A l’occasion des primaires citoyennes, François Hollande était revenu pour la Lettre de l’IFM sur la place qu’occupe dans son parcours politique la figure de François Mitterrand.
Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, l’Institut republie le texte de celui qui ambitionne de devenir, le 6 mai prochain, son successeur.
Comme à des millions de Français, François Mitterrand m’a offert la joie du 10 mai 1981. J’avais 26 ans. Je terminais mes études et entrais dans la vie active.
Il m’a permis de travailler à ses côtés et j’ai ainsi, à une place modeste mais formatrice, contribué au changement que les Français attendaient.
De lui je retiens une ténacité à toute épreuve. Jamais de renoncement, jamais de découragement. Personne ne trace un chemin à votre place. Personne ne peut vous contraindre à vous en écarter. A condition d’avoir des convictions dont vous ne doutez pas. Il avait tout cela.
Sa fidélité à la Nièvre et au Morvan reste pour moi une leçon et un exemple. Il ne connaissait pas cette partie de France quand il s’y est présenté en 1946, lui qui venait de la Charente. Il l’a sillonnée, il l’a représentée, il l’a dirigée, il a voulu tout connaître de son histoire, de sa géographie, de ses coutumes. La « Force tranquille » a résumé ce trait de son parcours politique.
Il ne venait pas de la gauche mais il avait la passion de la République. Il a rencontré la Gauche parce qu’il avait le goût de l’égalité et celui de la justice. Cela lui a permis de rassembler les Français après avoir réuni les socialistes.
Son parcours de vie personnelle lui a ainsi permis d’embrasser la France dans sa totalité. Il venait de Jarnac, contemplait le chevet de notre-Dame de Paris de sa résidence de la rue de Bièvre, flânait le long des quais de la Seine, gravissait chaque année Solutré, se promenait dans la forêt des Landes, aimait s’arrêter à Vézelay, se reposer dans le Lubéron et retrouver des amis à l’Hôtel du Vieux morvan. Cet amour de la France et des Français ne l’enfermait pas. Il m’a aussi aidé à regarder le monde et à le comprendre, à ne rien céder pour bâtir l’Europe.
François Mitterrand a, comme tout homme politique, sa part d’ombre et sa part de lumière. L’une et l’autre n’ont pas manqué d’être commentées. Mais il y a des personnalités qui servent de référence. Il a apporté l’espoir d’un 10 mai et changé notre pays en profondeur notre pays.
Il est inutile de lui chercher un héritier. Il suffit de lui trouver un successeur.
Sa première élection il y a trente ans a sonné comme un coup de tonnerre, en France d’abord, en Europe ensuite, avant qu’il ne résonne dans le monde entier. Il arrivait pourtant à un moment de basculement de l’histoire. Margaret Thatcher avait gagné à Londres en 1979 et Ronald Reagan à Washington en 1980. Ces deux succès ouvraient une longue période d’ultralibéralisme dont les dégâts s’étalent aujourd’hui sous nos yeux.
En choisissant François Mitterrand, les Français signifiaient une forme de résistance à ce système prédateur et le nouveau Président a d’abord répondu aux aspirations de la population, si longtemps contenues. Même sa réélection en 1988 intervient lors d’un autre basculement du monde. Le Mur de Berlin s’effondre dès l’année suivante, l’Allemagne s’unifie en 1990, l’Union Soviétique disparaît en 1991, les guerres yougoslaves commencent, la première guerre d’Irak est déclenchée. Tout son engagement européen se déploie dans toute sa force. Il faut dans ces circonstances plus d’union et moins de repli, plus d’internationalisme et moins de nationalisme, plus de générosité pour l’avenir et moins de fermeture dans le présent.
Quelle leçon tirer de ces moments eu regard de notre histoire ? Les Français confient leur destin à la Gauche quand celui-ci vacille ou hésite. En 1936, quand il faut barrer la route au risque de fascisme dans notre pays ; en 1945 quand il faut tout reconstruire de l’économie aux institutions ; en 1956 quand il faut arrêter la guerre en Algérie mais cette année-là notre devoir n’est pas respecté et la Gauche le paiera très cher ; en 1981 quand les Français veulent le changement après deux chocs pétroliers et au début de la crise ; en 1997 quand Jacques Chirac dissout l’Assemblée Nationale pour réaliser le passage à l’euro, mieux vaut la gauche pensent-t-ils alors. Et 2012 ? Les crises sont lourdes, économique, politique, sociale, financière, européenne, morale… Les Français savent que les efforts seront à faire. Ils pourraient à nouveau se confier à la gauche parce qu’ils savent que sa politique sera plus juste, moins inégale et plus respectueuse.
Une belle victoire le 6 mai 2012 serait un bel hommage à celle du 10 mai 1981.