Ce 8 janvier 2018, à Jarnac, conjointement à la cérémonie commémorative annuelle, marquant la disparition de l’ancien président de la République, l’Institut François Mitterrand la rendu hommage à Gilles Ménage, son ancien secrétaire général décédé en juillet dernier.
Après la cérémonie officielle au cimetière des Grand’ Maisons, tous les présents, famille, proches et amis de Gilles Ménage, ce sont rassemblés à la Maison natale de François Mitterrand. Michel Charasse, Vice-Président de l’Institut François Mitterrand, à dévoilé à l’entrée de « la Vinaigrerie » une plaque en l’hommage de Gilles Ménage. Puis Virginie, la fille et Laurent Latrasse, le neveu de Gilles Ménage ont ensuite pris la parole suivi par Frédéric Mitterrand qui a lu le texte écrit par Marie-Pierre Landry, nièce de l’ancien Président. Michel Charasse a ensuite pris la parole pour retracer dans son discours toute la carrière et la vie de Gilles Ménage, rendant hommage à son action et à ses engagements.
La Lettre vous propose de revenir sur cet hommage : en image avec les photos et la vidéo de la lecture du texte de Marie-Pierre Landry par Frédéric Mitterrand et en texte avec le discours de Michel Charasse.
Lecture par Frédéric Mitterrand du texte de Marie-Pierre Landry
C’est en tant qu’Aînée des neveux de François Mitterrand que je prends la parole pour m’adresser à Vous, Cher Gilles.
Vous avez relevé, valorisé, ouvert au public la maison natale – tant aimée – d’un Président de la République que retiendra l’Histoire. Cette réalisation enrichit le patrimoine de la Charente et répondra à bien des questionnements.
D’où venait-il ce Président ? Où allait- il ?
Voyez sa maison de famille, d’enfance, d’adolescence : vous le connaîtrez mieux. L’ameublement classique de l’époque, témoigne d’un certain niveau social. Son décor, le goût des arts décoratifs, de la peinture et des livres. Il y régnait le culte des ancêtres : les âgés, les tout seuls, y étaient accueillis (d’où les suites de bâtiments ajoutés). Le jour se levait à l’heure de la messe quotidienne de Maman Yvonne. Il se terminait en lectures sous la lampe. (J’aimerais que l’on remette dans les chambres leur Crucifix.)
Il y avait une niche dans le jardin, des pigeonniers, des colombes sur le pin parasol. Gilles, vous avez déjà planté un chêne et un olivier. Vous avez remonté la vinaigrerie, cette fabrique qui assurait les études des huit enfants de Joseph Mitterrand. Vous avez réussi.
Cher Gilles, vous avez trop travaillé.
À Jarnac avec Véronique et Benjamin, À Paris, où sous la présidence d’Hubert Védrine, vous dirigiez l’Institut François Mitterrand, secondé par Joëlle, Nicole, Françoise, Jacky, Georges, Christophe et Roger. Editions, colloques, concours, célébrations…
Marie-Pierre Landry
Discours Michel Charasse en hommage à Gilles Ménage
Maison natale de François Mitterrand à Jarnac le 8 janvier 2018
Mesdames, Messieurs,Pardon d’être arrivé un peu en retard ! Mais à mon âge, on ne prend plus les trains de bonne heure : j’ai donc pris le suivant et voilà pourquoi j’arrive seulement en fin de matinée. Heureux hasard, entre nous, c’est juste l’heure de l’apéritif !
Mesdames, Messieurs, et en particulier celles et ceux qui appartiennent à la famille de Gilles Ménage, Chers Amis, aujourd’hui, il s’agit de rendre hommage à Gilles qui nous a quittés brutalement en juillet dernier, de le faire au nom de l’Institut François Mitterrand et de son président, Hubert Védrine, qui vous demande de l’excuser car en voyage à l’étranger.
Né le 5 juillet 1943 à Bourg la Reine, dans la région parisienne, Gilles a été privé très tôt de l’affection de son père et s’est cramponné pour faire sérieusement de solides études. Il fut successivement élève au lycée Lakanal à Sceaux puis au lycée Berthollet à Annecy, ensuite étudiant à Sciences-Po Paris et enfin à l’Ecole Nationale d’Administration, après avoir réussi à un concours toujours particulièrement difficile. Il suivra à l’ENA le cursus et la promotion « Jean Jaurès », entre 1967 et 1969.
Il nous a quittés à 74 ans, après 50 ans de vie active sous diverses facettes au service de la France. Je vais essayer de recenser les vies successives de Gilles, parce qu’il en a eu plusieurs tout au long de son existence.
