Distinguer une personnalité ou une organisation, française ou étrangère, ayant su incarner, exprimer ou concrétiser pacifiquement, par ses actions, son œuvre ou sa pensée, l’espoir et le rassemblement des « forces de la jeunesse, du travail et de la création », auxquelles se référait François Mitterrand dans sa déclaration du 10 mai 1981.
Telle est l’ambition du Prix François Mitterrand du 10 mai, créé par l’Institut François Mitterrand à l’occasion de la célébration du 40e anniversaire de l’élection du quatrième Président de la Cinquième République.
Le jury, composé de différents membres du Conseil d’administration de la Fondation et de personnalités extérieures, s’est réuni au printemps 2021 pour examiner une vingtaine de dossiers. C’est finalement la candidature de Selahattin Demirtaş, député du HDP, parti démocratique des peuples, emprisonné dans son pays, la Turquie, pour « propagande terroriste » depuis 2016, qui a été distinguée par les 14 membres du jury.
En remettant son Prix à ce représentant de la jeune classe politique stambouliote ouverte au monde et de gauche, l’Institut François Mitterrand entend saluer le combat d’une personnalité exemplaire qui cherche inlassablement, au prix aujourd’hui de sa liberté, à rassembler pacifiquement toutes les forces progressistes pour défendre pratiquement la démocratie et les droits des minorités, en Turquie comme ailleurs dans le monde.
C’est son représentant, Hişyar Özsoy, député de la Grande Assemblée nationale de Turquie, qui a reçu le prix mardi 11 janvier 2022 à 18 heures au siège de la Fondation, en présence d’Hubert Védrine, son Président.
Le jury, présidé par Louis Mermaz, ancien ministre, Président de l’Assemblée nationale (1981-1986), était composé de Laure Adler, essayiste, journaliste, productrice de radio et de télévision, Marie Arena, députée européenne, présidente de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, Eric Benzekri, scénariste, Gilles Candar, historien, Pierre Favier, journaliste, membre du Conseil d’administration de l’IFM, Aurélie Filippetti, ancienne ministre, Jean Glavany, ancien ministre, Pierre Joxe, ancien ministre, Zarina Khan, philosophe, actrice, réalisatrice, Laurence Lissac, membre du Conseil d’administration de l’IFM, Gilbert Mitterrand, membre du Conseil d’administration de l’IFM, Mazarine Pingeot, membre du Conseil d’administration de l’IFM et Thomas Wieder, journaliste.
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À propos de Selahattin Demirtaş
Né en 1973 dans une famille « zaza » (minorité kurde), Selahattin Demirtaş grandit notamment à Diyarbakir, grande ville du Sud-Est de la Turquie à majorité kurde. Le jeune homme construit sa conscience politique, puis ses engagements, dans la lutte pour les droits humains, constatant l’oppression à Diyarbakir des Kurdes et de leurs organisations. Devenu avocat, il est élu député en 2007, siégeant sous l’étiquette du DTP dont il devient président du groupe parlementaire. Le DTP est à cette période associé au PSE, parti européen duquel sont membres les grands partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes européens. Le DTP est interdit en 2009 par les autorités turques se transformant en BDP. Selahattin Demirtaş, co-président à partir de 2010 (le parti adoptant le principe des co-présidences paritaires, une femme/un homme) participe au processus de négociations entre les autorités turques et le PKK. Il souhaite sortir le combat démocratique de la minorité kurde de son ghetto pour l’élargir à toutes les franges dominées de la société turque : femmes, jeunes, homosexuel(le)s, minorités spirituelles ou ethniques, forces syndicales, afin de constituer une force politique qui rassemble les forces de progrès. Ce processus aboutit à la création en 2013 du HDP (Parti démocratique des peuples) qui entend représenter la société turque dans toutes ses diversités, dans une perspective écologique et de respect de l’environnement après les mobilisations à Istanbul autour du Parc Taksim Gezi. Selahattin Demirtaş en devient co-président. Après la percée du HDP aux élections législatives de juin 2015, la répression s’abat sur le parti et ses responsables. Selahattin Demirtaş est emprisonné en 2016, condamné en 2018 à 4 ans et demi de détention pour « propagande terroriste ». Le 22 décembre 2020, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Turquie et demande la libération immédiate de Selahattin Demirtaş. Le député emprisonné est l’auteur de plusieurs ouvrages dont L’Aurore, écrit en prison et paru en 2018, qui a obtenu le prix Montluc Résistance et liberté et le prix Lorientales 2019. En novembre dernier, un tribunal a condamné à deux ans et demi de prison Basak Demirtaş, épouse de l’opposant.
Discours de remerciement de Selahattin Demirtaş, lu par Hişyar Özsoy :
Reportage photo de la remise du Prix :