Militant syndical, regardant avec réserve ceux qui s’activent sur l’autre versant, celui du politique, dans les années 1960, le jeune Delors approfondit son engagement chrétien à la Vie nouvelle, lance un club « Citoyens 60 » tout en participant activement au mouvement de déconfessionnalisation de la CFTC, évolution qui donnera bientôt naissance à la CFDT.
C’est au Commissariat au Plan qu’il affine progressivement sa conception de la politique économique. Il a alors une hantise : l’inflation, sur laquelle se fonde alors l’essentiel du compromis social. À l’inverse, il se fait l’avocat d’une politique de concertation qui doit permettre d’améliorer la répartition des revenus tout en construisant un environnement monétaire enfin stabilisé.
Il fait alors un premier pas en direction du monde politique en rejoignant à Matignon les équipes de Jacques Chaban-Delmas qui porte un projet, celui de la « Nouvelle Société » qui doit se développer selon deux axes principaux : modernisation de l’économie, ouverture de la démocratie. L’innovation est à l’ordre du jour avec, par exemple, l’apparition du Smic, les contrats de progrès avec les syndicats de fonctionnaires et, surtout, le grand accord tripartite sur la formation permanente.
Après un passage de dix années à l’université et la création du club « Echange et projets », il devient en 1981 ministre des Finances du gouvernement Mauroy. A gauche, l’ambiance de la période est aux affrontements. Il y a d’un côté ceux qui entendent soumettre l’économie au politique, en niant des réalités qui s’imposent bientôt durement au pays. De l’autre, le souci de démontrer que la gauche peut gérer dans la durée, en apportant à cette gestion la touche, l’inspiration, les méthodes qui en feront l’originalité. C’est cette seconde voie qui finit par s’imposer, mais non sans mal. Viennent ensuite les dix années de présidence de la Commission européenne à l’issue de laquelle il nous laisse un héritage des plus marquants depuis la période des « Pères fondateurs » : le marché unique, l’espace sans frontières et l’euro.
Au total, un parcours atypique, mariant constamment les ressorts du militant des premiers jours et la largeur des vues de l’homme d’Etat qui s’impose peu à peu. Des expériences certes variées mais toujours vécues en fonction du même fil conducteur des valeurs qui l’inspire.