Après sa scolarité à l’Ena, il est affecté, parcours classique dans l’administration de l’Etat, au ministère de l’Intérieur comme administrateur civil, et il est resté dans les services de ce ministère pendant 12 ans de 1969 à 1981. Administrateur civil, je l’ai dit, puis sous-préfet, Directeur de Cabinet du Préfet du Tarn et Garonne, ensuite à Limoges auprès du Préfet de la région Limousin, Préfet de la Haute Vienne, où il rencontre alors le Président Chirac, qui n’était pas encore Président de la République mais un « grand élu » du secteur. Celui-ci se rappellera de son passage, mais pas au point de ne pas se séparer, avant le moment venu, de Gilles Ménage. Il sera ensuite chargé de mission à la Préfecture de Paris puis Directeur de Cabinet du Préfet et Secrétaire général de la Préfecture de Paris. Dans le même temps, il enseigne à Sciences Po comme maître de conférences de 1975 à 1977, puis à l’Institut International d’Administration publique en 1980-1981. C’est en 1981 qu’André Rousselet, nommé Directeur de Cabinet de François Mitterrand après son élection, présente Gilles Ménage au Président Mitterrand qui lui demande de venir à l’Elysée, où il restera 11 ans.
C’est sa deuxième vie. Il sera d’abord Conseiller technique au Cabinet, étant entendu que les fonctions à l’époque auprès du Président Mitterrand étaient organisées d’une façon moins rigide qu’aujourd’hui. Car François Mitterrand avait du mal à se mettre dans l’idée qu’il y avait un Cabinet et un Secrétariat général et tout cela était parfois un peu mélangé. Mais l’Elysée marchait très bien et nous étions, permettez-moi de le dire, je ne parle pas de moi mais en général, une remarquable équipe de collaborateurs, quelles que soient les affectations que nous avait données le Président, qui étaient parfois assorties de titres peu classiques.
D’abord conseiller technique à l’Elysée, il devient, de 1982 à 1988, Directeur adjoint, puis Directeur du Cabinet du Président de 1988 à 1992. Il suivra à l’Elysée un certain nombre de dossiers, seul ou avec d’autres collaborateurs, en particulier tout le secteur des nominations au sein du Corps préfectoral, que nous partagions. Il connaissait bien le Corps préfectoral et je le connaissais aussi un peu. Donc nous avons très bien fonctionné ensemble ! Mais, dans le même temps, il était chargé des questions de sécurité et de renseignement, plus le domaine délicat et compliqué de la protection de la personne et de la famille du Président de la République. A cette époque les événements étaient particulièrement graves et difficiles, avec des attentats meurtriers dans Paris – qui ne ressemblaient pas exactement à ceux d’aujourd’hui mais dont l’inspiration était aussi intelligente – et l’une des questions qui se posait était d’assurer véritablement la sécurité, y compris des enfants et de la famille, ou des proches du Président. Gilles s’est montré dans ce poste entièrement dévoué au service de l’Etat qu’incarnait le Président Mitterrand, désintéressé, animé du plus haut sens de l’Etat et des responsabilités, ayant la confiance totale, certainement même l’amitié, du Président de la République pour la mise en œuvre de ses directives, de ses politiques, de ses exigences dans l’intérêt de la France et de celui de l’Etat. Il a été, pour cette période de sa vie, très critiqué, et même vilipendé, et mis en cause, bien injustement, pour son action. François Mitterrand aurait pu lui délivrer ce qu’Alexandre Dumas prête, dans les Trois Mousquetaires, au roi Louis XIII, qui envoyait ses gens en mission en leur donnant un sauf conduit sur lequel il y avait marqué « c’est sur mon ordre et pour le bien de l’Etat que le porteur de la présente a fait ce qu’il a fait ».
Ce haut sens du service lui aura moralement coûté cher ! Et il aura payé cher, au nom de ce que certains de ceux qui l’ont vu agir avec honnêteté et désintéressement, ont considéré comme une sorte de « morale » des temps modernes qui, en d’autres temps, n’aurait pas permis à la France de survivre, ni même de vivre. Il avait ressenti une grande douleur de cet épisode de sa vie où il a connu ce qu’il en coûte de faire son devoir d’Etat.
