« Pour empêcher cette anarchie, pour exclure la raison du plus fort, pour éviter aussi qu’une alliance des puissants n’impose un ordre dans lequel les autres ne se reconnaîtraient pas, je ne sais d’autre réponse que le droit. »
François Mitterrand
En 1981, alors qu’en France François Mitterrand accédait à la magistrature suprême, le monde sortait de la Détente pour entrer dans, ce que certains ont parfois appelé, la « Guerre fraîche ». Touchée en son cœur par des mouvements de contestation centripètes et centrifuges, l’U.R.S.S. apparaissait comme un animal blessé, qui pis est, sans tête depuis la mort de Leonid Brejnev en 1982 et la valse des secrétaires généraux du P.C.U.S. qui suivit (lui succédèrent Iouri Andropov, puis Konstantin Tchernenko, avant que la situation se stabilise avec la nomination du benjamin du Politburo, Mikhaïl Gorbatchev, en 1985). Moscou reprit sur tous les continents une politique expansionniste et l’Armée rouge, aidée par ses sicaires dans les « Pays frères », réprima impitoyablement tout récalcitrant à l’ordre soviétique. Mais, l’U.R.S.S. était un colosse aux pieds d’argile qui commença à s’effriter avant de s’effondrer. Le « monde nouveau » naquit le 25 décembre 1991 lorsque Mickaël Gorbatchev démissionna de son poste de Président de l’U.R.S.S.
Réélu en 1988, les deux mandats présidentiels de François Mitterrand se situèrent à la césure entre le monde bipolaire et ce « nouvel ordre mondial »1
Durant son premier septennat, face à la confrontation Est-Ouest, et dans le sillage de ses prédécesseurs, la « règle d’or » du Chef de l’Etat français avait été la promotion d’une politique d’équilibre.2 Désormais, il se prononçait en faveur d’un ordonnancement de la société internationale autour et sur la base du droit international. Ce choix s’expliquait non seulement par un tropisme personnel et ancien pour cette matière mais aussi pour des raisons géopolitiques.
Un tropisme personnelpour le droit international
Si l’élection à la présidence de la République française de François Mitterrand n’avait pas particulièrement entraîné l’enthousiasme des chancelleries étrangères3,l’alternance ne pouvait que susciter la curiosité des juristes internationalistes.
En effet, le nouveau Chef de l’Etat s’était toujours volontiers affiché en « homme de l’universel »4
De même, alors qu’il avait été l’élève du Professeur Jules Basdevant, grand internationaliste et ancien Président de la Cour internationale de Justice, François Mitterrand avait expliqué à de multiples reprises avoir été tenté par l’enseignement du droit international public5 !
Ce tropisme personnel en faveur du droit des gens allait-il se répercuter dans la politique extérieure définie et suivie par le quatrième Président de la Vème République ? En tout cas, dès son élection à la magistrature suprême, une certaine continuité avec la politique extérieure fixée par le général de Gaulle et poursuivie par ses successeurs put être observée6.
A ce sujet, au journaliste Alain Duhamel qui lui demandait si les gaullistes approuvaient sa politique extérieure, le Président François Mitterrand (jadis « opposant catégorique » au général de Gaulle)7.
Jacques Foccart (que l’on ne peut soupçonner de « mitterrandôlatrie ») concéda lui-même : « sur des questions essentielles comme l’indépendance nationale, nous, les gaullistes, il a pu nous arriver de nous sentir plus proches de Mitterrand que de certains de nos alliés centristes »8 !
Certes, le Président de la République socialiste reprit à son compte une politique extérieure basée sur l’indépendance nationale9 mais il ne fut jamais aussi hostile au « machin » que le général de Gaulle l’avait été (même si, reconnaissons-le, ce dernier s’était rapproché de l’O.N.U. à la fin de son décennat). Au début de son mandat, le Président Georges Pompidou s’était montré plus ouvert que son prédécesseur avant de se heurter à l’Organisation mondiale à cause des essais nucléaires français dans le Pacifique. Conscient de la perte de puissance de la France, c’est le Président Valéry Giscard d’Estaing qui avait abandonné une « politique de grandeur » pour une « politique d’influence »dans le cadre multilatéral offert par l’O.N.U.
