L’affaire du journal «Republica» représente sans doute un des paroxysmes de la crise que traverse alors le Portugal. Elle intervient au mois de mai 1975 dans un climat de tension extrême. François Mitterrand mit aussitôt l’opinion publique française devant ses responsabilités. La riposte des socialistes portugais, avec des manifestations importantes qui mettent en évidence une large adhésion des masses à leur projet, permet de dépasser une crise qui risque alors d’être fatale au processus démocratique.
Lundi 26 mai
Ma chronique d’hier tombe à pic.
À Lisbonne paraissait jusqu’à ces derniers jours un journal qui portait le beau nom de Republica. Ce journal était socialiste. Il avait résisté pendant quarante ans aux coups des dictateurs : censure, interdictions, et de temps à autre prison pour ses rédacteurs.
La liberté au Portugal s’écrivait en quatre syllabes.
Mais Republica n’existe plus. Son directeur, Raul Rego, locataire habituel des geôles de Salazar, a été séquestré dans son propre bureau et les presses occupées par un commando d’ouvriers que les socialistes portugais soupçonnent d’avoir été mobilisé par les soins du Parti communiste.
Roi Salomon à l’oeil borgne, le M.f.a. a rendu sa sentence en mettant les scellés.
Adieu presse libre !
Non, au revoir, si toutefois chacun prête la main à la démocratie en péril.
Déjà les partis communistes d’Italie et d’Espagne, pour ne parler que de pays occidentaux, se sont prononcés en condamnant l’opération. L’attitude du Parti communiste français paraît plus embarrassée.
Qu’un texte sur les libertés s’appelle charte (c’est le nôtre), code (c’est celui du gouvernement) ou déclaration (c’est le titre de l’important document que le P.c. vient de rendre public), la liberté d’expression s’inscrit au premier rang des droits élémentaires.
L’affaire de «Republica» est, de ce point de vue, très simple. Peut-être trop simple: on ne peut en effet répondre à la question posée que par oui ou par non.
François Mitterrand,
_« Ma part de vérité »,
dans « L’Unité », 30 mai 1975