En tout cas celles et ceux qui ont travaillé avec lui à l’Elysée, comme celles et ceux qui travaillaient avec lui jusqu’aux derniers jours à l’Institut François Mitterrand savent qu’il n’a manqué jamais ni à la France ni à l’Etat ni à François Mitterrand. Ses « juges », je veux dire ses détracteurs, – pas ceux des tribunaux qu’on invitait à faire leur métier, mais ceux qui, au nom de la clameur publique, attendaient de lui qu’il parle et qu’il trahisse François Mitterrand – en ont été pour leur compte. C’était mal connaître Gilles Ménage que d’imaginer la moindre faiblesse de sa part alors qu’étaient en jeu l’honneur de la France, celui de François Mitterrand, et le respect que nous devons à un Chef de l’Etat qui a exercé ses fonctions dans des conditions dont nous nous souvenons tous et dont l’histoire se souvient. Je ne suis pas sûr que l’Histoire retienne le nom de tous les détracteurs de Gilles, d’autant plus que certains continuent à inventer un combat nouveau tous les jours, mais ça c’est autre chose ! Ils finiront par s’épuiser car leurs critiques et leurs mises en cause reposent sur du vent !
Troisième vie de Gilles entre 1992 et 1995. Pendant 3 ans, il remplira à la tête d’une des premières entreprises nationales françaises, fleuron de notre pays, la mission que François Mitterrand lui a confiée : Président d’Electricité de France, avec tout ce que cela suppose pour garantir la pérennité, l’avenir et la progression d’une entreprise connue et admirée dans le monde entier et qui assure l’indépendance énergétique de la France, élément essentiel de l’indépendance tout court à laquelle François Mitterrand, dans la plus pure tradition Capétienne, était profondément attaché. Il répondra à l’attente du Président : sous son autorité, EDF a poursuivi sa marche en avant et a accru et consolidé sa solidité, multipliant à cet effet, voyages et contacts à travers le monde entier.
C’est le Président Chirac qui mettra brutalement un terme à ce bref mandat, peu dans la tradition de l’entreprise, mais qui a pourtant positivement marqué EDF comme les nouveaux responsables de l’entreprise l’ont fortement souligné au moment où Gilles a quitté la Maison. Le Président Chirac, tout en écartant Gilles Ménage, avait cependant dit qu’il n’avait rien à lui reprocher, au contraire, concernant sa gestion, son remplacement n’étant selon lui que la conséquence d’une pure convenance politique. Il connaissait et appréciait Gilles depuis son affectation à la Préfecture de Limoges, puis à celle de Paris. Il lui confiera donc, en 1996-1997, une importante mission sur l’énergie pour prolonger et poursuivre son action à la tête de l’EDF. Un remord sans doute ! Donc, le secteur de l’énergie a occupé Gilles pendant 5 ans. Il n’a pas démérité, bien au contraire.
Il deviendra ensuite un expert international respecté et reconnu dans le monde de l’énergie, et il présidera International Consortiums en 1998.
Bref, si on accumule tout ça, huit années, pleinement consacrées à l’énergie en France, en Europe, dans le monde par celui qui est resté jusqu’au bout Président d’Honneur d’EDF et qui a suscité, à ce titre, une grande considération de ses pairs.
Enfin, la dernière vie de Gilles sera la Fondation, créée par le Président Mitterrand, en 1995 à son départ de l’Elysée et juste avant sa mort, l’Institut François Mitterrand – dans les locaux de laquelle nous nous trouvons aujourd’hui – dont il assurera le secrétariat général de 2003 à 2017, soit pendant 14 ans.
Cette période fut pour lui de prolongement de son action au service de la France et de l’Etat, dans le respect du souvenir de la personne et de l’action de François Mitterrand, de la confiance qu’il lui avait accordée et du dévouement qui en était la contrepartie au point de devenir une sorte de sacerdoce pour Gilles.
A 60 ans avec un dynamisme intact il prendra donc en charge toute l’administration de la jeune fondation dont les débuts et les premières années furent compliqués. Car, d’abord nous avons eu une succession de présidents, donc un problème de continuité à certains moments. Aucun n’a démérité mais la rotation était un peu rapide d’autant que tout était à faire : défendre et protéger la mémoire de François Mitterrand, c’est l’objet social de la fondation, valoriser et expliquer sa vision et son action, mettre à bas les mensonges, les calomnies, les erreurs historiques, qui prétendaient ruiner la mémoire de notre ancien Président dans l’esprit public. Toutes ces basses manœuvres ont d’ailleurs échoué, et c’est tant mieux ! Et aussi protéger et gérer ses archives et les ouvrir aux universitaires et aux chercheurs dans les limites voulues par le Président lui-même. Cela n’a pas toujours été bien compris mais les limites voulues par le Président sont celles qu’exige la protection des intérêts supérieurs de la nation et de l’Etat que Gilles Ménage n’était pas disposé à brader. La loi et notre conception ont d’ailleurs été récemment validées par le Conseil constitutionnel.
