Encore un livre sur François Mitterrand ! Certes. Mais celui-ci ne ressemble à aucun des précédents. D’abord parce que le gros ouvrage de Florence Drory et Fabien Lecoeuvre, sobrement intitulé François Mitterrand, entre dans la catégorie de ce qu’on appelle les « beaux livres » (à offrir, par exemple, à l’occasion des fêtes de fin d’année). Ensuite parce qu’il retrace d’une façon particulièrement vivante tout le parcours de l’ancien Président depuis l’enfance heureuse à Jarnac, dont il dira plus tard qu’elle a illuminé sa vie, la jeunesse universitaire à Paris au foyer catholique du 104 rue de Vaugirard, etc., jusqu’à ses derniers jours en janvier 1996.
Une grande quantité de photos accompagnent des textes essentiellement factuels. Mais surtout – c’est la principale originalité du livre – on y trouve un ensemble de documents dont beaucoup inédits, insérés en fac-similés entre les pages.
Ainsi, par exemple, plusieurs exemplaires du petit journal L’éphémère que François Mitterrand publiait en 1941 dans son stalag IX A et dont il signait les éditoriaux avant de s’évader de ce camp de prisonniers. Un peu plus loin on trouve l’ordre général signé en mars 1945 par le général Koenig citant François Mitterrand à l’ordre de la nation pour son action dans la Résistance avec attribution de la Croix de guerre, étoile d’argent.
Au fil des pages, on peut encore retrouver des notes de travail, des lettres manuscrites personnelles ou officielles, des reproductions d’affiches et de journaux comme ce numéro historique publié à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires entre les deux tours de l’élection présidentielle de mai 1981 et intitulé prophétiquement « La Victoire ». Le candidat de la gauche y écrivait en tête de son éditorial ces lignes qui pourraient être aussi une leçon pour aujourd’hui :
« Nous gagnerons ensemble. Nous ne gagnerons que rassemblés. Je veux unir et non pas déchirer. Ils ont voulu désunir la France, il faut réunir les Français ».
Tous ces documents ont été méticuleusement recueillis par Florence Drory que François Mitterrand avait engagée dès avril 1975 au service de presse du parti socialiste et qui s’est révélée une fine observatrice des faits et gestes de l’homme public comme de l’homme privé.
L’ouvrage se divise en treize chapitres qui balaient donc toute la vie et toute la longue carrière de François Mitterrand : les « racines », le choc de la guerre, l’entrée en politique, un destin présidentiel, le poing et la rose, le souffle de la victoire, mai 1981, à l’Elysée, l’action internationale. Les derniers chapitres font revivre l’écrivain, le bâtisseur, pour s’achever sur les « jardins secrets » du Président, Mazarine, les amis de toujours avec cette remarque des auteurs :
« François Mitterrand a reçu parce qu’il a su donner. Il n’accordait sa confiance et son amitié que rarement et avec parcimonie. Mais une fois acquises, c’était pour la vie. Amitié et fidélité furent les ferments de sa vie personnelle ».
Le livre s’achève sur les derniers instants, les funérailles à Jarnac et cette citation de l’ouvrage de Marie de Hennezel, La mort intime, dont François Mitterrand avait écrit la préface :
« La mort peut faire qu’un être devienne ce qu’il était appelé à devenir, elle peut être au plein sens du terme un accomplissement. Et puis, n’y a-t-il pas en l’homme une part d’éternité, quelque chose que la mort met au monde, fait naître ailleurs ? »