En décidant, en mars 1978, de mettre à la disposition de la F.I.N.U.L. un contingent de soldats français, le troisième Président de la Vème République avait fait directement participer, pour la première fois de son Histoire, la France à une opération de maintien de la paix. « Croyant] dur comme fer aux vertus (…) du droit international »10, le Président François Mitterrand n’eut aucune réticence à poursuivre et approfondir cette évolution. Ses deux septennats se situant à unecésure des relations internationales, il put même tirer toutes les conséquences de l’avènement d’un monde unipolaire en faisant du respect et de la promotion du droit international l’axe central de l’ensemble de sa politique extérieure.
L’affirmation et la promotion du droit international, une nécessité géopolitiquepour la France
Bien que son aura internationale se soit érodée, la France n’entend absolument pas rester sur l’Aventin mondial. Elle se veut toujours porteuse d’un message universel. Homme féru d’histoire et de littérature, François Mitterrand ne pouvait oublier le recueil de poèmes Les Regrets dans lequel Joachim du Bellay célébrait la « France, mère des arts, des armes et des lois »11.
Dans un élan mystique et messianique, le Chef de l’Etat avait d’ailleurs eu l’occasion d’évoquer une « France (…) porteuse d’un peuple élu »12.
Avec la chute du Rideau de fer, ce pays ne pouvait plus asseoir sa puissance en s’érigeant en médiateur entre l’Ouest et l’Est comme elle l’avait fait depuis 194713.
Valéry Giscard d’Estaing puis François Mitterrand (comme plus tard Jacques Chirac et vraisemblablement son successeur Nicolas Sarkozy) comprirent que la France ne pourrait conserver une influence qu’à travers la promotion du droit international et l’affirmation du multilatéralisme14. En effet, membre permanent du Conseil de sécurité de l’O.N.U. mais aussi membre actif de l’O.T.A.N., du G 8, de l’U.E. ou encore du Conseil de l’Europe, de la zone euro, de l’espace Schengen, de l’O.I.F., de la C.O.I., de l’O.M.C., de l’O.C.D.E., etc., la France peut véhiculer au sein de ces instances une certaine idée des relations internationales.
Cette position française est d’autant plus bénéfique en terme d’influence qu’elle constitue une alternative à l’actuel système international inorganisé et transcendé par l’unilatéralisme américain. A un (dés)ordreengendré par l’hégémonisme des Etats-Unis, la France propose donc un ordre enfanté par l’équilibre multilatéral et le respect des normes internationales.
D’ailleurs, il convient de noter que le Président François Mitterrand a poussé au maximum cette primeur du multilatéralisme dans le cadre de la construction européenne. La volonté de puissance française s’y marque dans le choix de bâtir une « Europe puissance ». Or, force est de constater que derrière ce concept, la France n’a d’autres ambitions que de perpétuer sa propre influence mondiale (pour paraphraser Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du Président des Etats-Unis, Jimmy Carter, « [à] travers la construction européenne, la France vise la réincarnation »15).
Le maintien d’une influence française par la promotion du droit international
La naissance d’un monde unipolaire força donc la France à achever le tournant qu’elle avait commencé à négocier sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en optant pour une « politique d’influence »
et en intégrant pleinement le système de sécurité collective. En effet, le Président François Mitterrand décida d’inscrire l’ensemble de son action extérieure dans le cadre des Nations Unies. Le _1 janvier 1992, pour la première fois de son histoire, se tenait, à New York, une réunion du Conseil de sécurité au sommet convoquée sur proposition du Président français16.
Le but de cette réunion était de discuter de l’après Guerre froide et du rôle de l’O.N.U. dans le « Nouvel ordre international ». A cette occasion, le Chef de l’Etat déclara : « la Charte des Nations Unies (…) a été longtemps bloquée (…), et pourtant, désormais, elle est utilisable dans toutes ses dispositions qu’il faut mettre en pratique sans délai »17.
C’est précisément ce que le Président de la République avait fait afin de gérer la crise du Golfe en 1990. Pour résumer la position française, il avait d’ailleurs expliqué : « Notre politique est la politique des Nations Unies »18.
Certes, il souhaitait que la France fasse partie de la coalition que le Président des Etats-Unis, George Bush Senior, commençait à monter, non seulement par solidarité envers ses alliés mais aussi car, à l’orée d’un nouveau monde unipolaire, elle devait défendre son rang et, surtout, son siège au Conseil de sécurité19.