En même temps, il a fallu régler de multiples questions : celle des locaux du siège définitif de la fondation à Paris, celle des moyens budgétaires, car notre capital constitué par François Mitterrand à sa mort ne produit pas assez pour couvrir toutes les dépenses, puis celle de la maison natale de Jarnac, reprise par la Fondation, à la demande de la ville de Jarnac, qui en a été brièvement propriétaire, et qui avait pu d’ailleurs la racheter grâce à une aide importante de l’Etat allouée à l’époque, à notre demande, par le Premier ministre charentais, Jean-Pierre Raffarin, qui m’avait dit : « on n’oublie pas ici que François Mitterrand était charentais. ». J’ajoute pour la Fondation, pour que vous soyez parfaitement bien au courant, que lorsque la question s’est posée des difficultés financières de la Fondation de Gaulle, François Mitterrand, alors que j’étais ministre du budget, m’a dit : « vous inscrirez 50 millions de francs en dotation pour la Fondation de Gaulle ». J’ai inscrit cette somme au budget et je l’ai faite voter. Mais nous n’avons pas eu droit ensuite au même geste pour la Fondation Mitterrand
Nous avons démarré, en 1996, avec 10 millions comme capital, ce qui est un peu juste. Nous avons eu donc quelques soucis, mais grâce à Jean-Pierre Raffarin, je le dis, nous avons pu contribuer au rachat de la Maison natale par la Ville de Jarnac et éviter qu’elle soit achetée par un Anglais. Ils ont déjà brûlé Jeanne d’Arc, ça suffit ! Beaucoup avait été fait, sous les Présidents successifs depuis Roland Dumas jusqu’à Hubert Védrine. Et quand Gilles arrive au secrétariat général, tout ou beaucoup reste encore à faire, notamment la question du siège définitif à Paris, qu’il a fallu transférer, à deux reprises et en dernier lieu, de la rue Charlot au populaire et historique quartier des luttes ouvrières parisiennes qui n’aurait pas déplu à François Mitterrand, le faubourg Saint-Antoine ainsi que la remise en état de la Maison natale de Jarnac, où nous nous trouvons, à laquelle Gilles a consacré tous ses efforts et aussi bien sûr à l’administration quotidienne de l’Institut, avec tout ce qu’il fallait faire pour animer et conforter la petite équipe de l’Institut, avec la nécessité de tout informatiser, de gérer Internet, tous systèmes incompréhensibles pour moi, de gérer et exploiter les archives, etc, etc…
Grâce à une aide spéciale de l’Etat, renouvelée tous les ans depuis la première décision de Jean-Pierre Raffarin, il a été possible de rénover entièrement la maison, de la protéger, de la préserver, de la mettre hors d’eau. Tout ceci sous le contrôle des Bâtiments de France, puisque l’immeuble a été inscrit à l’inventaire supplémentaire en 2004 à notre demande.
C’est Gilles qui a étudié, proposé au Conseil d’administration, programmé et suivi les travaux réalisés par tranches successives, et financés presqu’à 100 % par l’Etat, sans oublier les aides du Conseil général de la Charente et même spontanément de celui de la Charente Maritime, parce que le Président était charentais !
L’essentiel a donc été financé par l’Etat, ce qui représente une aide de plus de 2 millions d’euros au total, y compris l’achat de la propriété, ainsi que les bâtiments annexes de la vinaigrerie – où nous nous trouvons à l’instant – quasiment l’objet des dernières préoccupations immobilières de Gilles, et qu’il aura réussi à mener à bien. A son départ inattendu, la dernière tranche de travaux était engagée. Elle s’achèvera en 2018, grâce à une dernière aide complémentaire de l’Etat de 120.000 euros qui vient d’être inscrite dans la loi de finances. J’en profite pour remercier Frédéric (Mitterrand) qui nous a rejoints ce matin puisque comme ministre de la Culture, il a signé tous les ans le chèque que j’appellerai « Raffarin », donc un chèque « Mitterrand » pour la Maison natale d’un autre Mitterrand.
Tout ceci a été réalisé sans amputer d’un moindre centime la petite dotation de la fondation, ni déséquilibrer nos comptes, vus sans observations par la Cour des Comptes, lorsque elle a contrôlé les fondations. Gilles œuvrait, bien sûr, avec l’aide vigilante de nos trésoriers successifs et sous le contrôle du Conseil d’Administration, auquel il rendait compte, au point de lasser ceux qui n’aiment pas trop les chiffres, à chaque réunion du Conseil. Donc, tout ce qu’il faisait, tout ce qui était décidé était connu du Conseil d’Administration et contrôlé par le Conseil.
