Les lois de décentralisation de 1982-83, votées par le gouvernement Pierre Mauroy, portent l’empreinte de François Mitterrand.
Pour avoir eu l’honneur de siéger à ses côtés, c’est à dire côte à côte, au
Conseil Général de la Nièvre pendant plus de 8 ans, je peux témoigner de son
agacement au moment du budget, voté par nous, confisqué ensuite par le Préfet.
Le Préfet rédigeait les rapports et orientait ainsi la politique départementale.
On pouvait, certes, les refuser, mais suivait un autre rapport, toujours
d’origine préfectorale, qui reprenait, grosso modo, la même orientation ; le
Préfet finissait par l’emporter. Le Président protestait contre cette loi qui
nous traitait en enfants, quasi adultes pour voter le budget et endosser
l’impopularité des hausses fiscales, mais trop enfants pour pouvoir en disposer
et le gérer.
La tutelle des Préfets était totale, en tout cas dans la Nièvre, puisqu’en
1964, le Président, nouvellement élu, constata que le Président du Conseil
Général n’avait pas de bureau ! Quand un problème surgissait, que ce soit un
différend ou une simple mesure à prendre, c’est dans le bureau du Préfet que les
choses se réglaient. Le bureau du Président du Conseil Général était le bureau
du Préfet, ou plus exactement, le Préfet, dans son bureau, se substituait au
Président du Conseil Général. Il y avait bien la commission départementale « ce
clystère que Thiers avait mis, suivant son expression, dans le derrière des
Préfets », mais elle n’était guère gênante pour le pouvoir préfectoral. Elle
siégeait, en général, dans les salons de la Préfecture où les conseillers
généraux s’enfonçaient benoîtement dans des fauteuils confortables et moelleux,
la Préfète offrait des rafraîchissements, passait les petits fours et tout cela
ressemblait fort à une réception mondaine. Comment refuser quelque chose à un
hôte qui vous traitait aussi bien ?
C’était un moment heureux et les élus remerciaient Dieu d’avoir créé le monde
!
Ainsi allait le cours de l’histoire départementale. Mais le Président
déplorait les lacunes de la loi d’organisation territoriale qui nous amputaient
de tout pouvoir. Les lois de décentralisation, donc, ne nous surprirent pas,
nous qui avions mal vécu avec lui cette frustration. Elles y mirent bon ordre.
Ce fut une des grandes réformes de la 5ème République, une des plus nécessaires,
une des plus heureuses.