Sur cette base, le Président François Mitterrand était décidé, s’il le fallait, à utiliser la force pour rétablir la légalité internationale mais uniquement dans le respect du cadre onusien20. Conformément à l’ultimatum fixé, les troupes irakiennes devaient avoir évacué le territoire de l’Emirat du Koweït avant le 15 janvier 1991. Or, à cette date, Saddam Hussein n’avait toujours pas ordonné de retrait. Le 16 janvier 1991, le Président François Mitterrand signa l’autorisation d’engagement des forces françaises dans le conflit. Conduite par le Président de la République française afin d’assurer le respect du droit international, la Deuxième guerre du Golfe s’inscrivit pleinement dans la nouvelle politique juridique extérieure de la France axée sur l’affirmation, le respect et la protection du droit des gens.
Face aux autres crises et conflits du nouveau monde, le Président François Mitterrand appela sans cesse l’O.N.U. à jouer un rôle et s’attela à l’y aider. Par exemple, au Cambodge, la France participa au processus de normalisation entrepris sous l’égide de l’O.N.U. et de l’A.S.E.A.N. Ce processus conduira à la réunion de la 2ème conférence de Paris en octobre 199121.
Parallèlement, promoteur invétéré de la paix, François Mitterrand se prononça en faveur du désarmement22 (convention que le Président de la République ratifia le 2 mars 1995).
De même, dans le cadre du « Plan global de maîtrise des armements et de désarmement » présenté devant les Nations Unies, le 3 juin 1991, le Chef de l’Etat annonça l’adhésion de son pays au Traité de Non-Prolifération nucléaire (la France signa ce traité le 3 août 1992). Entre-temps, le 6 avril 1992, il avait décidé proprio motude suspendre pour un an les essais nucléaires français23.
« [J]’ai voulu que la France fût en première ligne partout où l’on débattait des droits de l’Homme »24. Dans les années 1980, la France laissa de côté le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats pour se doter d’une véritable diplomatie des droits de l’Homme.
L’acte fondateur de cette nouvelle politique fut l’acceptation par François Mitterrand, le 2 octobre 1981, du recours individuel devant la Commission européenne des droits de l’Homme25.
Désormais, les autorités françaises avaient décidé de donner leur sentiment sur les violations des droits de l’Homme de par le monde. Ainsi, estimant que « la liberté (…) est, comme le pain, existentielle »26, le Président François Mitterrand n’hésita pas à évoquer le sort du Professeur Andreï Sakharov devant l’ensemble des dirigeants soviétiques en juin 1984
27.
En 1987, le Président de la République accepta de se rendre au colloque Droit et morale humanitaire organisé par docteur Bernard Kouchner et le Doyen Mario Bettati. Il y développa un discours favorable au droit d’assistance humanitaire28. Dans son article J, cette « résolution » demandait la reconnaissance internationale du droit à l’assistance humanitaire. Dans son dernier article, elle enjoignait au Président de la République de porter cette résolution à la connaissance des Nations Unies et des gouvernements étrangers.
Le 29 septembre 1988, le Chef de l’Etat lança un appel en ce sens à la tribune de l’Assemblée générale : « défendons (…) plus que jamais les Droits de l’Homme, des plus anciennement reconnus aux plus nouveaux. Droits de l’Homme, droits des peuples, droits de l’humanité. Il convient aujourd’hui, devant certaines situations d’urgence, de détresse ou d’injustice extrême d’affirmer un «droit d’assistance humanitaire»»29.
Durant son second septennat et sous son impulsion, la France fut d’ailleurs à l’initiative de nombreuses résolutions commençant à bâtir ce droit d’assistance humanitaire. Ainsi, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 8 décembre 198830.
Le 2 avril 1991, la France demanda même une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour condamner la répression des Kurdes par les forces irakiennes aux ordres du Président Saddam Hussein.
Le 5 avril, le Conseil de sécurité vota la résolution 688 par laquelle il insistait« pour que l’Irak permette un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d’assistance dans toutes les parties de l’Irak et qu’il mette à leur disposition tous les moyens nécessaires à leur action »31.
Dans le sillage de cette résolution 688, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France lancèrent l’opération Provide Comfort (opération Libage pour la partie française) dans le but d’instaurer une zone de sécurité au nord de l’Irak visant à protéger les populations kurdes32.
