Plusieurs occasions se sont présentées ces dernières semaines de rappeler le souvenir de François Mitterrand.
Par exemple, lors de la nomination du nouveau ministre de la culture en juin dernier, « Le Monde » traçait un portrait de lui en soulignant que si son entrée au gouvernement « ne répondait pas aux classiques dosages partisans », son atout était de « porter un nom magique aux yeux du Président : Mitterrand. »
En août dernier, « Le Nouvel Observateur » consacrait une double page à « l’été 1981 », au lendemain donc de l’élection de François Mitterrand à l’Elysée que Serge July célébrait avec lyrisme dans « Libération » : « Dire que le bonheur est rayonnant, qu’il irradie toute la classe politique est peu dire. Ce bonheur fonctionne évidemment comme un message. Il exprime de manière spontanée une sorte de confiance dans l’avenir qui par ricochet a une valeur de message pour la nation. »
Et l’article soulignant que, face à une droite hostile, Mitterrand ne se déplaisait « pas à endosser la panoplie de l’homme intransigeant. » Avec ce rappel : « S’il ne rentre pas dîner rue de Bièvre, le président aime ainsi convier quelques amis au cinéma souterrain aménagé par Pompidou, sous la salle du conseil des ministres, pour quelques séances hautement symboliques. Sera ainsi projeté durant l’été « La Marseillaise », dédié par Jean Renoir en 1938 au Front populaire et financé par une souscription de la CGT. »
La presse, relate encore « Le Nouvel Observateur », était fascinée par la décontraction affichée par le nouveau pouvoir : « Les premières timides promenades de François Mitterrand dans les rues de Paris, chez les libraires de la rue de Tournon ou dans les restaurants de « l’avant 10 mai », sont suivis à la loupe. On s’enchante de savoir que les en-cas servis sur plateau d’argent ont été bannis à l’Elysée. Même les thés ou cafés rituels de 17 heures y sont interdits. « Les huissiers ne sont pas des domestiques », aurait dit le nouveau maître des lieux. »
La réunification allemande
Au début de septembre, c’est la publication des archives du Foreign Office qui mettent en lumière les entretiens sur la réunification de l’Allemagne entre Margaret Thatcher, qui y était très hostile, et François Mitterrand, à la fois méfiant quant au risque de reconstitution d’une Allemagne hégémonique mais convaincu qu’il était impossible d’empêcher cette réunification à partir du moment où le chancelier Kohl avait enfin reconnu la ligne Oder-Neisse comme frontière de l’Allemagne unifiée, ce qui mettait fin à toute polémique.
Les Mémoires de Balladur
En septembre aussi sortait le livre de l’ancien premier ministre Edouard Balladur, relatant à sa manière, peu complaisante, ses relations avec François Mitterrand.
D’abord son premier entretien à l’Elysée après les élections de mars 1993 : « Je fus invité à me rendre auprès de lui à 20 h 30. Je ne l’avais plus rencontré depuis cinq ans, il n’avait guère changé : le teint plus pâle, le visage plus marqué, mais toujours les mêmes traits bien dessinés, le regard qui ne cillait pas, la silhouette ramassée. Sûr de lui, convaincu de sa supériorité, heureux de dominer, n’y mettant les formes que lorsque c’était nécessaire, il faisait penser à un bloc de pierre. Ce soir-là, le ton fut à la suavité : il avait besoin de séduire, de dissiper la méfiance, de conclure un pacte.
Il m’accueilli en me disant : « Bonsoir, monsieur le Premier ministre » ; dans son esprit, je n’avais pas à accepter ou à refuser sa décision, elle était acquise. »
Puis ceci, à propos de la maladie du Président : « Pour moi, la situation devient dangereuse entre un Président qui semble gravement atteint, que je dois soutenir en masquant les difficultés, et des dirigeants politiques qui s’emploient à faire croire que je profite cyniquement des circonstances. Je m’emploie de mon mieux à faire fonctionner l’Etat sans trop de heurts. (…)
« Plusieurs personnalités de la majorité vinrent me conseiller de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il déclarât l’incapacité au moins temporaire du Président. Je m’y refusais absolument. A mes yeux, nous étions très loin d’être dans une situation qui le justifierait. (…)
« Fort heureusement, au bout de quelques semaines, Mitterrand parvint à se ressaisir et à reprendre le contrôle de son humeur. J’en fus heureux. Pas seulement parce que ma tâche en était rendue moins difficile, mais je me réjouissais de voir cet homme courageux dominer l’épreuve, s’acharner à redevenir lui-même. »
L’affaire Farewell
Il est également question, bien sûr, de François Mitterrand dans le film de Christian Carion « L’affaire Farewell », sorti fin septembre et dont plusieurs scènes ont été tournées dans le bureau présidentiel de l’Elysée. L’acteur Philippe Magnan y campe de façon magistrale l’ancien Président de la République. Affaire d’espionnage hors norme déclenchée par un agent haut placé du K.G.B. qui a fait passer à l’ouest des informations sur la situation de l’Union soviétique. Le film rappelle comment François Mitterrand, qui venait d’être élu, exigeait qu’on ne rende compte de cette affaire qu’à lui-même, avant d’en partager les secrets avec le président américain Ronald Reagan, notamment au sommet d’Ottawa, en juillet 1981.