Jacques Séguéla et Thierry Saussez font revivre pour nous les campagnes présidentielles de la Vème république. Les deux hommes ont œuvré l’un et l’autre dans les coulisses de ces compétitions politiques exceptionnelles. Ils font partie des quelques hommes de communication qui ont œuvré pour acclimater, pour naturaliser français des concepts et des techniques initiés le plus souvent dans le monde anglo-saxon.
Au fil des campagnes qu’ils analysent, plus que les supposées ficelles de leur métier, ce sont les hommes qu’ils ont conseillé qu’ils nous font redécouvrir sous un jour légèrement différent de ce que nous avons connu d’eux.
C’est ainsi que Jacques Séguéla complète pour nous le portrait d’un François Mitterrand réputé pour son habileté en mettant l’éclairage sur sa force de conviction. La scène au cours de laquelle le « conseiller » s’inquiète du fait qu’il pourrait s’afficher comme partisan de l’abolition de la peine mort, mesure que rejette les trois-quarts des Français, est des plus intéressantes. « Pour qui me prenez-vous? Ce n’est pas un sondage et encore moins un publicitaire qui vont me dicter ma conduite. » Quinze jours plus tard, conclut sobrement le « publicitaire » rabroué, le candidat socialiste gagnait son débat. Et la France un nouveau président.
« Est élu l’homme qui raconte à son peuple l’histoire qu’il a envie d’entendre à ce moment donné de son Histoire. A l’expresse condition d’en être le héros crédible ».
Ces deux phrases de François Mitterrand reflètent l’une des conditions essentielles, voire indispensables à la bonne fin d’une campagne.
Dans la course à la victoire présidentielle, les clés de la réussite sont souvent discutées, analysées et critiquées. Quel est le rôle des médias et des sondages au cours des mois qui jalonnent la bataille politique ? Quelles leçons les politiques peuvent-ils tirer des campagnes précédentes ?
Les deux auteurs retracent les moments forts de chaque campagne: la campagne qui eut raison de la volonté qu’avait Lionel Jospin de gagner face à Jacques Chirac. Celle de 1974 qui laissa François Mitterrand aux portes du pouvoir, jusqu’à celle de 1981 où érigé en «force tranquille» il eut enfin raison de son adversaire. sans oublier, bien sûr, la remarquable campagne de 1988 que l’auteur n’hésite pas à qualifier de «campagne d’artiste».
Par-delà la nostalgie de Jacques Séguéla quant aux moments passés au côté de «l’homme à la rose», cet ouvrage fait une grande place aux analyses précises de spécialistes de la communication: affiches disséquées, photos et slogans observés à la loupe.
Si Jacques Séguéla et Thierry Saussez ne s’attardent guère sur les programmes des candidats, ils étudient par contre d’une façon méticuleuse ce que fut le rôle des médias, de la télévision notamment, des sondages… Ils expliquent l’évolution des campagnes vers un spectacle politico-médiatique qui insiste davantage sur le « paraître » que sur l’essence même du projet.
Au fil des campagnes qui ont scandé la vie de la Vème république, ils mettent en exergue le rôle qu’a pu jouer la presse qu’elle soit télévisuelle, écrite ou radiophonique, l’influence des sondages dans la dramaturgie qui a conduit à la victoire de l’un et à la défaite de l’autre.
Au-delà de la simple analyse de l’utilisation de la communication politique des campagnes, le lecteur découvre les confessions des spécialistes. Auto-critique de sa propre participation, Séguéla analyse avec justesse les erreurs commises par son équipe lors de la campagne de 2002, au côté de Lionel Jospin.
Mais, en fil long de l’ouvrage, le lecteur perçoit le vif du sujet, celui qui brûle la plume des deux auteurs: la campagne de la présidentielle 2007 avec, au cœur de la guerre, deux héros combattant dans l’arène.
Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont analysés, disséqués, ainsi que leurs stratégies de communication, à l’aube de la campagne acharnée qui s’annonce. A chacun de retenir les qualités et les stratégies qui feront remporter la victoire de son candidat. A chacun, de dénoncer les failles de l’adversaire pour tenter de prouver sa vulnérabilité. A chaque lecteur, enfin, de se faire son propre avis sur les deux principaux candidats en observant les ficelles de la manipulation en matière de communication politique.