Il m’a expliqué qu’il était préoccupé par deux choses :
Le matin-même, il avait effectué un vol dans un Mirage IV, mais le ministre André Giraud avait quitté la base avant son retour (lire ci-après la Rencontre avec les journalistes de François Mitterrand à Istres). De plus Libération venait de publier une interview de Michel Rocard par Jean-Michel Helvig2 qui l’avait « beaucoup agacé ».
Il faisait horriblement chaud (35°). Lorsque je suis arrivée, le président, qui venait d’arriver de Marseille avec Niki de Saint Phalle, était en train de marcher dans ce « Jardin de tarot » avec elle. Niki portait une chaussette verte et une chaussette rouge et avait offert au président son chapeau de paille (avec des fleurs) pour qu’il se protège du soleil.
Je me souviens d’une halte fraîche dans une des maisons du Tarot, totalement délirante en forme de maison dans une grotte avec des miroirs partout. Je me demandais bien comment cet homme surchargé de préoccupations politiques pressantes et lourdes avait la capacité de s’enthousiasmer aussi pour la fantaisie, l’humour et la créativité de Niki.
Mais il souriait et y prenait vraiment du plaisir. Puis nous avons pris le thé chez le propriétaire des lieux, un Caracciolo, propriétaire de presse, François Mitterrand a parlé des origines des Caracciolo et de la ville de Naples en posant des questions, mais aussi en montrant sa grande érudition.
Nous avons quitté Garavicchio pour prendre la route de Cortona3 (jumelée avec Château-Chinon), et sommes passés par le lac de Bolsena et Orvieto.
Rencontre de Monsieur François Mitterrand
président de la République
avec la presse (extrait)
Istres, le mercredi 19 Août 1987
François Mitterrand Je viens de prendre part à une opération de ravitaillement en vol après avoir passé en revue, avec les officiers compétents, l’ensemble des dispositifs dont la France a l’usage, surtout dans les opérations à longues distances. C’est le sujet de notre entretien. Je n’avais pas l’intention de procéder à une « conférence de presse », mais vous êtes venus nombreux et il n’est pas question que je vous dise au revoir sans que vous ayez eu l’occasion de me poser quelques questions ou bien d’approfondir les sujets qui vous paraîtront utiles. Tout a été préparé pour cela, je suis maintenant à votre disposition.
Le ministre de la défense (André Giraud) a quitté Istres avant votre retour du vol en C-135. Qu’en pensez-vous ?
Je crois l’avoir rencontré tout à l’heure mais je dispose d’une réelle autonomie de mouvement.
Y a-t-il consensus entre vous et le gouvernement sur les problèmes de défense ?
C’est mon rôle constitutionnel de chef de l’Etat et de chef des armées, premier responsable de la sécurité du pays, que de m’informer le plus précisément possible de l’état de nos forces. Cela m’a conduit à diverses reprises à inspecter nos armées et à examiner de plus près leurs activités. Cette visite se situe dans ce cadre. Vous avez dû voir, puisque l’on parle de Mirage, ce type d’armements, lors d’une visite récente à Strasbourg. Si vous faites le compte de mes visites ou de mes inspections d’ordre militaire, vous vous apercevrez qu’au total, peu de choses ont pu échapper à mon attention personnelle. Il appartient à mes collaborateurs et aux états-majors d’assurer leur commandement et s’ils sont là où ils sont, c’est parce qu’ils ont notre confiance. Bien entendu ils sont en mesure, mieux que quiconque, de pouvoir nous informer, en raison de leurs compétences personnelles de l’état actuel de nos forces. Ne voyez donc rien d’extraordinaire dans cette visite aujourd’hui. Mais bien entendu, si nous tenons à ce que notre armée soit en état, c’est pour que nul ne s’avise de vouloir nuire à nos intérêts.
- Le Jardin des Tarots (Giardino dei Tarocchi) créé entre 1979 et 1993 par Nikki de Saint Phalle est un espace constitué de sculptures monumentales de Jean Tinguely représentant les 22 arcanes du Tarot. Il est situé sur un terrain appartenant à la famille Caracciolo à Garavicchio de Pescia Fiorentina en Toscane.
- « Enquête de moralité publique », Libération, le 17 août 1987. Interview dans laquelle Michel Rocard – alors membre du bureau exécutif du Ps – aborde, notamment, la morale en politique, les otages français au Liban, l’affaire Greenpeace, la Nouvelle Calédonie, le financement des partis politiques.
- Les deux villes furent jumelées à l’été 1962 suite à la rencontre de François Mitterrand (alors Sénateur-maire de Château-Chinon) et Spartaco Mennini (secrétaire de Mairie de Cortona).