Le livre ancien est une évasion bien connue de l’entourage du Président. Il collectionne les éditions rares ou anciennes de ses écrivains préférés. Sa femme a appris l’art de la reliure dans les premières années de leur mariage : « C’était tout de suite après la guerre (…). Je me suis intéressée d’abord aux instruments du maître relieur. Il y avait un magasin devant lequel je passais souvent. Un jour j’y suis entrée, j’ai acheté un manuel, les instruments de base. Puis j’ai demandé au relieur s’il connaissait quelqu’un qui pouvait m’apprendre… et je suis entrée dans le milieu de la reliure comme ça. La reliure d’art, c’est un milieu très spécifique. Pendant vingt ans j’ai vécu dans ce milieu-là, je me suis intéressée, et j’ai fait quelques belles choses. J’ai relié beaucoup de livres pour François. Lorsque je me suis arrêtée en 1981, il a continué à faire relier. Il aimait le texte, et il aimait que le texte soit bien enveloppé. » Après acquisition, l’objet livre intègre la bibliothèque présidentielle… Il serait plus juste de dire « les bibliothèques ». Distinguons trois sites : Latche, la rue de Bièvre et l’Élysée. À Latche Mitterrand entrepose notamment la collection complète du Livre de Poche, ainsi que de nombreuses éditions Pléiade de ses auteurs favoris. Après l’élection de 1981, la rue de Bièvre est réservée aux vieux livres et aux livres favoris. L’accès à ces deux bibliothèques « intimes » est réservé aux proches. Jean Glavany les décrit ainsi : « Rue de Bièvre (j’ai connu François Mitterrand début 1979) il m’avait convoqué, dans son petit “poulailler”, son bureau sous les combles, envahi par les livres, posés à même le sol, etc. ; il vivait parmi les livres, une invasion permanente. Il a décidé assez vite de faire descendre des centaines et des milliers de livres à Latche, dont des poches, des livres qui n’avaient pas grande valeur, pour lesquels il a construit deux chalets de bois mis sous les pins, pour le stockage. Et ensuite à Paris, dans les dernières années, il a fait construire une bibliothèque par un de mes amis personnels. » Dans ces bibliothèques, le classement est l’affaire du Président et de lui seul. Son épouse raconte que, jusqu’à la fin de sa vie, il rédigeait lui même de petites fiches cartonnées pour ses ouvrages préférés. De son côté, la bibliothèque « officielle » de l’Élysée accueille les « beaux livres » et les services de presse. Cette pièce du palais présidentiel est un véritable musée du livre, composé par le designer Philippe Starck : « Des sièges spartiates, une table, des rayonnages bas pour les livres que le Président a apportés : les Mémoires de Saint- Simon, tout Racine et tout Cicéron, notamment. Des rayonnages pour les livres et une cheminée, c’étaient aussi les seules exigences du chef de l’État pour la pièce qui communique avec cette bibliothèque : sa chambre, confiée à Jean-Michel Wilmotte. Paisibles, les tons des murs, des meubles, du bois blanchi, du granit et de la pierre grattée. » Des livres, on en trouve encore dans la chambre, dont les murs sont couverts de rayonnages du sol au plafond.