Je ne veux pas oublier non plus ce qui fut un épisode important des activités de l’Institut et donc de Gilles Ménage : le centenaire de la naissance de François Mitterrand, commémoré en 2016, qui a demandé plus de 2 ans d’intenses préparations auxquelles Gilles s’est plus que pleinement consacré avec un grand sens pratique et de l’économie (ça c’est la marque du Corps préfectoral). Grâce aux aides qu’il a su glaner ici, il a été possible de réduire fortement le coût fiscal pour la fondation.
Bref, il fut un exceptionnel animateur, infatigable, malgré quelques soucis de santé qu’il gardait secrets car il ne s’étendait pas sur ses problèmes personnels. Animateur donc de la petite équipe de l’Institut où en fait l’essentiel de l’administration reposait sur lui, avec l’obligation de nombreux allers et retours entre Paris et le Sud-Ouest, d’où une accumulation de fatigue qui ne s’est pas ressentie sur la marche de la fondation mais qu’il a peut-être fini par payer un jour de l’été dernier dans une gare parisienne.
C’est, en effet, au cours d’un nouveau déplacement d’Agen à Paris que Gilles a été brutalement terrassé, en descendant du train alors qu’il se préparait à venir à l’Institut. Il n’a pas pu surmonter cette terrible et violente attaque cérébrale et il nous a quittés le lendemain à 74 ans à peine, après avoir rempli avec honneur et dignité toutes les missions que la République ou ses amis lui avaient confiées. Sans avoir achevé, hélas, la vinaigrerie couronnant son action à la maison natale de Jarnac, dont il avait réussi à nous imposer la rénovation, car au départ, le Conseil d’Administration n’était pas très chaud. Il ne disait pas non, mais nous disions : « il faut savoir ce qu’on va y faire » et Gilles répondait : « Ecoutez nous sommes lancés, nous avons fait et terminé la maison. Il faut donc finir par la vinaigrerie, sinon nous ne le ferons jamais » et nous avons poursuivi. Il nous avait donc quasiment imposé la rénovation, qui n’était pas évidente pour plusieurs d’entre nous !
Je parlerai également des responsabilités que ses amis lui ont confié, car je ne veux pas passer sous silence, non pas une cinquième vie, mais une vie parallèle : la vie sportive à Penne d’Agenais, le club de rugby, champion local, « les Florilèges », qui ont organisé des manifestations artistiques, des concerts, des manifestations musicales pour de jeunes talents, et la sauvegarde de la petite église paroissiale romane de Saint Pierre de Noaillac avec l’association des amis de l’église de Saint Pierre de Noaillac qu’il présidait je crois depuis le début de l’année 2017, au pied de laquelle, dans le petit cimetière, il repose aujourd’hui.
Il y aurait encore beaucoup à dire. Et chacun de ceux qui l’ont connu et aimé, ses enfants, ses proches, complèteront.
La fondation Institut François Mitterrand, très affectée par sa disparition, et mesurant ce qu’elle perd à travers son action en faveur de la mémoire et du souvenir de notre ancien Président a tenu à lui rendre hommage, aujourd’hui, dans ce lieu, symbolique pour nous et pour lui, auquel il a consacré 14 années de sa vie et ses derniers efforts, alors qu’il ressentait sans doute déjà une grande fatigue.
Cette plaque que nous avons dévoilée il y a un instant est posée, à dessein, sur cette partie de la maison natale – partie à laquelle François Mitterrand était très attaché, car il avait vu son père y travailler pour faire vivre sa nombreuse famille – rappellera qui il fut et ce qu’il a fait, la fidélité inébranlable dont il a fait preuve, y compris et surtout dans les moments difficiles, ceux que nous avons vécus ensemble mais ceux aussi où il se sentait bien seul et accusé, alors qu’il n’avait jamais trahi ni la personne, ni la mémoire du Président Mitterrand. C’était aussi une marque de sa fidélité à la République et à ses principes.
Nous ne l’oublions pas. Il était notre camarade et notre ami, toujours chaleureux et attentif à chacun, généreux aussi, plutôt jovial et bienveillant. Bien que d’un tempérament souvent inquiet, il était plutôt enclin à pardonner les petites erreurs, les petites choses qui ne marchaient pas toujours comme il souhaitait. En cela, il était aussi profondément humain.
Merci.
Michel Charasse