Depuis l’élection présidentielle de 1965, date de l’apparition des sondages sur la scène politique française, la sondomanie s’était développée pour atteindre certainement son point culminant en 1981.
Dans une tribune publiée par Le Monde le 24 novembre 1980 (« Peut-on faire mentir les sondages ? »), j’avais montré les limites de l’utilisation des sondages dans la vie politique et j’avais souhaité qu’on s’efforce d’y voir clair sur la nature même des sondages et sur le contexte dans lequel ils ont été réalisés. Et je terminais mon texte par ces 2 phrases :
« A six mois de l’échéance, nul ne peut préjuger des effets d’une campagne probablement âpre qui permettra aux citoyens désormais confrontés à des choix réels, de s’exprimer clairement. Alors, j’en suis certain, François Mitterrand fera mentir les sondages une fois encore. »
Il n’est pas excessif de dire que ce n’était pas un point de vue très répandu !
Témoin cette lettre* qui m’avait été adressée par un militant socialiste d’Angers : « Si François Mitterrand est candidat, il n’a aucune chance, aucune. C’est une évidence. (…) Candidat, il aura certes l’appui de tous les socialistes. L’ennui c’est que vos 200 000 membres représentent 0,7 % du corps électoral… 0,7 … Et ce sont tous les autres qui feront la décision. Tous ceux de gauche qui pensent plus à la victoire de la gauche qu’à la sacro-sainte unité du PS. Tous ceux qui sont persuadés avec juste raison que Michel Rocard serait élu… (…) Les sondages désormais ne changeront pas. Vous devriez aller parler avec les gens, à la ville, à la campagne… Vous vous apercevriez que Mitterrand c’est fini. Ils veulent un homme neuf. C’est là une certitude. Comment pouvez-vous passer à côté d’un jugement aussi évident… Et comment pouvez-vous ne pas vous rendre compte que les Giscardiens sont paniqués en pensant à la candidature Rocard… (…)
* Citée dans l’excellent mémoire de Thomas Jouteux, « Le PS dans la campagne de François Mitterrand en 1981 »
Témoin aussi les vives (mais amicales) remontrances que m’avait faites le directeur d’un grand institut de sondage sur le caractère « pas sérieux pour un scientifique » de mes critiques et de mes prévisions. Il dut pourtant reconnaître que j’avais vu juste, lorsque le 10 mai à 18h 30, c’est lui qui me téléphona le résultat du sondage « sortie des urnes » à transmettre à François Mitterrand pour l’informer de sa victoire!
Des souvenirs de 40 ans….qui devraient faire réfléchir certains utilisateurs abusifs des sondages dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Source : http://paul.quiles.over-blog.com/2021/05/il-y-a-40-ans-les-sondages.html