Plusieurs articles et témoignages de première main, comme ceux de Michel Charasse ou d’Alain Boublil, sont consacrés dans ce numéro de la « Lettre » à Pierre Bérégovoy et à la politique économique. Cela nous a paru important pour plusieurs raisons. L’action de Pierre Bérégovoy tout au long des deux septennats de François Mitterrand est trop, et injustement oubliée, occultée par le contexte politique très ingrat de son année à Matignon et par sa fin tragique.
L’idée est répandue par les autorités et la majorité actuelle que la France aurait connu près de vingt ans d’immobilisme. C’est évidemment faux, et contradictoire, de la part de ceux qui n’avaient cessé de dénoncer alors non pas un pseudo immobilisme de la gauche mais son action et ses réformes.
Il y a eu une politique de gauche volontaire, et moderne. Il faut la rappeler et la réexpliquer.
Sous les coups de boutoir de la crise, au bord du gouffre, les droites américaine et française, la gauche britannique, jusqu’ici ultra-libérale, la droite allemande, plus lentement, redécouvrent non seulement les vertus mais la nécessité absolue de nouvelles règles.
Que n’ont-ils pas brocardé, depuis trente ans, ceux qui voulaient maintenir quelques règles de prudence et de bon sens, pour ne pas dire de morale et de décence, et un minimum de rôle de l’Etat dans le capitalisme dérégulé. Bien sûr une certaine libéralisation a dopé la croissance mondiale et permet à des centaines de millions de paysans pauvres, surtout asiatiques, de sortir de l’extrême pauvreté. Mais à un prix social et écologique élevé et dans des conditions financières proches de celles d’un casino.
Au moment où va s’engager une très rude et longue bataille pour la « régulation » et où les ultra libéraux, Gordon Brown en tête, redécouvrent le rôle vital et irremplaçable des États, il faut se rappeler que plusieurs partis de gauche en Europe, notamment en France, n’ont cessé de prôner des normes économiques prudentes et raisonnables, des normes sociales et environnementales plus exigeantes et de proposer une meilleure organisation multilatérale (ONU, FMI, OMC, G8, etc.).
On aimerait, aujourd’hui, que les gauches européennes sortent, ensemble, de leur silence stupéfait et présentent leur propre agenda pour la régulation.
La « doctrine Mitterrand » concernant les terroristes étant souvent citée de façon impropre, nous en redonnons, dans ce numéro, les termes exacts.