Le 10 mai 1981, lorsque François Mitterrand fut élu président de la République, je ressentis deux sentiments contradictoires très forts : d’une part la joie de voir un leader de gauche être au pouvoir en France et, de l’autre, la crainte de voir s’interrompre le projet pour le musée d’Orsay dont j’avais remporté le concours en 1980.
Mais très rapidement, le Président fait annoncer le programme du Grand Louvre et nomme un nouveau président de l’établissement public du musée d’Orsay. Pour ma part, je suis invitée à l’Élysée pour un entretien avec Paul Guimard, conseiller du Président, après l’annonce que la surface d’exposition du musée avait été augmentée.
Ma première entrevue avec le Président fut d’ordre privé, lors d’un déjeuner chez un ami (était-ce lui qui m’avait fait inviter ?). Il me posa des questions sur le musée et je lui racontai la transformation de la gare en musée et la difficulté de transformer un bâtiment du XIXe siècle en une structure moderne du XXe siècle, ce qui ne signifie pas seulement refuser une contagion de la décoration mais aussi adopter une méthode rationnelle. Il m’écoutait en silence, avec curiosité et une attention intense.
Je revis le Président deux fois par la suite, lorsqu’il vint visiter le chantier du musée. J’ai une photographie de sa première visite, devant une maquette, et je me souviens fort bien de ses questions sur la forme de la grande nef, sur les matériaux ainsi que sur les rapports avec la muséographie ; Michel Laclotte aussi était présent et ce fut une explication très animée parce que sollicitée par une curiosité intelligente, constructive et passionnée. Quelque temps après, deuxième visite du chantier où l’intervention était déjà très visible mais cette fois-là, la visite fut plus « officielle ». Nous étions tous alignés pour l’attendre : conservateurs, Établissement public, direction de la construction, architectes, ingénieurs, etc. J’eus droit à un petit sourire en signe de reconnaissance. Puis il y eut l’inauguration du musée, la solennelle promenade architecturale dans le splendide espace muséographique et, encore une fois, l’Élysée, le 20 mars 1987, lorsque le président de la République française François Mitterrand me nomma chevalier de la Légion d’honneur. Incroyable, inoubliable !