10 mai 1981 : c’est une période palpitante de ma vie : j’ai 23 ans et je vote pour la première fois. Depuis deux ans, je suis employé de service à la Caisse d’Epargne d’Avignon où, en alternance avec Jocelyne, je saisi manuellement à l’ordinateur les salaires de tous nos clients du Vaucluse et même les nôtres, je constitue aussi des dossiers, avec l’arrivée des premiers distributeurs de billets à Avignon, des dossiers pour l’obtention de cartes magnétiques et de chéquiers. En quittant mon bureau à 17h30, je suis des cours du soir de DECS (Expertise Comptable) jusqu’à 20h à la Chambre de Commerce d’Avignon. Le samedi matin j’ai d’autres cours de comptabilité car je dois repasser la 2e partie de mon CAP d’Employé de Comptabilité. Lors de mes pauses, avec Patrick du service des prêts, je monte mon propre dossier car une agence immobilière située face au théâtre des Carmes d’André Benedetto m’a proposé de devenir propriétaire d’un appartement.
10 mai 1981 : c’est l’anniversaire de Marie-France Pisier, l’inoubliable interprète de Ludivine dans mon feuilleton préféré : « Les Gens de Mogador ».
Jacotte, une amie rencontrée l’été 1976 alors que nous traversions une étrange dépression, et qui m’avait offert, en se cotisant avec d‘autres amis, un 33tours instrumental sublime de Helmut Zacharias, avec, sur la pochette, une jolie blonde aux épaules dénudées : « L’important c’est la rose » d’après la chanson de Bécaud, me téléphone pour savoir si j’avais bien reçu ses lettres. Annick, ma copine de classe qui travaille aux Impôts, accepte de se charger des photocopies de mon dossier de Prêt. Pierrot, le collègue qui travaille à l’informatique et traduit des nouvelles de Philip K. Dick, me conseille sur des textes de Science-fiction que j’écris. Mes copains Roland et Michel qui viennent d’ouvrir leur entreprise d’électricité générale se chargeront des branchements et interrupteurs.
10 mai 1981 : François Mitterrand paraît sur l’écran du téléviseur. Je suis fou de joie, je pleure, enfin notre vie va changer à nous les jeunes gens issus de la classe ouvrière, je rejoins les copains place de l’Horloge, c’est la Fiesta ! Et à partir de l’élection de celui pour lequel j’ai voté tout va me sourire : le 18 mai j’obtiens l’Aptitude au probatoire du DECS que j’ai passé à Marseille, en posant un jour de congé et en dormant dans ma voiture devant la porte du lieu d’Examen pour être sûr d’arriver à l’heure. Le 30 juin 1981 je décroche la partie manquante de mon CAP, fin juillet grâce à Brigitte, la standardiste, un assureur qui refusait de prendre en charge mes prêts en raison de mon souffle au cœur me donne son accord, alors que je suis à Bandol, dans le Var, en vacances avec mes grands-parents. Je regarde avec émotion la photo dédicacée que Catherine Langeais la speakerine, ma payse, m’avait envoyée en 1972 comme un pentacle. Je respire : Que c’est bon d’avoir vingt ans sous François Mitterrand !
Serge Roux