Le 14 juillet 1991, le Président François Mitterrand se félicita que son pays ait été à l’initiative de cette évolution du droit international :« la France (…) a pris l’initiative de ce nouveau droit assez extraordinaire dans l’histoire du monde, qui est une sorte de droit d’ingérence à l’intérieur d’un pays, lorsqu’une partie de la population est victime d’une persécution »33.
Le droit d’ingérence,devoir d’assistance humanitaire
Selon Hubert Védrine, le Chef de l’Etat était sincèrement favorable au « droit d’ingérence » mais seulement lorsqu’il était perçu comme un devoir d’assistance humanitaire34.
En effet, fidèle aux enseignements de ses maîtres de la Faculté de Droit de Paris et conscient d’abus potentiels, le Président François Mitterrand était rétifà passer outre l’article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies même pour venir en aide à un peuple en danger. D’ailleurs, à Bernard Kouchner qui était devenu son Ministre chargé de l’Action humanitaire et qui le pressait d’intervenir militairement en ex-Yougoslavie, le Chef de l’Etat répondit : « [l]e droit d’ingérence n’existe pas »35.
Enfin, dans une perspective prospective, le Président François Mitterrand se déclara en faveur d’un approfondissement et d’une extension ratione materiae des règles de droit international : « [l]e moment n’est-il pas venu de prendre conscience qu’il existe des droits de l’humanité et de les définir ? Je songe à la défense de notre milieu naturel, face aux exigences parfois irresponsable de l’économie (…) je pense aussi à la défense de l’espèce, de l’espèce humaine (…) face aux possibilités vertigineuses de la science et, notamment, de la génétique »29.
Il se prononça ainsi pour la promotion des normes sociales internationales (le 2 juin 1982, il fut même le premier Président de la République française à prendre la parole devant la conférence de l’O.I.T. à Genève36.
A la fin de son mandat alors que le journaliste Frantz-Olivier Giesbert lui demandait ce qu’il aimerait que l’on retienne de ses deux septennats, le Président François Mitterrand répondit : « [q]ue j’ai été un président équitable (…); que mes deux septennats furent [une] période de paix (…) ; qu’enfin la France a (…) tenu son rang, celui d’une des premières nations du monde »37.
Effectivement, du 21 mai 1981 au 17 mai 1995, François Mitterrand permit à la France de « tenir son rang ». Il le fit en réorientant la politique extérieure de son pays dans le sens de l’affirmation du droit international. Sur la base de son tropisme personnel pour cette matière et eu égard aux réalités géopolitiques de l’époque, il en fit un instrument du maintien d’une influence française dans le monde.
Dans sa droite ligne, son successeur, le Président Jacques Chirac approfondit cette position jusqu’à s’opposer avec force à la Troisième guerre du Golfe en 2003.
- Selon l’expression du Président George Herbert Walker BUSH, Address Before a Joint Session of the Congress on the Persian Gulf Crisis and the Federal Budget Deficit, September 11, 1990.]] dominé par les Etats-Unis d’Amérique. Marqué par une résurgence des nationalismes, des phénomènes de prolifération étatique et d’accroissement d’un terrorisme international de masse, cet « ordre » s’avéra rapidement être très relatif. Fort de ce constat, devant la 45ème Assemblée générale des Nations Unies, le Président François Mitterrand, lança aux déléguésde toutes les nations : « [j]e vous prie d’entendre (…)l’avènement du droit (…) l’heure est venue du règne de la loi internationale. »[[ MITTERRAND (F.), Discours…, op. cit., 24 septembre 1990.
- MITTERRAND (F.), Interview télévisée du Président de la République, Palais de l’Elysée, 9 décembre 1981 ; voir aussi Allocution du Président de la République à l’occasion de la présentation de ses vœux aux Français, Palais de l’Elysée, 1 décembre 1982 ; Allocution du Président de la République devant la 38ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, New York, 28 septembre 1983.
