L’ancien ministre socialiste Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée au moment du génocide rwandais de 1994, a salué vendredi auprès de l’AFP « l’honnêteté » du rapport, remis à Emmanuel Macron, qui a « écarté toute complicité de la France ».
Il a déploré toutefois « les critiques très nombreuses et sévères » du rapport, visant notamment l’ancien président socialiste François Mitterrand, qui « ne tiennent aucun compte du fait que la France n’a fait que réagir à partir de 1990 à l’attaque du FPR » tutsi.
Selon le rapport cinglant d’historiens remis vendredi au président, la politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, menée par François Mitterrand et son entourage « aveuglés idéologiquement », a été une « faillite » et elle porte des responsabilités « accablantes » dans le génocide des Tutsi.
« Mais le plus important, c’est que le rapport écarte toute complicité de la France », a estimé Hubert Védrine, « compte tenu des accusations qui circulent depuis une quinzaine d’années », dont il a lui-même fréquemment fait l’objet.
Interrogé sur la responsabilité de François Mitterrand et de ses bonnes relations avec le président rwandais de l’époque Juvénal Habyarimana, soulignée par le rapport, Hubert Védrine a affirmé que « c’est une mauvaise explication », une « extrapolation »: « Il connaissait bien les dirigeants africains, pas lui plus qu’un autre » et « beaucoup de pays avaient des relations normales » avec le régime Hutu.
L’ancien ministre des Affaires étrangères a également repoussé l’explication du rapport selon laquelle les informations régulières provenant de militaires et diplomates sur place, faisant état d’un risque de génocide, avaient été ignorées à Paris. « Il n’y avait pas besoin d’avertissements pour savoir qu’il y avait un risque géant. C’était évident dès le début qu’il (allait) y avoir un durcissement atroce ».
L’attitude des dirigeants français, qui continuent à livrer des armes au régime jugé « raciste » par le rapport, s’explique selon lui par leur volonté de répondre « aux attaques du FPR, qui massacre beaucoup de cadres Hutu ». « Il y a une course de vitesse et la réponse de la France, c’est de faire pression pour arriver à un compromis », qui débouche sur les accords d’Arusha en août 1993, plaide-t-il.
« Il y est notamment question de bâtir la nouvelle armée française, avec 40% de Tutsi alors qu’ils représentaient 12 à 13% de la population rwandaise », souligne Hubert Védrine, pour qui « ce n’est pas un comportement d’ami aveugle ».
Hubert Védrine « reconnaît des erreurs » de la France. Par exemple, « quand on se retire du Rwanda après les accords d’Arusha, ça ne me choque pas que certains disent qu’on aurait dû rester, en tout cas une présence internationale ».
Le rapport peut-il amener un apaisement? « On verra bien, souhaitons-le », a glissé M. Védrine.