conseillers ou hauts fonctionnaires et par le président Abdou Diouf
Je me souviens aussi de son émouvant voyage au Cap en juillet 1994, en dépit de sa maladie, Nelson Mandela ayant insisté pour qu’il soit le premier chef d’État occidental à venir en visite officielle dans la nouvelle Afrique du Sud.
François Mitterrand a toujours cru à une communauté France-Afrique et oeuvré en ce sens, quel que soit son nom. Il n’y a jamais vu de contradiction avec son engagement européen. Est-ce que cela ne relève plus que de l’histoire, ou encore de l’actualité et du projet politique d’avenir ? Ce numéro a pour objet de contribuer à cette réflexion en France et en Afrique.