- ATTALI (J.), Verbatim, Paris, Fayard, 1993, t. 1 : Chronique des années 1981-1986, p. 18 ; FRANK (R.), « “L’effet Mitterrand” à l’étranger (1981-1982) : un “état de grâce”, un jeu de miroir et une politique extérieure de l’image », in BERSTEIN (S.), MILZA (P.), BIANCO (J.-L.) (dir.), François Mitterrand – Les années du changement (1981-1984), Actes du colloque « Changer la vie, les années Mitterrand 1981-1984 », organisé par l’Institut François Mitterrand et le Centre d’histoire de l’Europe du XXe siècle (F.N.S.P.) les 14, 15 et 16 janvier 1999, Paris, Perrin, 2001, pp. 113-137.
- LACOUTURE (J.), Mitterrand – Une histoire de Français, Paris, Seuil, 1998, t. 2 : « Les vertiges du sommet », p. 50 ; MITTERRAND (F.), WIESEL (E.), Mémoire à deux voix, Paris, Ed. Odile Jacob, 1995, p. 206.]] et avait déclaré à de multiples reprises dans le passé son goût pour l’étude du droit international public. Pour preuve, dans une lettre adressée à sa cousine, Clairette Sarrazin, en date du 8 février 1938, le jeune François Mitterrand avait écrit : « [j]e me passionne pour des études de droit des gens, (…), et je passe en revue les notions de souveraineté, d’individualisme, d’étatisme, avec l’impression (fausse évidemment) de tout remettre en question. »[[Cité in LEGRAND (C.), LEGRAND (J.) (dir.), Chronique de l’Histoire – Mitterrand, Bassillac, Jacques Legrand S.A. Ed. Chronique, 1998, p. 30 ; voir aussi ADLER (L.), L’année des adieux, Paris, Flammarion, 1995, p. 93 ; JOUVE (P.), MAGOUDI (A.), François Mitterrand – Portrait total, Paris, Carrère, 1986, p. 185.
- MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République devant la C.I.J. en séance solennelle, La Haye, 7 février 1984.]]. À la Libération, jeune avocat, il avait également assisté à des séances du Tribunal militaire international de Nuremberg.[[VEDRINE (H.), Les mondes de François Mitterrand – A l’Elysée (1981-1995), Paris, Fayard, 1996, p. 576.]] Lors de sa visite au Palais de la Paix en tant que Président de la République française, le 7 février 1984, il avait même avoué devant les quinze juges de la Cour internationale de Justice « rencontrer une certaine part de [lui]-même »[[MITTERRAND (F.), Allocution…, op. cit., 7 février 1984.
- KRIEGEL (A.), « François Mitterrand diplomate », Pol. int., 1982, n° 16, p. 19.]]. D’aucuns évoquèrent même un retour à un style et à une approche plus gaullistes par rapport au Président Valéry Giscard d’Estaing[[MOÏSI (D.), « De Mitterrand à Chirac », Pol. étr., 1995, p. 850 ; HOFFMANN (S.), « La politique internationale de Mitterrand ou le gaullisme sous un autre nom », in HOFFMANN (S.), ROSS (G.) (dir.), L’expérience Mitterrand – Continuité et changement dans la France contemporaine, Paris, P.U.F., 1988, p. 376.
- Selon les propres mots de François MITTERRAND (F.), Ma part de vérité – De la rupture à l’unité, (1969), Paris, Ed. Rencontre, 1996, p. 45.]] répondit : « [q]u’entendez-vous par gaullistes ? Nombreuses sont les variétés. Je connais des gaullistes qui le sont pour de bon. Des gaullistes qui ne le sont qu’à moitié, et des gaullistes qui ne le sont pas du tout. Ceux qui le sont pour de bon approuvent ma politique dans la mesure où elle continue (du moins dans mon esprit) celle du général de Gaulle. Ce qui arrive assez souvent »[[MITTERRAND (F.), Interview du Président de la République publiée dans « Le Point », 10 novembre 1986.
- FOCCART (J.), Foccart parle -Entretiens avec Philippe Gaillard, Paris, Fayard/Jeune Afrique, 1997, t. II, p. 504.
- MITTERRAND (F.), Réflexions sur la politique extérieure de la France, Paris, Fayard, 1986, p. 7.
- DUHAMEL (A.), De Gaulle – Mitterrand – La marque et la trace, Paris, Flammarion, 1991, p. 79.
- DU BELLAY (J.), Les Regrets – Les Antiquités de Rome, Paris, Gallimard, 1996, p. 74.
