A l’occasion de l’anniversaire de la disparition de François Mitterrand, Paul Quilès a trouvé pertinent de republier sur son blog un texte écrit en 2006.
L’Institut François Mitterrand a également souhaité le republier dans ce numéro.
François Mitterrand ne nourrissait aucune illusion sur les ressorts profonds de la nature humaine en politique. Il ne serait donc pas surpris d’entendre ceux de ses « amis » qui l’ont tant dénigré, surtout vers la fin, lui rendre aujourd’hui de vibrants hommages et se réclamer de sa filiation. Il sourirait certainement -et les apprécierait à leur juste mesure- en lisant les commentaires parfois élogieux de certains de ses adversaires, qui, après l’avoir durement combattu, reconnaissent aujourd’hui les qualités de l’homme politique et la valeur de ses enseignements.
Le bilan des deux septennats de François Mitterrand est contrasté. Les responsables politiques ont naturellement tendance à le juger sans faire totalement abstraction de leurs engagements partisans. Quant aux commentateurs, il n’est pas évident qu’ils disposent encore d’assez de recul pour juger sereinement de cette tranche d’histoire.
On entend dire qu’il s’agissait alors d’une « autre époque ». Il est vrai que le monde a bougé depuis ce qu’on a appelé « les années Mitterrand ». La scène internationale, de plus en plus dominée par l’hyperpuissance américaine, a vu également l’influence de certains acteurs se renforcer. La mondialisation des échanges est devenue un enjeu majeur des relations entre Etats. Des lignes nouvelles de fracture sont apparues, sous les coups de boutoir des extrémismes, qui se manifestent avec plus de vigueur, notamment à travers les dérives islamistes et le terrorisme mondialisé.
En France aussi, la vie politique, les rapports de force, les débats ont évolué… même si les changements dans ce domaine sont probablement moins forts qu’on semble parfois le croire. Ce qui est sûr, c’est que les électeurs supportent de moins en moins le carcan de la Vème République, que François Mitterrand avait malheureusement accepté et qui rend aujourd’hui le débat politique au sein des institutions trop fréquemment décalé par rapport aux réalités vécues par les citoyens.
Pour autant, en dépit de ces évolutions, il est des enseignements de la vie publique de François Mitterrand qui perdurent. Je pense essentiellement au rôle que celui-ci attribuait dans la conduite de son action à la volonté et à la méthode.
Volonté par exemple d’approfondir la construction européenne sans détruire la France, en liaison avec notre partenaire allemand. Volonté de moderniser l’économie de notre pays en l’appuyant sur des secteurs publics forts. Volonté de rechercher la justice sociale, même si la crise et certains manques d’audace n’ont pas permis d’aller assez loin.
Quant à la méthode qui fut celle de Mitterrand et qui a toujours guidé sa démarche, personne ne peut nier qu’elle reste totalement d’actualité : des objectifs politiques clairement définis, une stratégie bien affichée, le souci permanent du rassemblement (des socialistes, de la gauche, des Français).
Ceux qui, comme moi, ont eu la chance de connaître cet homme de près retiendront également un autre trait de sa personnalité, auquel il dut faire appel à de multiples occasions au cours de sa vie: une exceptionnelle capacité de résistance à l’adversité.
C’est sa ténacité et la volonté qu’il manifestait dans l’action, jointes à la clarté de ses objectifs qui expliquent sans doute pourquoi ce personnage au caractère trempé, qui pouvait parfois apparaître froid et distant, avait la capacité rare de savoir mobiliser et entraîner les hommes. Souhaitons que d’autres responsables politiques sachent s’inspirer de cette leçon, pour redonner l’espoir qui manque tant aujourd’hui à notre pays.
« L’action politique, à certaines heures, est comme le scalpel du chirurgien, elle ne laisse pas de place à l’incertitude.»
François Mitterrand, dans « Ma part de vérité »
« L’homme politique s’exprime d’abord par ses actes ; c’est d’eux dont il est comptable ; discours et écrits ne sont que des pièces d’appui au service de son oeuvre d’action »
François Mitterrand, dans « Mémoire à deux voix », avec Elie Wiesel.