Le 10 mai 1981, j’étais maire de Thuré, petite commune rurale jouxtant Châtellerault. Toute la journée, les électeurs se succédaient pour voter et le soir, lors du dépouillement je reçus des appels téléphoniques des maires amis du voisinage qui avaient déjà les résultats tous en faveur de François Mitterrand.
A 20h avec mon mari qui était venu de Paris pour l’occasion, nous regardions bien sûr la télévision, entourés des élus dans ma commune. Ce fut une explosion de joie. Puis, comme convenu, nous sommes rentrés à Paris en voiture. Au premier péage, le préposé au contrôle qui m’avait reconnue est sorti de son abris, a ouvert la portière de la voiture en poussant des cris de joie et m’a embrassée!
Nous sommes allés directement au siège du P.S. en nous garant à une certaine distance compte tenu de la foule en liesse qui entourait l’immeuble. Je suis entrée et nous sommes tombés dans les bras les uns des autres.
Quelque temps après, certains d’entre nous étaient conviés à retrouver François Mitterrand à l’étage.
J’entrais dans la pièce où il était assis, très calme, grave.
C’était, à mes yeux, comme si cette élection, pourtant attendue, lui conférait une autre personnalité. Ce n’était plus François Mitterrand, notre premier secrétaire. C’était le Président des Français. Cela, je l’ai ressenti profondément. Il nous a serré la main et dit quelques mots d’où j’ai compris qu’il projetait de nous convoquer bientôt. Au-delà des mots, tout était différent. Une nouvelle ère s’ouvrait. Nous étions comme en suspens. J’ai rejoint mon mari dans la voiture. Je ne pouvais plus parler. Il l’a compris et nous sommes rentrés silencieusement chez nous.
Édith Cresson