- MITTERRAND (F.), Ma part de vérité…, op. cit., p. 24.
- KESSLER (M.-C.), CHARILLON (F.), « Un “rang” à réinventer », in CHARILLON (F.) (dir.), La politique étrangère – Ruptures et continuités, Paris, Doc. f., 2001, p. 102 et passim.
- MACLEOD (A.), VOYER-LEGER (C.), « La France – D’une puissance moyenne à l’autre », Et. int., mars 2004, n° 1, vol. XXXV, p. 86 ; SUR (S.), « La puissance et le rang revisités », A.F.R.I., 2000, p. 274.
- BRZEZINSKI (Z.), Le grand échiquier – L’Amérique et le reste du monde, Paris, Ed. Bayard, 1997, p. 91.
- Voir MITTERRAND (F.), Allocution radio télévisée du Président de la République, Paris,3 mars 1991.
- MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République au Conseil de sécurité des Nations Unies, New York, 31 janvier 1992 ; Pour un récit de ce sommet : BOUTROS-GHALI (B.), Mes années à la maison de verre, Paris, Fayard, 1999, pp. 40-47.
- MITTERRAND (F.), Discours…, op. cit., 24 septembre 1990.]]. Absoluta sententia expositore non indiget… Tout au long de la crise, il s’était inscrit résolument dans une démarche légaliste : sa ligne directrice était « le rétablissement du droit international violé par l’Irak »[[MITTERRAND (F.), Déclaration et conférence de presse du Président de la République, Palais de l’Elysée, 9 août 1990.
- MITTERRAND (F.), Conférence de presse du Président de la République, Paris, 6 septembre 1990.]]. Mais, fidèle au principe de règlement pacifique des différends, il estimait que la guerre devait rester l’ultima ratio[[MITTERRAND (F.), Discours…, op. cit., 24 septembre 1990.
- LANXADE (J.), Quand le monde a basculé, Paris, NiL Ed., 2001, p. 52.]]. Cette autorisation de recourir à la force fut donnée par le Conseil de sécurité à travers la résolution 678 adoptée sur le fondement du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies[[C.S.N.U., résolution 678 du 29 novembre 1990, S/ RES/678 (1990).
- MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République à l’ouverture de la Conférence de paix sur le Cambodge, Paris, le 23 octobre 1991.]] et à la signature d’accords pour un règlement politique général du conflit[[Voir ISOART (P.), « L’autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge », A.F.D.I., 1993, pp. 157-177 ; voir aussi DUMAS (R.), Le fil et la pelote, Paris, Plon, 1996, pp. 435 et s.]]. Plus généralement, le Chef de l’Etat exigea un mandat du Conseil de sécurité pour toutes les opérations extérieures entreprises par les armées françaises[[VEDRINE (H.), Les mondes…, op. cit., pp. 701-702.]]. D’ailleurs, sous sa titulature, la France participa à de nombreuses opérations de maintien de la paix sous toutes les latitudes de la planète. Comme le journaliste Jacques Isnard l’observa, « [j]amais avant lui, les armées françaises n’avaient autant arboré les couleurs des Nations Unies »[[ISNARD (J.), « La dissuasion, c’est moi », Le Monde, 11 mai 1995, n° spécial : « François Mitterrand, artisan de son destin », p. XII.
- MITTERRAND (F.), Discours prononcé par le Président de la République sur la base aérienne de Creil, 15 mars 1988.]]. En 1984, sous son impulsion, la France est ainsi devenue partie à la Convention du 10 avril 1972 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction. Pour preuve, en 1989, une conférence pour relancer les négociations sur le désarmement chimique fut organisée à Paris[[MITTERRAND (F.), Discours du Président de la République à la conférence internationale de Paris sur l’interdiction des armes chimiques, Paris, 7 janvier 1989.]] et, en 1993, la France accueillit la cérémonie de signature de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et sur leur destruction[[MITTERRAND (F.), Discours du Président de la République à l’occasion de la signature de la Convention d’interdiction des armes chimiques, Paris, 1_ janvier 1993.
- MITTERRAND (F.), Interview du Président de la République accordée à T.F.1, Antenne 2, Europe 1, France-inter et R.T.L., Paris, 12 avril 1992.]],avant de les arrêter définitivement en mai 1994[[MITTERRAND (F.), Intervention du Président de la République sur la politique de défense de la France, Paris, 5 mai 1994.
- MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République à l’occasion du colloque « Droit et morale humanitaire », Paris, 26 janvier 1987.
- Voir COHEN-JONATHAN (G.), « La reconnaissance par la France du droit de recours individuel devant la Commission européenne des droits de l’homme », A.F.D.I., 1981, pp. 268-285.
- MITTERRAND (F.), Interview du Président de la République accordée à « L’Express » du 14 juillet 1989, Palais de l’Elysée.
- MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République à l’occasion du dîner officiel au Kremlin, Moscou, 21 juin 1984 ; FAVIER (P.), MARTIN-ROLAND (M.), La décennie Mitterrand – 2. Les épreuves (1984-1988), Paris, Ed. du Seuil, 1991, pp. 224-226.]]. De même, son Ministre des Relations extérieures, Claude Cheysson, s’en était auparavant pris vertement au général Augusto Pinochet (alors à la tête du Chili) en déclarant qu’il« représent[ait] une malédiction pour son peuple »[[CHEYSSON (C.), Réponse du Ministre des Relations extérieures à Q.E. Estier, J.O.-A.N.-C.R., 19 mai 1983, p. 1158.
- MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République à l’occasion du colloque « Droit et morale humanitaire », Paris, 26 janvier 1987 ; voir aussi Discours du Président de la République lors de la cérémonie d’entrée de René Cassin au Panthéon, Paris, 5 octobre 1987.]]. La conférence fut conclue par l’adoption d’une « Résolution sur la reconnaissance du devoir d’assistance humanitaire et du droit à cette assistance »[[BETTATI (M.), KOUCHNER (B.), Le devoir d’ingérence. Peut-on les laisser mourir ?, Paris, Denoël, 1987, pp. 291-292.
- MITTERRAND (F.), Discours du Président de la République devant l’Assemblée générale des Nations Unies, New York, 29 septembre 1988.
- A.G.N.U., Assistance humanitaire en cas de catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre, résolution 43/131 du 8 décembre 1988.]], la résolution 43/131 proclama que le principe du libre accès aux victimes ne devait être entravé ni par l’Etat d’accueil ni par les Etats voisins. De même, la résolution 45/100 du 14 décembre 1990, comme la résolution 46/182 du 19 décembre 1991 (et le texte annexé), renforcèrent le principe du libre acheminement de l’assistance humanitaire[[A.G.N.U., Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre, résolution 45/100 du 14 décembre 1990 ; Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence de l’O.N.U., résolution 46/182 du 19 décembre 1991.
- C.S.N.U., résolution 688 du 5 avril 1991, S/RES/688 (1991).
- BETTATI (M.), « Intervention, ingérence ou assistance ? », R.T.D.H., 1994, pp. 343-345.
- MITTERRAND (F.), Interview du Président de la République accordée à T.F.1, Antenne 2, F.R.3 et La Cinq, 14 juillet 1991.
- VEDRINE (H.), Les mondes…, op. cit., p. 543.
- Cité in KOUCHNER (B.), Ce que je crois, Paris, Grasset, 1995, p. 50.
- MITTERRAND (F.), Discours du Président de la République devant la conférence de l’O.I.T., Genève, 2 juin 1982.]]). Il tenta aussi de mettre en avant la diversité culturelle[[MITTERRAND (F.), Allocution prononcée par le Président de la République lors de l’installation de l’Académie universelle des cultures au Musée du Louvre, Paris, 29 janvier 1993.]] (par exemple, en 1993, il soutint fermement « l’exception culturelle » dans le cadre du G.A.T.T.). Il souhaita en outre un approfondissement des normes internationales relatives à la défense de l’environnement[[Voir p. ex. MITTERRAND (F.), Intervention du Président de la République lors de la conférence des chefs d’Etats et de gouvernement sur l’environnement, La Haye, 11 mars 1989.]] et s’engagea à lutter contre les pandémies au premier rang desquelles le sida[[MITTERRAND (F.), Allocution du Président de la République sur la nécessité d’une coopération internationale dans la lutte contre le sida, Paris, 16 mai 1989.
- MITTERRAND (F.), Interview du Président de la République accordée au journal « Le Figaro », Palais de l’Elysée, 8 septembre 1994.